1 mars 2018

Temps de lecture : 4 min

La mort du sexisme dans la publicité en 2018 ?

L’actualité récente, à travers les hashtags MeToo ou TimesUp, a libéré la parole féminine et féministe. Les combats pour l’établissement d’une position égalitaire entre hommes et femmes, et pour la redéfinition du genre, n’ont jamais eu un tel écho médiatique. Un mouvement fort qui dénonce notamment les stéréotypes imprégnés dans notre paysage culturel conditionnant les représentations des femmes. Le secteur de la publicité est directement concerné car souvent décrié quant à l’image qu’il renvoie de la femme.

L’actualité récente, à travers les hashtags MeToo ou TimesUp, a libéré la parole féminine et féministe. Les combats pour l’établissement d’une position égalitaire entre hommes et femmes, et pour la redéfinition du genre, n’ont jamais eu un tel écho médiatique. Un mouvement fort qui dénonce notamment les stéréotypes imprégnés dans notre paysage culturel conditionnant les représentations des femmes. Le secteur de la publicité est directement concerné car souvent décrié quant à l’image qu’il renvoie de la femme.

Un stéréotype est la représentation monolithique d’un groupe. C’est une opération de réduction puisqu’une partie a pour fonction de symboliser le tout. Pourtant, ce système de catégorisation, c’est celui de notre cerveau, qui trie les informations selon une méthode binaire : de l’endogroupe (le sentiment d’appartenance) à l’exogroupe (le sentiment de différence). Finalement, ce n’est pas le stéréotype en lui-même qui pose problème mais sa diffusion par la publicité de ces représentations, notamment celle de la femme, en ce qu’elles peuvent influencer voire structurer la culture et l’organisation sociale.

Nombreux sont ceux qui les dénoncent en inscrivant directement leurs indignations sur le support physique de la publicité, mais surtout en signalant des représentations qu’ils jugent stéréotypées sur les réseaux sociaux. Ces derniers offrent une tribune libre à chaque individu, un outil pour diffuser ses combats et faire pression sur les institutions.

Trigger 1 : une réalité dénoncée par la société

De plus en plus de groupes fleurissent sur les plateformes sociales. Leur but : faire progresser l’image de la femme dans la publicité, en dénonçant par l’exemple tous les stéréotypes qui y sont encore associés. C’est le cas notamment du groupe Facebook, et du blog, « Je suis une pub sexiste » qui recensent les produits genrés et les publicités qui présentent une vision conformiste de la féminité, dévaluent les femmes, leurs rôles… Leur combat est affiché sur la photo de profil du groupe : « La publicité exploite le corps des femmes pour susciter du désir, générer de l’envie, exacerber les frustrations et rendre le produit à vendre attirant. […] la publicité véhicule les pires clichés sexistes et renforce la domination patriarcale* ».

Cette prise de position trouve un écho dans le rapport mené par le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) initié, il y a déjà quelques années. En visionnant 2000 publicités, sur 24 chaînes, l’organisme a rendu compte de l’hypersexualisation des femmes et du rôle réducteur qui leur sont attribués dans la publicité : elles sont associées aux produits d’entretien du corps à 63%, à l’habillement et la parfumerie à 57% mais seulement à 41% aux secteurs banque et assurance. Ce rapport souhaite donc dénoncer des stéréotypes sexistes. À travers ce terme, il convient d’appréhender des stéréotypes à la fois liés aux corps des individus et à la manière dont la société les normalise, mais aussi à l’esprit, c’est-à-dire aux activités qui sont associées à tel ou tel genre. Ainsi, c’est une double-représentation alliant l’être et le paraître qui constitue l’identité normative que la société attribue à un genre.

