Julien Sylvain (Tediber) : « Notre croissance, à un peu plus de 20%, peut sembler indécente par rapport au marché »
En 9 ans, Tediber s'est imposé sur le marché de la literie avec une promesse forte et une stratégie marketing innovante. Plus récemment, c'est le pari de la diversification, tant sur la maison avec une nouvelle offre de canapés qu'auprès des professionnels de l'hôtellerie, qui lui a permis de tirer son épingle du jeu sur un marché en souffrance. Bien dormir mais ne jamais se reposer sur ses lauriers pourrait être le mantra de ses dirigeants. Entretien avec Julien Sylvain, cofondateur de la marque, rencontré à Monaco, lors de la dernière édition de One to One Retail Ecommerce.
Julien Sylvain, cofondateur de Tediber
IN. : Tediber fait partie des marques de literie en ligne les plus populaires en France avec une promesse : « Durable, fait en France, au bon prix ». À quel point cette promesse est-elle compliquée à tenir ?
Julien Sylvain : C’est une promesse facile à tenir puisqu’on a conçu notre offre à partir de cette promesse. 80% de nos matelas sont produits en France, une petite partie en Belgique, idem pour tous nos autres produits, notre canapé, par exemple, est fabriqué à deux pas de la Bourgogne. C’est une des raisons citée par nos clients, ils nous choisissent à la fois pour la qualité de nos produits et pour cette promesse. Ce que nous aimons dire, c’est que si nous voulons que les gens se reposent bien, cela commence par pouvoir faire confiance à la marque qu’ils choisissent, être sûr que l’on a payé le juste prix pour le produit choisi et qu’il est bien produit.
IN. : Vous êtes plutôt épargné par la crise qui frappe le e-commerce. Quel regard portez-vous sur ce moment particulier?
J.S. : Nous sommes sur un marché sous pression du fait de plusieurs facteurs. Tout d’abord, une petite gueule de bois post-Covid, où il y a eu beaucoup d’équipements du foyer. Les Français avaient de l’épargne disponible, ils étaient chez eux, ils en ont profité pour s’équiper ce qui a évidement siphonné les ventes des années futures. C’est le premier élément. La deuxième chose, c’est l’inflation. Face à l’inflation, on a tendance à décaler les achats structurants du foyer. Donc, on a eu beaucoup d’achats de matelas qui ont été reportés. Ajoutez à cela le contexte géopolitique qui crée de l’angoisse chez les consommateurs et qui explique que les porte monnaies se sont encore un peu refermés…
Le dernier élément, qui est sûrement celui qui a eu le plus d’impact pour nous, c’est la crise immobilière avec la hausse des taux et le ralentissement du nombre de transactions_ on parle quand même de moins 30% par rapport à la situation pré-Covid_hors on sait que plus de la moitié des matelas sont achetés dans le cadre d’un déménagement. Donc, mathématiquement, on a un marché qui affiche -10 à -15% par rapport à une situation contrefactuelle qui pourrait être celle pré-COVID ou 2021.
IN. : Sachant que le marché a terminé l’année 2023 en baisse de 3 %, qu’est-ce qui vous permet aujourd’hui de ne pas être aussi heurté que d’autres?
J.S. : C’est vrai que notre croissance peut sembler indécente par rapport au marché, à un peu plus de 20%. Ce sont les projets que nous avons mis en place depuis quelques temps qui nous ont permis d’atteindre ces résultats. On a commencé à diversifier notre activité dans un premier temps en ouvrant des boutiques, qui ont connu une meilleure résilience que le ecommerce de manière générale. Ce sur quoi nous avons accéléré ces deux dernières années, c’est la diversification de notre offre auprès d’une cible B2B : gites, chambre d’hôtes, coliving, hôtel… qui nous permet de réaliser plusieurs millions de chiffre d’affaires cette année.
La deuxième chose, c’est l’élargissement de notre gamme de produits. Nous sommes passés d’un spécialiste du matelas à un spécialiste du confort, avec les oreillers, couettes, du linge de lit, très liés au confort de la nuit, et maintenant le canapé qui est venu renforcer notre catalogue de produits et qui nous a permis de trouver une vraie bouffée d’air sur ce marché ultra tendu.
IN. : Un marché tendu sur lequel des acteurs comme Emma prennent beaucoup de place, notamment médiatiquement..
