30 janvier 2020

Temps de lecture : 5 min

« Mode éthique » : oxymoron ou solution ?

Face à des institutions et politiques publiques insuffisantes, bercées par le fracas d’une économie capitaliste bien rodée, Change Now appelle à la coalition et à l’innovation et investit le Grand Palais du 30 janvier au 1er février 2020 pour la première Exposition Universelle des Solutions pour la Planète. Dans la foule de conférence au programme, la rédaction s’attarde sur un intitulé qui nous laisse perplexe : « Sustainable Fashion ». Qui y croit ? Et pourquoi ? Coup d’oeil.

Face à des institutions et politiques publiques insuffisantes, bercées par le fracas d’une économie capitaliste bien rodée, Change Now appelle à la coalition et à l’innovation et investit le Grand Palais du 30 janvier au 1er février 2020 pour la première Exposition Universelle des Solutions pour la Planète. Dans la foule de conférence au programme, la rédaction s’attarde sur un intitulé qui nous laisse perplexe : « Sustainable Fashion ». Qui y croit ? Et pourquoi ? Coup d’oeil.

Paris, capitale du changement ? C’est l’avis de Santiago Lefebvre, fondateur de Change Now, qui place notre ville lumière en « Florence de l’environnement », à condition de reconnaitre et se confronter aux enjeux qui l’attendent dans sa démarche environnementale : « il y a quatre équations à résoudre : le réchauffement climatique, la finitude des ressources (énergies fossiles, terres rares), le ‘krach’ de la biodiversité et la dimension humaine de la transition. Il y a urgence à agir et la transition doit être supportable par tous et à long terme – ce qui suppose de changer la culture, les mentalités, le mode de vie de tout chacun ».

Créée en 2017 par le trio ambitieux Santiago Lefebvre, Rose-May Lucotte et Kevin Tayebaly, convaincu que les entreprises sont le levier majeur d’innovation pour insuffler le changement face aux urgences environnementales, Change Now se matérialise en la première Exposition Universelle des Solutions pour la Planète, au Grand Palais, du 30 janvier au 1er février 2020.

L’innovation au coeur du changement

Pour ce faire, 3 jours de conférences, de panels, d’interventions, de networking et de démonstrations réunissant les acteurs du changement dans leur plus époustouflante diversité et les solutions concrètes qu’ils promettent de mettre en pratique pour répondre aux dangers qui pèsent sur la planète. 20 000 visiteurs, 1 000 solutions, 100 pays et plus de 250 speakers, le tout dans l’inspirante Nef du Grand Palais. Vous l’aurez compris, la rédaction en aura presque attrapé le tournis, voire un torticolis. Les solutions exposées seront réparties en 9 grands thèmes sous la verrière du Grand Palais : économie circulaire ; santé et bien- être ; mode et luxe responsables ; ville durable et mobilité verte ; énergie propre ; océan ; alimentation, agriculture et biodiversité ; inclusion et éducation et tech for good.

Parmi les mille et un stands de solutions présentées, on y découvre Energy Observer, le premier navire ayant réussi le défi de l’autonomie énergétique grâce à un mix d’énergies renouvelables et un système de production d’hydrogène décarbonée à partir d’eau de mer ; Loop, la solution e-commerce qui réinvente la livraison en distribuant les produits dans des emballages consignés, UBQ Materials qui transforme les déchets organiques en matériau naturel ; ou encore SolCold, une peinture qui refroidit les bâtiments sans électricité, en transformant l’énergie du soleil en agent de refroidissement (génial) et bien d’autres…

Mode durable, quelles solutions ? Quelles nouveautés ?

En pleine effervescence innovante et responsable, une conférence a attiré notre attention. « Sustainable Fashion » : comment et pourquoi est-il essentiel et urgent de revoir notre manière de consommer, concevoir et produire le prêt-à-porter ? Donner, réutiliser, recycler : les principes de la mode éthique sont mis sur table depuis quelques années, mais ou en sommes-nous réellement aujourd’hui en termes de pratiques et engagement chez les acteurs du secteur mode ?

En moyenne un vêtement est porté 7 fois en tout et pour tout avant d’être jeté, remplacé, vendu, ou laissé au fond d’un placard. L’industrie mode pèse définitivement lourd côté environnement.  Alors qu’en 2011, à l’endroit même où cette conférence débute, Chanel faisait importer un iceberg de 250 tonnes pour servir de décor à son défilé automne-hiver 2011-2012, la question du changement de climat se pose. Pour introduire la conversation, Dana Thomas -journaliste et écrivaine de mode dont le dernier essai « Fashionopolis, the price of Fast Fashion » est au goût du jour- donne la parole à Brune Poirson, secrétaire d’État chargée de la Transition écologique et solidaire, qui porte notamment, le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.

