10 octobre 2023

Temps de lecture : 5 min

« Tous les sportifs n’ont pas eu ma chance », Jérémy Clamy-Edroux, premier rugbyman à avoir fait son coming out

A l’occasion de la journée nationale du Coming Out, L’Autre Cercle a annoncé  les noms des 100 nouveaux lauréat·es de l’édition 2023 des Rôles Modèles LGBT+ et Allié·es, qui prône l’inclusion de ces dernier.ères  au travail, ainsi qu’une  enquête menée par Ipsos auprès de 1 000 actifs français sur l’inclusion des LGBT+ au travail et l’importance pour les organisations d’avoir des rôles modèles. Jérémy Clamy Edroux premier rugbyman à parler de son homosexualité dans un sport où l’on entend à l’entraînement des phrases comme « on n’est pas des pédés », explique  à INfluencia en quoi consiste être  « rôle modèle ».

INfluencia: en quoi consiste la mission de « rôle modèle »

Jérémy Clamy-Edroux: un rôle modèle est une personne qui incarne les valeurs de l’inclusion et de la diversité dans son parcours professionnel et personnel, servant ainsi d’inspiration pour les autres. Briser les stéréotypes, rompre les barrières liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre dans son domaine. Entre autres.

IN: vous êtes joueur de rugby. Racontez-nous votre parcours?

J. Cl. E. : je suis né dans une fratrie de 10 garçons (une seule soeur). Je suis noir, j’ai les cheveux longs et j’ai senti assez tôt que j’étais attiré par les garçons, mais notre famille étant très traditionnelle,  je ne voyais pas comment annoncer mon homosexualité à mon père. C’est dans un documentaire consacré à cette question, « Faut qu’on parle » (Canal+) et qui donnait la parole à six champions sportifs, que j’ai pu faire passer le message. Je ne sais pas comment j’aurais fait autrement. Mon père, -s’il se doutait de quelque chose-, ne le disait pas, et je ne parvenais pas à lui avouer.

IN. : vous pensez qu’il aurait mal réagi dans d’autres circonstances?

J.Cl.E. : je ne sais pas. J’ai toujours pensé qu’il serait contre, vu qu’il tenait des propos dégradants sur ces questions. Donc oui, j’étais incapable d’assumer le fait que j’étais gay auprès de lui. D’ailleurs dès l’âge de 16 ans je m’émancipe de ma famille, et je m’assume. Au travail, j’expliquais simplement que j’étais bisexuel, j’étais le copain de rugby… Et surtout, j’ai eu la chance d’être entouré de personnes tolérantes, bienveillantes… Mais durant ma carrière, j’ai connu des joueurs pour lesquels c’était compliqué.

IN. : pensez-vous pouvoir influer sur les problématiques de vos congénères?

J.Cl.E. : il s’agit d’ouvrir le dialogue afin que le sport soit inclusif. Se priver de talents parce qu’ils ne sont pas de la bonne couleur ou de la bonne orientation sexuelle n’a pas de sens. Au rugby, on est 15 sur le terrain, je suis pilier et j’ai des compétences qu’un ailier droit n’a pas.

IN. : le rugby fait-il un travail particulier en ce sens?

J.Cl.E. : la Fédération Française de Rugby sanctionne les dérapages, encourage le rugby français à être inclusif. Nous avons même été les premiers à donner la possibilité aux personnes transgenre de jouer, alors que la World Rugby a mis son veto. Tout cela a été possible grâce à Jean-Bernard Marie Moles, (Docteur en sciences des sports)  président de la commission Anti-Discriminations et Égalité de traitement, au sein de la FFR.

IN. : que faites-vous personnellement en tant que rôle modèle?

J.Cl.E. : j’anime des formations, des séminaires et parle des sujets pour éviter le harcèlement, les mauvaises attitudes, et combattre l’homophobie. A ma façon, j’essaye de changer les lignes. L’homophobie est un fléau. J’en profite pour annoncer ici que samedi prochain, il y aura un tournoi gay-friendly à Marcoussy, le Centre National du Rugby. Les drapeaux de toutes les couleurs y sont les bienvenus! Par ailleurs, La ligue Nationale de Rugby qui a lancé un partenariat avec le magazine Têtu. Ça c’est très cool.

 

Si l’étude présentée la veille de la Journée internationale du Coming Out (ce 11 octobre) tend à démontrer qu’une culture de l’inclusion a progressé dans le pays, elle révèle la difficulté pour les Rôles Modèles LGBT+ et Allié·es à s’affirmer au sein des entreprises et organisations publiques.

