18 octobre 2018

Temps de lecture : 5 min

Un chatbot éducatif pour une « sucsex story » à la française

Conçu par 3 étudiants de l’ECV Digital, Speach, un chatbot dédié à l’éducation sexuelle des adolescents de 15 à 25 ans, veut pallier la pénurie d’outils pédagogiques, et ce sans faux semblant. Ses créateurs nous expliquent ce dispositif sexy à souhait.

Conçu par 3 étudiants de l’ECV Digital, Speach, un chatbot dédié à l’éducation sexuelle des adolescents de 15 à 25 ans, veut pallier la pénurie d’outils pédagogiques sur le sujet. Ses créateurs nous expliquent ce dispositif sexy à souhait.

La maxime est bien connue : le sexe fait vendre. Son marché économique, difficilement quantifiable, représenterait 30 milliards de dollars dans le monde, un chiffre qui pourrait s’envoler à 50 milliards d’ici à cinq ans. Il n’y a donc rien de surprenant à le voir envahir la sphère médiatique. Du comportement séducteur de l’animateur, aux spots télévisuels singeant des pratiques sexuelles, il s’introduit dans notre subconscient à coup de références culturelles communes plus ou moins implicites.

Si la sexualité est omniprésente dans le discours médiatique, elle reste paradoxalement entourée d’un tabou : on l’aborde soit en la tournant en dérision, soit en adoptant un point de vue puritain et moralisateur. On parle donc d’une médiatisation hypersexualisée aux dépends d’une réelle médiatisation du sexe. Le comble pour bon nombre de jeunes en pleine construction de leur identité sexuelle et qui auraient bien besoin d’une approche claire et sans faux semblants sur la question. Un rôle pédagogique que Speach, un chatbot dédié à l’éducation sexuelle des adolescents de 15 à 25 ans, cherche à incarner. Comme l’a dit Madonna : « le sexe n’est sale que quand on ne se lave pas ».

Un chatbot d’intérêt général

Speach a été conçu par trois étudiants de l’ECV Digital, Sarah Lecoffre, Quentin Colus et Antoine Tirante, rejoint récemment par Elodie Sauër, dans le cadre du SexTechLab, le premier hackathon dédié au sexe à l’initiative de Marc Dorcel en mai 2017. Son concept ? Faciliter l’éducation sexuelle auprès des jeunes avec un programme d’information, en complément, des conseils des parents, professeurs ainsi que des personnels sociaux et de santé. C’est par le biais de la messagerie instantanée de Facebook « Messenger » que la conversation se met en place. Un moyen ludique d’apprendre la sexualité aux ados réticents à en parler avec des proches.

Depuis, le « Speachbot » a remporté le concours 42 entrepreneurs qui octroyait au vainqueur 6 mois d’intégration dans l’incubateur de la Société Générale, l’appel à projets Atout Soleil lancé par l’association GPMA, en partenariat avec un grand assureur français, sur la thématique « bien traverser l’adolescence », et la jeune équipe s’est constituée en association.

Mettre en lumière l’industrie du sexe

Si ce dispositif 100% digital semble lancé sur de bons rails, la plupart des projets à visée éducative sur la sexualité de la jeunesse peine encore à trouver des investisseurs. Même le gouvernement qui pousse au développement de ce genre d’initiatives demeure assez frileux pour les financer. L’explication est toute trouvée : parler de sexe en public reste malgré tout un tabou. A Speach et consors d’en finir avec ce plafond de verre. Au risque de voir continuer Pornhub éduquer les futures générations… Et sûrement pas pour le meilleur de la relation.

En attendant, nous avons pu nous entretenir avec eux pour en apprendre plus sur cette belle « sucsex story ».

IN : vous mûrissez le projet depuis longtemps. De quel constat sur le système éducatif à la sexualité des jeunes est-il parti ?