La France se la joue bon élève

Un speech d’introduction à l’éloquence (un poil trop) maitrisée qui met la France sur le devant de la scène et rappelle l’objectif du « Fashion Pact » : une coalition de 32 entreprises de la mode et du luxe représentant 150 marques signant un engagement de préservation de la biodiversité terrestre et marine. Pour rappel, l’industrie de la mode est responsable d’un tiers de la pollution plastique des océans. « Aujourd’hui les entreprises de la mode, qu’ils viennent de grands groupes où qu’ils soient de petits créateurs, ont envie de s’investir dans ces problématiques brûlantes. L’enjeu est désormais de mettre en pratique cette volonté », affirme Brune Poirson.

Paroles paroles paroles ?

Au delà de cette loi et puisqu’une bonne nouvelle en appelle parfois une autre, la secrétaire d’Etat promet également une loi s’attaquant à la fast fashion. Une première pour ce monde de l’éphémère ou obsolescence programmée rime avec succès. En France, chaque année, un milliard d’euros de produits invendus sont mis à la poubelle. Pour la mode, c’est 50 millions d’euros. Interdire la destruction de produits invendus est donc l’étape suivante. Attention toutefois aux grandes promesses. Si le mot « interdiction » est prononcé au moment de la conférence, on s’aperçoit en quelques clics que le gouvernement n’a pour l’instant que l’intention d’imposer des amendes aux marques, à hauteur de 450 euros par vêtement (un pourboire pour Gucci comme pour Chanel and co).

Alors que 2,5 millions de machines à  laver sont vendues chaque années en France, on se questionne aussi sur l’usage de nos vêtements, la manière de les laver, et la qualité des outils à disposition. Pour réduire la consommation d’eau, et moins user nos machines, l’état compte également mettre en place un système obligatoire de filtre pour tous ces équipements. Enfin, pour une information plus juste et un consommateur-citoyen averti et responsable, la transparence est aussi au menu. Un système de notation des produits non pas en fonction de leur apport calorique mais de leurs impact environnemental. Bref, un tas de promesses que nous espérons voir se mettre en place !

L’environnement au menu des Comex

Et puisque Change Now est avant tout un festival dédié à l’entrepreneuriat, trois experts du sujet sont invités à partager leurs insights et visions d’une mode éthique qui s’installe, à tâtons. Pour Cristina Ravento, directrice de EcoAct Espagne, l’enjeu d’une mode responsable doit s’appliquer à tous les niveaux. La mode est la 2ème industrie la plus polluante. Pour arrêter ce drame, il faut penser à l’impact de la production vestimentaire de la conception à la vente en passant par les défilés, l’énergie et le gaspillage que cela implique. Si l’empreinte carbone est loin d’être suffisamment en baisse pour cette industrie, Cristina Ravento reste positive et voit des changement s’opérer via les solutions d’EcoAct qui accompagne les business vers une transition économique et environnementale dans un objectif zéro carbone : « les PDG et autres décisionnaires prennent cela au sérieux et intègrent désormais le risque environnemental au meme titre que le risque financier dans leurs conseils d’administration ! ».

Pour Sandeep Verma, Managing Director Europe chez Allbirds, la solution réside aussi principalement dans les matériaux utilisés dans la fabrication produit. Depuis 4 ans, la marque de chaussures produit ainsi des modèles remplaçant le pétrole des semelles par une technique à base de sucre de canne. Une innovation à l’impact carbone négatif adoptée par la suite par une centaine d’entreprises dont 20 qui la mettent en pratique dès 2020.

Supply Chain à ne pas négliger

Enfin,  Pierre-Francois Le Louët, Président de la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin (FFPPF), lui affirme ne pas avoir attendu le Fashion Pact pour rassembler les entreprises du secteur et les éduquer à de meilleures manières de produire. Avec la FFPPF, il propose des guides, séminaires, événements, workshops, pour mettre en lumière, enjeux et solutions d’une mode éthique. «  Le nerf de la guerre c’est la supply chain. Elle concentre 80% de l’impact environnemental de l’industrie », explique-t-il. Il importe ainsi de diagnostiquer son impact pour définir les urgences à l’appliquer à chaque modèle.

Si à défaut de penser à moins consommer, l’oxymoron d’une mode éthique anime les foules, une donnée interessante pour finir :  80% des jeunes pousses mode françaises pensent leur business dans une optique durable dès la conception et jusque dans les pratiques.

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