Trigger 2 : la réaction des annonceurs

Dans ce contexte, l’UDA (Union des Annonceurs) a lancé, en janvier 2018, un programme de 15 engagements baptisé FAIRe, « pour une communication responsable ». Le point d’orgue de cette démarche : la lutte contre la récurrence de stéréotypes d’habitude dans la publicité, qui a récolté la signature de 28 grandes entreprises telles que Coca-Cola, Danone, l’Oréal ou encore Citroën. Les grandes marques dépassent les discours et prennent acte pour s’engager durablement.

Un engagement qu’il convient de relativiser si l’on en croit Karine Berthelot Guiet, interviewée par LCI : « les entreprises qui ont signé cette charte répondent d’abord à une injonction de l’Etat, mais aussi à une attente sociale, médiatique, très fortes après l’affaire Weinstein ou la récente prise de position de Catherine Deneuve. […] C’est un coup médiatique ».

Trigger 3 : une initiative au résultat paradoxal

Récemment, Adidas a souhaité bousculer l’identité normative des femmes dans la publicité en mettant à l’honneur la mannequin suédoise, Arvida Byström. Cette jeune fille, blonde, mince a tous les critères pour rentrer dans la norme de la beauté stéréotypée. Pourtant, afin de marquer sa différence et de revendiquer son engagement pour une vision plurielle de la femme, elle a décidé de ne pas s’épiler les jambes. En la choisissant pour incarner sa campagne, Adidas s’inscrivait donc dans cette ambition de dépasser les injonctions faites au corps de la femme.

Malheureusement, la campagne n’a pas connu le succès escompté, et les réseaux sociaux s’en sont pris violemment à la jeune fille. Après un tel déferlement de haine sur les réseaux sociaux, elle a décidé de s’exprimer via son compte Instagram pour expliquer sa démarche et encourager ses followeuses à suivre son exemple, qu’importe la critique. En choisissant un mannequin en rupture avec les normes, Adidas a « fait un coup », qui a donné une forte visibilité à la campagne et de nombreuses retombées médiatiques. Néanmoins, l’accumulation de critiques sur Internet souligne le paradoxe de notre société : si certains sont demandeurs d’éclectisme, de renouveau, d’autres ne dépassent pas les symboles profondément ancrés de ce que devrait être la femme et sa manière de prendre soin de son corps.

Tendance : faire rêver avec la réalité ?

L’un des rôles de la publicité est d’amener son récepteur à rêver à un idéal, en le rendant potentiellement atteignable par la consommation. Pour cela, elle s’appuie sur des valeurs, des mythes généralement attractifs : la réussite, l’accomplissement, la beauté… En les représentant, la publicité dépeint de belles histoires, et nous avons plus ou moins conscience de leurs artifices et plus ou moins la volonté d’y adhérer. Même si chaque marque projette sa propre vision de la société dans une stratégie de différenciation, toutes se doivent d’être le miroir d’une frange de la population afin de trouver écho auprès des publics. Ainsi, en réponse au mouvement sociétal souhaitant voir se multiplier des représentations plus réalistes de la femme et du genre, on peut se demander s’il est possible de susciter le désir sans faire rêver à un idéal ? La question, ici, n’est pas de nier qu’il est évidemment nécessaire de faire évoluer le rôle et la représentation que la publicité donne des femmes. Il faut plutôt imaginer le futur visage de la publicité si l’on s’en tient à ce raisonnement réaliste. Une publicité qui ne jouerait sur aucun stéréotype, aucun idéal, peut-elle continuer à séduire ses publics ?

What If :

Et si, une enseigne interrogeait ses clientes sur leurs préoccupations et innovait ensuite par une nouvelle offre répondant à leurs besoins ?

Et si, une enseigne de sport concevait ses opérations commerciales en miroir hommes/femmes pour montrer que tous les sports sont mixtes ?

Et si, un retailer créait un nouveau temps fort commercial dédié à ce sujet en partenariat avec une association ?

* Extrait du livre « Contre les publicités sexistes » de Sophie Pietrucci, Chris Ventiane et Aude Vincent

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