5 janvier 2021

Temps de lecture : 5 min

Patrice Perret : « La Covid a mis en exergue des manifestations commerciales qui sont en perte de vitesse depuis plus de 20 ans »

Organisateur de manifestations depuis plus de 20 ans, Patrice Perret, -via sa structure Infora- organise des séminaires, certifie des salons, des foires et des congrès. Ce professionnel de l’événementiel délivre à INfluencia sa vision du « mode de rencontres physique, de sa réalité avec ou sans la Covid, et de son avenir.

INfluencia : vous êtes – entre autres – organisateur de manifestations, pourriez-vous en quelques lignes expliquer en quoi consiste exactement votre métier?

Patrice Perret : un organisateur de manifestations, -salons professionnels ou grand public, et congrès-,  est une entité, très souvent une société commerciale, dont l’objet est de réunir à un moment et lieu donnés l’offre (les exposants) et la demande (les visiteurs) d’un marché autour d’une thématique. D’un point de vue marketing, l’organisateur fait une double promesse : Il « assure » aux visiteurs qu’ils vont rencontrer des fabricants des produits et services mis en avant dans la thématique de la manifestation … Et que globalement, le visiteur pourra voir l’exhaustivité de l’offre disponible sur la thématique. Il promet aussi aux exposants, qu’ils vont rencontrer des visiteurs suivant des profils déterminés (origine géographique / âge / centres d’intérêt / ….). Cette activité d’organisateur se scinde en 3 parties : commercial (faire venir des exposants) – communication (faire venir des visiteurs) – organisation technique et logistique (coordonner l’ensemble des métiers intervenant pour la réalisation de la manifestation).

IN. : combien de temps faut-il pour préparer un événement?

P.P. : ce  temps de préparation et d’organisation d’une manifestation varie entre 8 mois et 24 mois suivant la taille de la manifestation. Ce qui, en cette période d’arrêt, induit que la reprise ne peut être immédiate. Loin de là.

IN. : on connait les difficultés de ces métiers du vivant, moins leurs organisations en back office, qui vous réunissent, réfléchisent au futur de ces multiples corps de métiers…

P.P. : en fait, il y a 7 fédérations professionnelles autour de l’évènementiel : la principale : UNIMEV qui regroupe 400 sociétés organisatrices de salons, foires et congrès, gestionnaires de sites (parcs des expositions et centres de congrès) et prestataires de services évoluant dans ce secteur d’activité, SYNPASE : le syndicat qui compte 300 prestataires de l’audiovisuel scénique et évènementiel, COESIO : réseau de 70 villes francophones de congrès, L’EVENEMENT qui réunit 70 agences en communication évènementielle, CREALIANS qui représente 60 agences de design évènementiel et des standistes, FRANCE CONGRES ET EVENEMENTS qui comprend  elle, les bureaux des congrès des villes, les organisateurs de congrès (PCO) et les prestataires de services, enfin, et je pense n’oublier personne,  TRAITEURS DE FRANCE qui réunit 37 grands traiteurs.

IN. : toute une économie à l’arrêt depuis mars 2020… Quels sont les chiffres dont vous disposez, concernant les pertes dans le secteur?
P.P. : en France, il y a, chaque année, 1 200 salons et foires, 2 800 congrès et 380 000 évènements d’entreprises et d’institutions*. En 2020, le montant des pertes pour les entreprises événementielles est de 17,8 milliards d’€, de 16,2 milliards d’€  pour les acteurs du tourisme et le manque à gagner pour les sociétés exposantes est lui de 28,8 milliards d’€.
IN. : l’année 2020 a été une année tournant pour la culture, l’événementiel, le monde des salons et en général tout ce qui relève des réunions physiques. Pensez-vous comme certains que les nouveaux us mis en place pendant les divers confinements ici en France et ailleurs (visio, écrans en tot genre, plateformes…) vont profondément changer ces métiers?

P.P. : ma réponse est double : NON, parce que ces outils ont été développés pour suppléer l’absence de rencontres physiques. Dès que celles-ci seront à nouveau autorisées, elles reprendront tout naturellement. Tout le monde a bien remarqué la frustration engendrée par la rencontre à distance. Comme disait une publicité des années 90 : cela a la couleur de la rencontre, cela a le goût de la rencontre, mais ce n’est pas une rencontre. OUI, parce que les organisateurs vont saisir les différents outils développés à l’occasion de la COVID-19 pour promouvoir leurs manifestations et pour apporter des services supplémentaires aux participants exposants et visiteurs.