J.S. : Nous sommes sur un marché qui s’est polarisé. Nous avions beaucoup de concurrents et beaucoup ont disparu. Parmi ceux qui restent, nous avons en effet un concurrent allemand très agressif, notamment en matière de stratégie promotionnelle, que nous avons d’ailleurs fait condamner, qui a fait appel de cette condamnation, mais qui a effectivement gonflé ses prix et qui pratique des promotions permanentes. Ce qui est objectivement illégal en France et déloyal d’autre part. L’Allemagne n’a pas de contraintes en matière de pratiques promotionnelles, mais en France, c’est le droit français qui doit s’appliquer. Nous nous attendons donc à une jurisprudence importante.
IN. : En parlant de stratégie marketing, Tediber c’est aussi un storytelling très travaillé Depuis « le lancement de l’incroyable matelas », en passant par vos magasins baptisés « boites de nuit » à partir de 2021, des campagnes très différentes des codes du marché et au-delà de cela « la livraison en 48h et 100 nuits d’essai pour trouver le sommeil parfait ». Comment avez-vous trouvé la “promesse parfaite” et comment a-t-elle et doit-elle évoluer pour répondre aux attentes des Français ?
J.S. : Ce que nous voulions, c’était penser le matelas différemment.L’industrie du matelas avant notre arrivée était incarnée par ce vendeur de matelas en qui nous avons tous assez peu confiance. D’ailleurs, l’expression « vendeur de matelas » matérialise bien le manque de confiance qu’on a dans ce marché : opacité des prix, jargon technique, impossibilité de savoir si l’on achète le bon produit à la bonne personne et au bon prix !Nous avons imaginé une offre beaucoup plus simple, un seul produit, un prix toujours identique, Every Day Low Price, qui vraiment révolutionné les règles du jeu de ce marché.Cela nous a permis de massifier la production et de sortir du lot, avec un discours vraiment innovant. Le matelas est sans doute l’un des produits les plus important de nos vies compte-tenu du temps que l’on passe dessus, pour autant personne n’était capable de citer une marque de matelas spontanément.
Il manquait un lien émotionnelavec ce produit, et c’est ce qu’on s’est attaché à créer.D’abord avec la marque, avec le nom Tediber, qui incarne bien cette proximité et avec un discours plus frais, plus innovant, loin du discours pseudo-scientifique du marché. On a mis de côté le discours technique même si, évidemment, nous sommes l’un des matelas les plus techniques du marché, mais ce n’est pas ce qui intéresse le consommateur. Le consommateur veut savoir s’il va bien dormir, et c’est notre réputation, notre plateforme de marque qui le rassure sur ce point.
IN. : Au rang des investissements prioritaires des ecommerçants en 2024 d’après la Fevad, on trouve le marketing et la publicité, suivie par l’informatique et la RSE. Ce classement est-il fidèle au vôtre ?
J.S. : Oui, je pense.Nous sommes encore en phase de conquête,nous souhaitons faire connaître notre marque, Tediber est aujourd’hui connue par un gros tiers des Français, nous souhaitons être dans le top 5 des marques les plus connues, le top 3 même.Nous n’en sommes pas très loin, donc nous avons des ambitions assez importantes.Nous avons beaucoup investi en marketing, nous étions d’ailleurs en télé récemment.
Nous avons également beaucoup investi en RSE, nous sommes entreprise à mission, nous avons des objectifs assez ambitieux : réduire de 30% notre empreinte carbone à l’horizon 2030 notamment. Nous créons de nombreuses initiatives dans ce sens, nous essayons d’être novateur, en participant à la recréation de filières. On l’a fait avec la laine par exemple. Nous souhaitons participer à la création d’une filière laine en France, nous avons constitué un collectif dans ce sens,le collectif Tricolore.Nous investissons beaucoup dans cet aspect qui nourrit la marque en même temps quenos convictions personnelles, et participera à faire de nous un acteur unique, une marque désirable avec une manière unique de faire notre travail.
IN. : L’avenir de Tediber est-il alors résolument français, malgré son nom..
J.S. : Aujourd’hui Tediber est une goutte d’eau sur son marché, avec ses 50 millions de chiffre d’affaires. L’industrie du lit : matelas, sommier, couette, linge de lit représente 2 milliards d’euros en France. Donc, pour l’instant, nous voulons consolider notre position avant de nous tourner vers l’international dans quelques années avec une proposition de valeur encore plus forte, des produits encore plus différenciant et une marque encore plus puissante; probablement à l’horizon 2026.
Crée fin 2015 par Julien Sylvain, entrepreneur, Aude du Colombier ex-Directrice Marketing de Google France, et le duo de designers Juan Pablo Naranjo et Jean-Christophe Orthlieb.
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