10 novembre 2014

Temps de lecture : 6 min

Retour vers le futur : Pourquoi les millennials n’achèteront pas de voiture…

En août 2012, The Atlantic publiait un article consacré à la génération du millénaire, intitulée « la génération radine » et au refus de trop dépenser. Quelles marques se sont adaptées en deux ans ? Trop peu. C’est pour cela que nous republions cet article qui se focalise sur l’industrie automobile...

En août 2012, The Atlantic publiait un article consacré à la génération du millénaire, intitulée « la génération radine » et au refus de trop dépenser. Quelles marques se sont adaptées en deux ans ? Trop peu. C’est pour cela que nous republions cet article qui se focalise sur l’industrie automobile…

Jamais peut-être dans l’histoire moderne de nos civilisations occidentales une génération aura autant cassé les codes de comportement et de consommation. Le monde des millennials est visuel, social, collaboratif, digital, customisé, Chez eux l’accès est plus important que la propriété, la data un compagnon quotidien, le temps réel une banalité, le contenu une obligation, l’immédiateté une valeur cardinale.

Dans chacune de ses Revues, INfluencia a traité directement ou plus en filigrane de cette véritable révolution. Pour comprendre la génération Y, le marketing sociétal est essentiel. Les marques qui le délaissent passeront à côté de la plus peuplée et puissante génération depuis la seconde guerre mondiale. Principale « victime » des mutations comportementales et émotionnelles des millennials, l’industrie est contrainte aux ajustements, comme tant d’autres marchés. Se réinventer pour mieux engager ? Dans le futur, c’est innove ou crève. Pourquoi la génération Y n’est plus intéresser pour posséder maisons et voitures ? Quel impact sur l’économie aura cette nouveauté immuable ?

Nous avons choisi deux ans après de ressortir du formol un article du site The Atlantic. Il s’intitule « The Cheapest Generation » et date d’août 2012. C’est le recul qui le rend encore plus intéressant. A l’époque, Ford venait de tenter une opération de séduction auprès des millennials avec sa mini-Fiesta. L’échec fut retentissant, malgré les efforts marketing réalisés en amont, à savoir prêter le véhicule pendant six mois à des bloggeurs influenceurs. Le constructeur de Detroit n’est pas le seul à se casser les dents sur les désirs encore mal compris des millennials. Derek Thompson et Jordan Weissmann ont apporté il y a deux ans une analyse qui reste tellement d’actualité. Nous ne faisons ci-dessous que traduire leurs écrits.

Comment comprendre les millennials ?

Comment faire pour vendre des voitures à la génération Y ? Les jeunes d’aujourd’hui ne conduisent plus comme leurs ainés. En 2010, les adultes entre 21 et 34 ans représentaient seulement 27% de tous les nouveaux acheteurs automobiles aux Etats-Unis, loin du pic de 38% en 1985. Les kilomètres parcourus sont aussi en baisse. Même la proportion des jeunes adultes détenteurs d’un permis de conduire a diminué de 28% entre 1998 et 2008.

Dans l’espoir de changer cette tendance, General Motors a engagé des consultants de MTV Scratch – un cousin de la chaîne responsable de l’émission à succès « Jersey Shore » – pour redonner un petit coup de jeune à ses véhicules. « Je ne crois pas que les jeunes ne veulent pas posséder une voiture, estime John McFarland, 31 ans et global manager en stratégie marketing. Comme moi, ils estiment que personne ne les comprend vraiment ». Subaru tente pourtant de « trouver la bonne connexion », comme le confie Doug O’Reily, publicitaire en charge de la marque. Le constructeur a pris le pari de séduire le consommateur responsable et écologique, supposément caractérisé par cette génération. Ford, quant à lui, continue d’investir dans les réseaux sociaux en adaptant ses efforts marketing aux canaux dans lesquels cette génération a le plus confiance.

Toutes ces stratégies soulignent quelques hypothèses importantes. Primo, la demande automobile de génération Y doit encore être débloquée ; secundo, les jeunes d’aujourd’hui vont vouloir acheter une voiture autant que leurs parents ou grands parents au fur et à mesure que l’économie va reprendre ; tertio, une offre plus en accord avec leurs valeurs les amènera davantage chez les concessionnaires. Pourquoi pas. Mais si ces hypothèses s’avéraient tout simplement fausses.