IN. : le comportement profond des gens va-t-il aussi changer?

P.P. : contrairement à ce que l’on entend ça et là, la COVID-19 ne va pas changer la nature humaine : nous avons besoin de nous rencontrer, de partager des moments, d’échanger, d’apprendre, de nous cultiver, de prendre du plaisir avec les autres … et pour cela rien de mieux que le contact direct.

IN. : vous semblez dire que certaines manifestations, certains salons internationaux étaient déjà en perte de vitesse avant l’arrivée de la Covid… Lesquels et pourquoi ?

P.P. : les manifestations ont un cycle de vie : elles naissent, elles croissent et certaines meurent. Quand une manifestation ne répond plus aux attentes des exposants et des visiteurs, elle disparait. C’est à l’organisateur d’adapter la manifestation aux tendances économiques, sociétales, culturelles. Dans ce cadre-là, on ne peut que faire le constat que les foires sont en perte de vitesse depuis plus de 20 ans : leurs organisateurs ne les ont pas fait évoluer, résultat elles ne répondent plus aux attentes des visiteurs, ni des exposants (-30% en 15 ans). En 2019, il y avant en France 70 foires**, combien en restera-t-il après la COVID ….

IN. : rêvons un peu… Le vaccin est un acquis, nous revenons à une vie normale… mais nous devons tenir compte  des problématiques liés au réchauffement climatique. Que fait le monde des salons qui fait vivre tant d’industries (compagnies aériennes, hotellerie, traiteurs, etc.), il reprend comme si de rien n’était?

P.P. : reprendre OUI, comme si de rien n’était NON. L’organisation d’une manifestation prend du temps. Les manifestations qui mettront le plus temps à retrouver « la situation d’avant » sont les grands salons internationaux. Les freins à la venue des visiteurs internationaux ne vont pas se lever en un claquement de doigts (confinement / frontières contrôlées… chaque pays veut maitriser la circulation du virus). Il en est de même pour les exposants internationaux avec la problématique supplémentaire liée aux transferts des matériels.

IN. : y-a-t-il des solutions possibles ou auxquelles vous réfléchissez en termes de taille, de périodicité, de lieux?

P.P. : tout organisateur, en fonction des problématiques propres à chaque secteur d’activité qu’il adresse, recherche des solutions. Certains ont créé des salons en ligne, ce qui correspond plus à la nécessité de rester dans les esprits des participants que pour – concrètement – organiser leurs rencontre.

IN. : va-t-on vers du plus petit? Du plus local?

P.P. : du plus petit … dans un premier temps, contraint et forcé. Du plus local, sans doute. C’est la conjonction de plusieurs phénomènes : moins de temps pour les déplacements, volonté de faire du business local, forte capacité dans les régions pour accueillir des manifestations, ce qui entraine d’ailleurs,  une concurrence accrue entre les régions pour attirer salons et congrès)

IN. : comment vendre ses produits au monde entier sans pouvoir permettre aux professionnels de les toucher, de les voir. Le web et ses technologies ne le permettent pas… si?

P.P. : c’est la force des manifestations en présentiel : vous pouvez utiliser vos 5 sens : Toucher, Ecouter, Sentir, Gouter, Voir, . Avec internet seules la vue et l’ouie sont utilisées. Sur un salon professionnel, il se passe de nombreuses choses en plus des contacts commerciaux. Vous pouvez faire de la veille, assister à des démonstrations, essayer des matériels, participer à des conférences et rencontrer les intervenants, reprendre contact avec des confrères, échanger avec des collègues, faire du recrutement, sentir les évolutions de votre secteur d’activité…

IN. : si vous êtes un nouvel entrant une nouvelle marque, comment se faire acheter sans avoir un endroit qui rassemble?

P.P. : c’est également la force des salons et congrès, en tant qu’exposant vous pouvez rencontrer de nombreux acheteurs en 3 / 4 jours. Idéal pour détecter des projets, rencontrer des prospects, fidéliser des clients. Il faut néanmoins bien choisir ses manifestations et bien préparer sa présence, mais ça s’est une autre histoire…

*sources ATOUT France – UNIMEV – CCIP – Ministère de l’Economie – VIPARIS – FRANCE CONGRES
**une foire est une manifestation grand public rassemblant une multitude de secteurs d’activité

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