10 mars 2020

Temps de lecture : 3 min

Des solutions concrètes pour co-produire l’information

Après trois mois de débats entre citoyens et journalistes sur les causes de l’érosion de la confiance à l’égard des médias, une volonté forte se dégage : intégrer les citoyens dans la fabrication de l’information. Tour d’horizon des chantiers médiatiques nés de cette consultation citoyenne d’un nouveau genre.

Après trois mois de débats entre citoyens et journalistes sur les causes de l’érosion de la confiance à l’égard des médias, une volonté forte se dégage : intégrer les citoyens dans la fabrication de l’information. Tour d’horizon des chantiers médiatiques nés de cette consultation citoyenne d’un nouveau genre.

Fin 2019, le baromètre « La Croix » annonçait que 71% des Français n’ont pas le sentiment que les médias rendent « mieux et davantage compte » de leurs préoccupations. Pire, quatre Français sur dix se détournent désormais de l’information. Parmi les maux qui dégradent la confiance dans les médias, le manque d’indépendance des journalistes, la prolifération de la désinformation, le manque de diversité au sein des rédactions, la trop grande place prise par les éditorialistes…

« La hiérarchisation de l’info est une lecture du monde »

Face à une défiance généralisée dans les mots et dans les actes – plusieurs journalistes furent chahutés lors de la couverture des Gilets Jaunes – la profession a peu à peu pris compris l’ampleur de la fracture. « Comment voulez-vous que la démocratie vive si les citoyens ne partagent pas un volume raisonnable et éclairé d’information ? La hiérarchisation de l’info est une lecture du monde » expliquait François Ernenwein, rédacteur en chef de « La Croix ». Pour recréer du dialogue et restaurer la confiance, douze organes de presse sont allés à la rencontre de leurs lecteurs : La Croix, France Media Monde, France Télévisions, Radio France, TF1, la Voix du Nord, 20 Minutes, le Parisien, Ouest France, France Info, Google News Initiatives et le groupe EBRA (presse régionale).

L’un des points cardinaux des 13 200 contributions : rendre les citoyens partie prenante de la couverture de l’actualité. Radiofrance va ainsi lancer une plateforme collaborative où les citoyens pourront faire des suggestions d’enquête et obtenir un échange direct avec les journalistes de la Maison de la radio. De son côté, Le Parisien a lancé « Le Labo des propositions citoyennes », un espace où les lecteurs peuvent soumettre des idées de sujets. 250 requêtes sont déjà en cours de traitement selon le quotidien, allant de sujets sur la fin du nucléaire à l’interdiction des trottinettes électriques. Idem du côté de la Voix du Nord qui lancera prochainement sa plateforme « Nouvelles voix » pour recueillir les idées du public.

Rendre transparent le fonctionnement d’une rédaction

Autre idée forte : réduire l’opacité des rouages médiatiques. Pour agir concrètement, plusieurs organes de presse ont fait voeu d’expliquer aux lecteurs le fonctionnement de leur rédaction. TF1, Radiofrance et France Médias Monde se sont ainsi engagés à développer une offre dédiée à l’éducation aux médias et à l’information. Ceci étant dit, pas de précision sur les formats ou les moyens mis en oeuvre. De nombreux organes de presse régionale organisent dors et déjà des rencontres avec leurs lecteurs pour sensibiliser à leur façon de fabriquer et hiérarchiser l’info.

Dans la continuité des demandes d’intégration et de transparence ressort aussi le souhait de faire connaitre davantage les « médiateurs de l’information ». Ces derniers, présents au sein des grosses rédactions, ont une fonction de relai entre le public et les journalistes. Indépendants de toute hiérarchie, ils permettent de faire remonter les requêtes et réclamations. Franceinfo et RadioFrance promettent de rendre leurs médiateurs plus visibles et de faire évoluer leur rôle. Plusieurs contributeurs ont proposé de mettre en place un collège de lecteurs/auditeurs/téléspectateurs qui serait doté d’un pouvoir d’interpellation. Aucune mise en exécution concrète à ce jour.

« Je voudrais des reportages sur du positif et sur des citoyens qui construisent »

Dans les solutions priorisées par le vote, on retrouve également la volonté de mieux distinguer journalistes factuels et éditorialistes. La prolifération d’éditocrates polémistes à la neutralité contestable aurait nourri le sentiment de défiance. L’appétence pour des débats contradictoires a aussi été plébiscitée. Pour assurer une pluralité des points de vue, des contributeurs proposent de créer des panels de citoyens non experts. La consultation a aussi fait remonter le souhait de mettre en place un fact-checking en temps réel sur les informations diffusées en direct, mais également d’archiver les fausses informations formulées par les personnalités publiques au sein d’un « casier infox ». Toujours dans le souhait de transparence, de nombreux contributeurs insistent sur la nécessité de généraliser la déclaration de conflits d’intérêts des experts sollicités dans les médias. Son corollaire : publier les éléments de langage fournis aux rédactions par le gouvernement, les partis politiques, les syndicats et les lobbies.

Un pays sans quatrième pouvoir est un pays sans contre-pouvoir.

Face à des propositions plurielles et concrètes qui témoignent de l’intérêt des Français pour la mécanique médiatique, on espère que les directeurs de rédaction tiendront leurs engagements. Débloquer de nouveaux budgets et réorganiser le fonctionnement d’une équipe n’est pas chose simple dans un secteur précarisé à la temporalité brulante. Mais il en va de l’avenir de la démocratie : un pays sans quatrième pouvoir est un pays sans contre-pouvoir.

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