Une génération moins dépensière

Et si le désintérêt de la génération Y pour les voitures n’était pas seulement un effet temporaire de la crise, mais plutôt un élément plus structurel et générationnel des goûts et des habitudes? Cette question ne se pose pas uniquement pour l’industrie automobile, mais également pour d’autres catégories traditionnelles des grosses dépenses, comme l’habitation. Les réponses apportées par les marques auront de grandes implications dans l’économie du futur et la vitesse de son redressement.

La moitié des dépenses d’un ménage moyen va aujourd’hui dans le transport et le logement, selon une récente enquête du Consumer Expenditure Survey du Bureau of Labor Statistics. Tout comme les ventes de voitures ont chuté dans cette tranche d’âge, la part des jeunes qui ont contractés leur premier prêt entre 2009 et 2011 représente la moitié de ce qu’elle était il y a 10 ans, selon une étude de la Réserve fédérale.

Il est inutile de dire que la grande récession est responsable pour une partie de ce déclin. Mais il est très possible qu’un ensemble de facteurs économiques et démographiques – les prix élevés de l’essence, la ré-urbanisation, les salaires stagnants, les nouvelles technologies permettant un nouveau mode de consommation – ait fondamentalement changé la donne pour cette génération. La plus grande génération de l’histoire nord-américaine pourrait donc ne pas dépenser autant que leurs parents, et qui plus est pas pour les mêmes choses ! Depuis la seconde guerre mondiale, les nouvelles voitures et les grandes maisons ont nourri l’économie et aidé à sa reconstruction. La génération Y semble avoir perdu intérêt dans les deux.

Ford, le mariage de raison avec Zipcar

Quand Zipcar a été fondée en 2000, le prix moyen d’un gallon d’essence était de 1.50 dollar et les iPhones n’existaient pas. Depuis, Zipcar est devenue la plus grosse entreprise de partage de voitures au monde, avec 700 000 membres. Ce succès est dû à deux facteurs: le prix de l’essence a plus que doublé et les smartphones sont partout.

Vus de l’extérieur, le partage de voitures, de chambres et de vêtements peut paraître curieux et plus hippie que révolutionnaire. Mais la technologie a permis à ces pratiques de se généraliser, ce qui représente un grand pas pour les consommateurs. Durant des dizaines d’années, la gestion de stock était l’apanage des entreprises, pas des individus. Aujourd’hui, les programmes et technologies mobiles nous permettent à tous d’avoir accès à juste ce dont nous avons besoin, au moment précis où nous le souhaitons, sans avoir besoin d’acheter et de posséder.

Une voiture neuve coûte en moyenne 30 000 dollars et reste au garage ou sur un parking 23 heures par jour. Zipcar donne accès à ses utilisateurs à des voitures qu’ils ne sont obligés de posséder. « Zipcar a réalisé une enquête auprès de la génération Y. Son sentiment est clair, elle se moque d’être propriétaire une voiture. Elles étaient auparavant ce que les consommateurs voulaient absolument posséder, maintenant ce sont les smartphones », commente le président et COO de Zipcar, Mark Norman.

La technologie mobile dépasse le temps et l’espace

Quelques marques de voiture commencent à comprendre ce nouveau postulat. L’année dernière, Ford a accepté de devenir le fournisseur principal de Zipcar sur plus de 250 campus universitaires. « Les jeunes donne priorité à l’accès et plus à la propriété », explique Sheryl Connelly, directrice global consumer trends chez Ford. « Je ne pense pas que l’achat de voiture pour la génération Y sera un jour le même que pour les baby boomers. Mais nous savons en faisant cela que si un jour ils ont la possibilité d’acheter une voiture, il y a plus de chances qu’ils choisissent une Ford. »

Doug O’Reilly affine l’analyse : « La génération Y ne veut pas seulement dire « j’y suis arrivé », elle veut aussi clamer « je suis branché car je maîtrise les nouvelles technologies. » Les smartphones sont désormais en concurrence avec les voitures comme dépenses principales des jeunes, l’achat d’un bon téléphone et les frais d’utilisation atteignant près de 1000 dollars par an. Ce n’est pas illogique et en plus, ils apportent des bénéfices psychiques similaires – en l’occurrence ouvrir de nouveaux horizons et nous emmener loin de notre espace physique habituel. « Le jeune consommateur n’a plus besoin de se sentir connecté à ses amis par la voiture maintenant qu’il existe cette technologie omniprésente, qui dépasse le temps et l’espace », assure Sheryl Connelly.

En d’autres mots, la technologie mobile a amené bien plus que le partage de voitures. Il a créé des amitiés qui peuvent être entretenues à distance. Le résultat ? La technologie mobile se substitue aux voitures, avec des sérieuses réductions de nos dépenses.

Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA

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