Équipe Speach : le projet est effectivement né avant le Sextechlab, au tout début de l’année 2017. Tout est parti d’une conversation autour de « l’éducation sexuelle » qu’on avait reçue au collège et au lycée. On s’est dit à quel point c’était réducteur de parler de capotes, de maladies et de grossesses non-désirées trois fois par an tout au mieux. C’est bête, mais la traditionnelle « est-ce que ça fait mal ?! » classique, on hésite à la poser à l’intervenant devant toute sa classe tout comme la très touchy « c’est normal de pas vouloir sucer ? » sans susciter l’hilarité générale et encore plein de questions technico-pratiques comme ça qui ne sont pas faciles à assumer à l’oral à 15 ans et qui sont pourtant légitimes. Quel ado a envie de demander si la forme de son sexe et si sa couleur sont normales ? Bref, avec tout cela, on s’est mis à imaginer une solution sans humain pour disperser la gêne mais en garantissant des réponses de qualité. Ça nous a mené à un chatbot.

IN : vous avancez qu’une bonne partie des ados s’informe sur la sexualité grâce au porno. Ce projet vise-t-il à le désacraliser ?

Équipe Speach : on ne se sent pas fondamentalement en concurrence avec le porno car on n’a pas du tout le même objectif. Contrairement à lui, on ne veut exciter sexuellement personne. On voudrait que ce soit clair, néanmoins, dans l’esprit des jeunes, que le porno est un « outil » pour s’exciter mais pas un mode d’emploi à appliquer dans la vraie vie. Dans Speach, on explique que lorsque l’on parle de sexe, il faut d’abord se pencher sur le consentement -bien s’assurer qu’il soit mutuel-, ses envies, qu’il faut communiquer pour évoluer positivement avec son ou sa partenaire et que pour cela, il faut écouter son coeur, son corps et ses pensées

IN : rencontrez-vous une réelle concurrence sur le sujet ?

Équipe Speach : il existe des centaines d’influenceurs et rédactions qui publient tous les jours des articles ou des vidéos sur la sexualité : Madmoizelle.com, le compte Instagram @tasjoui plus récemment, Doctissimo bien entendu ! Et encore beaucoup d’autres exemples peuvent être cités. En revanche, concernant précisément les ados, il y a moins de concurrents, peut-être quelques émissions de radio. Pour les chatbots, on en trouve sur tous les sujets mais aucun ne vise n’exploite cette thématique… peut-être parce qu’on est un peu fous de vouloir faire cela sous ce format aussi !

IN : les sexologues reconnaissent-t-ils l’intérêt d’avoir recours à ces nouveaux formats ?

Équipe Speach : c’est un sexologue qui était à la tête du jury du Sextechlab et il a adoré le projet, surtout le format. D’ailleurs, tous les sexologues avec lesquels nous avons échangé ont reconnu que notre démarche lève un frein : celui de devoir assumer de parler de sexe avec un pro en face à face quand on est mineur.e. Et puis, Speach permet de le faire 24h/24, 7j/7… depuis son lit ou dans la cour du lycée !

IN : quelle est la prochaine étape à entreprendre ?

Équipe Speach : pour l’incubation au Plateau, remportée il y a 1 an et demi, nous l’avons laissée en stand-by car ses horaires ne sont pas adaptés à une équipe qui travaille en parallèle à temps plein en entreprise. On a été rejoints en mars 2018 par une étudiante de l’IICP de Paris, Elodie Sauër, qui nous a fait beaucoup avancer sur la communication du projet et les contenus du chatbot. Maintenant diplômée, elle s’est associée avec nous pour créer l’association qui porte Speach. On a pu avancer sur une stratégie de contenus qui s’étend du bot à Instagram.

Bénéficier de cette structure nous a permis de participer récemment à un appel à projet. Nous avons appris fin septembre que nous étions lauréats ! Cette victoire nous permet d’obtenir des fonds pour l’association. Notre nouvelle étape consiste donc à recruter un rédacteur ou une rédactrice pour rédiger toujours plus de contenus pour le chatbot. Le but est de le rendre plus intelligent sur davantage de sujets et pouvoir ainsi proposer Speach en tant qu’outil et appui lors des cours d’éducation sexuelle dans les collèges et lycées.

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