9 juillet 2020

Temps de lecture : 3 min

L’homme aux sens augmentés est en marche, pour le meilleur ou pour le pire

De plus en plus d’entreprises commercialisent des technologies sensorielles pour accroitre l'étendue de la perception humaine. Des dispositifs qui rendent les couleurs audibles et le magnétisme terrestre palpable, mais dont la systématisation pourrait amputer l’humain de ce qu’il partage de plus universel avec ses semblables : la réalité sensorielle.

De plus en plus d’entreprises commercialisent des technologies sensorielles pour accroitre l’étendue de la perception humaine. Des dispositifs qui rendent les couleurs audibles et le magnétisme terrestre palpable, mais dont la systématisation pourrait amputer l’humain de ce qu’il partage de plus universel avec ses semblables : la réalité sensorielle.

On ne comptera plus le nombre de récits de science-fiction où l’humain se retrouve augmenté par la technologie. On peut citer pêle-mêle les pouvoirs extraordinaires de l’Épice dans la saga Dune de Frank Herbert, la puissance fulgurante du policier mi-homme mi-machine Robocop ou encore les protagonistes de la série dystopique Black Mirror souvent dotés de puces ou capteurs dopant leurs facultés physiques et mentales. L’image de l’homme augmenté semble s’être ainsi imprégnée dans notre imaginaire collectif de sorte qu’aujourd’hui, la commercialisation balbutiante de technologies sensorielles surprend à peine.

Les exosens changent la perception du monde

Aujourd’hui, on peut ajouter à son corps des exosens, c’est-à-dire des sens extérieurs à ceux dont nous sommes naturellement dotés. Qu’ils soient attachés à l’enveloppe de notre corps par des boitiers sensoriels ou implantés au sein de nos organes sous la forme de micropuces, ces dispositifs nous hybrident et changent notre rapport au monde.

Prenons l’exemple de Neil Harbisson, un jeune Catalan de 31 ans dont la rare maladie l’empêche de voir les couleurs. Pour pallier sa vue limitée aux nuances de gris, il a créé un « eyeborg », un oeil cybernétique relié à un capteur et une puce plaqués à l’arrière de son crâne. Ce dispositif permet de détecter les couleurs et de les transposer en fréquence sonores. Neil Harbisson peut ainsi littéralement entendre les couleurs. Le succès du dispositif a mené au lancement de The Eyeborg Project afin de développer cette technologie.

De la boussole sous-cutanée au capteur sismique

Dans le cas du « eyeborg », l’exosens est une façon de réparer la sensorialité d’une personne et in fine de retrouver une vie normale. Mais la plupart des technologies aujourd’hui à l’oeuvre ne sont pas nées de maladies chroniques, mais plutôt d’un besoin d’accroitre l’étendue de nos sens. C’est le cas des boitiers North Sense qui permettent à leurs utilisateurs de sentir le champ magnétique de la terre. Grâce à une boussole sous-cutanée fixée comme un piercing, le petit boitier améliore la spatialisation de son porteur et permet de savoir où se trouve le nord. En attendant le développement de nouveaux exosens par l’entreprise, vous pouvez acheter l’implant North Sense pour environ 400 dollars.

Toujours dans une logique d’un rapport plus étroit avec la planète, la danseuse Moon Ribas s’est fait implanter en 2013 un capteur connecté dans le bras gauche. Ce dernier lui permet de ressentir les tremblements de terre en temps réel. Une sorte de sixième sens afin de ressentir « le pouls de la planète » par une vibration modulée en fonction du tremblement. La chorégraphe a d’ailleurs intégré cet exosens à sa danse.

Entre reconnexion au monde et morcellement de la réalité

Les usages d’exosens décrits jusqu’ici offrent un regard bienveillant sur ces technologies extra sensorielles. Leurs possesseurs bénéficient de dispositifs sur mesure dont l’extension sensorielle est justifiée par des fins médicales ou expérimentales. Mais dans le cadre d’une commercialisation massive, les dilemmes éthiques abondent. En effet, dans un monde où les humains peuvent sculpter leur vue, leur ouïe et leur odorat, quel monde commun serions-nous encre capables de partager ? Le morcellement de la réalité sensorielle et des facultés qui nous permettent d’appréhender le monde pourraient entrainer un individualisme d’un nouveau genre. Une incapacité sensorielle totale à percevoir le monde comme son voisin.

Débats éthiques en perspective

Le débat éthique sur les dispositifs extra-sensoriels touche du doigt toute la problématique de l’homme augmenté. Alors que certains y voient l’avenir d’une humanité non outillée pour survivre aux grands enjeux de notre modernité, d’autres considèrent ces formes de transhumanisme comme un abandon de l’identité humaine et une mise à distance du vivant. En ce sens, la prolifération des exosens peut être considérée comme la volonté de dépasser la condition humaine pour se rapprocher d’une existence souveraine. L’écrivain de science-fiction Alain Damasio parlait ainsi de « l’antique désir d’être Dieu », ce besoin de pouvoir et de contrôle qui justifie les tentations transhumanistes les plus fantasmagoriques.

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