Seuls un tiers des actifs (35%) constatent la mise en place d’un dispositif d’alerte en cas de discrimination 

une réalité terrain encore à la traîne

Cinq années après la première édition des Rôles Modèles LGBT+ et Allié·es, l’enquête Ipsos brosse le portrait d’une société française plus exigeante vis-à-vis des employeurs en matière d’inclusion et de non-discrimination des LGBT+ au travail. En revanche, si 71% des Français.es considèrent que l’entreprise doit tout faire pour favoriser l’inclusion des LGBT+ au travail, contre 66% en 2022, cette dernière peine à se traduire dans les faits.

deux tiers estiment que les entreprises s’engagent principalement pour renvoyer une bonne image…

En effet, seuls un tiers des actifs (35%) constatent la mise en place d’un dispositif d’alerte en cas de discrimination ou de harcèlement et moins de 3 sur 10 peuvent confirmer l’existence de sanctions en cas de LGBTphobie. Ainsi, un tiers seulement des répondant·es pense que leur entreprise est devenue plus LGBTfriendly au cours des cinq dernières années, tandis que deux tiers estiment que les entreprises s’engagent principalement pour renvoyer une bonne image… Dans ce contexte, souligne Nathalie Eskenazi, Senior Client Officer chez Ipsos. « les Rôles Modèles peinent ainsi à s’affirmer. En effet, 7 répondant·es sur 10 des sondés n’en n’ont jamais entendu parler. Alors que 6 sur 10 considèrent que l’action portée par les Rôles Modèles LGBT+ et Allié·es serait positive pour leur entreprise ».

 

« Nous avons dépassé le seuil emblématique des 70% de Français·es qui considèrent aujourd’hui l’entreprise comme un acteur à part entière dans la lutte contre les discriminations et la LGBTphobie, mais les actions à mener sont nombreuses pour être au rendez-vous des désideratas des Français.es. » ajoutent Sylvie Meisel et Florian Baratte, Co-Président·es de L’Autre Cercle, même si comme ce dernier le constate, les Rôles Modèles ne sont plus l’apanage des groupes anglo-américains ». Les Rôles Modèles ne sont plus l’apanage des groupes anglo-américains,

Si l’association souligne également un ancrage plus marqué au sein des organisations en matière d’inclusion et de non-discrimination des LGBT+, elle pointe également du doigt les inégalités persistantes qui se traduisent concrètement sur le terrain.

En cinq ans, des centaines d’entreprises et d’organisations se sont mobilisées pour encourager les nominations.

en effet, L’Autre Cercle ne comptabilise que 1 000 candidatures et 450 lauréat·es sur ces 5 dernières années. Une discordance qui fait écho aux inégalités territoriales, sectorielles mais aussi de genre, constatées lors des campagnes menées par les Rôles Modèles.

En effet, si la proportion de femmes nominées a connu une hausse comparée aux trois premières éditions, seules 38% d’entre elles figurent parmi les candidat·es et les lesbiennes restent elles encore sous-représentées par rapport aux femmes Alliées. De même, le nombre de lauréat·es issu·es de petites entreprises reste largement sous-représenté·es. 6 lauréat·es sur 10 (63%) émanent des grandes organisations signataires de la Charte d’Engagement LGBT+ de L’Autre Cercle. Le constat est aussi accablant en termes de répartition géographique. Seulement un tiers des lauréat·es proviennent des régions, hors Ile-de-France.

Pas tout à fait sombre, le tableau, montre néanmoins, une meilleure représentativité de l’éventail des identités LGBT+ avec pour la première fois, avec 9,5% de lauréat·es transgenres et/ou non-binaires et une visibilité accrue de Rôles Modèles bi·es et pansexuel·les.

« Personne n’y croyait, mais nous sommes parvenus à fédérer plus d’une centaine d’entreprises, à rallier une vingtaine de sponsors et à faire émerger pas moins de 450 Rôles Modèles LGBT+ et Allié·es référent·es. Même si nous sommes fier.es du chemin parcouru, le compte n’y est pas. Il faut, poursuit Alain Gavand, Président du Jury, initiateur et chef de projet Rôles Modèles LGBT+ & Allié·es, co-responsable de l’Observatoire. « renforcer la visibilité des lesbiennes mais aussi celle des LGBT+ en région, parents pauvres des politiques d’inclusion, et œuvrer pour que les actions portées par les Rôles Modèles irriguent l’ensemble du monde du travail et ne se cantonnent pas aux seuls grands groupes. ».

 

 

En savoir plus

Créée en 2019 par L’Autre Cercle et placée sous le Haut Patronage de Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République Française, la cérémonie annuelle des Rôles Modèles LGBT+ et Allié·es au travail honore les personnes qui se sont illustrées par leur impact positif pour l’inclusion des LGBT+ dans le milieu professionnel français.

Leur carrière et leur rôle social sont considérés comme un modèle à suivre. Les lauréat·es – dont la candidature ou la nomination par un tiers a été retenue par un jury présidé par L’Autre Cercle – se répartissent en quatre catégories : Dirigeant·es LGBT+, Leaders LGBT+, Dirigeant·es Allié·es et Leaders Allié·es. Ces dernier·es, sans être ou s’affirmer LGBT+, contribuent à favoriser la diversité des orientations sexuelles et d’identités de genre au sein de leurs organisations. L’événement s’est tenu hier soir au Grand Rex, avec le soutien de la DILCRAH, en partenariat avec Radio France et avec le concours des sponsors Atos, Legrand et LVMH, Cap Gémini, France Télévisions et Société Générale.

 

 

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