La télévision connectée recouvre une réalité complexe car il existe beaucoup de manières de connecter son grand écran à Internet :
- en le connectant à la box tv de son F.A.I.
- en branchant son ordinateur à son téléviseur avec un câble HDMI
- en utilisant une télé connectable, souvent appelée « Smart TV »
- en « poussant » par wifi, Airplay, DLNA le contenu de son smartphone ou de sa tablette sur le téléviseur
- en passant par une console de jeu, un lecteur blu-ray connecté
- en utilisant un boîtier spécifique connecté (par exemple Apple TV)
- en utilisant un disque dur multimédia
Les consommateurs utilisent le même terme de « télévision connectée » pour toutes ces configurations d’autant plus facilement qu’elles débouchent sur la même idée de convergence entre TV et ordinateur.
Pour l’utilisateur qui branche une Smart TV sur sa box, il y a potentiellement une multitude de chemins possibles pour accéder aux mêmes contenus.
Lors de sa navigation, l’utilisateur se retrouve face à rhizome de connexions : à chaque nouveau nœud, il doit faire des choix.
En découle une vision myope, où l’on se déplace étape par étape en fonction des perceptions dans un lieu donné, la carte d’ensemble étant inaccessible.
Deux raisons expliquent cette complexité de navigation :
La tv connectée est composée d’un rassemblement d’éléments très hétérogènes (applis, vidéos, jeux, etc) sur un seul écran.
Ces contenus cumulent plusieurs possibilités d’accès aux contenus :
- Flux linéaire de la tv classique : le téléspectateur n’a qu’à se laisser porter
- Profondeur d’un espace feuilleté, fragmenté, de type web : navigation par lien, par hypertexte, comme une balade sur un espace virtuel.
Cette complexité est accrue par la concurrence que se livrent constructeurs, éditeurs et opérateurs télécom, qui multiplient les clés d’entrée (soit par un bouton spécifique, soit par la page du constructeur en sélectionnant une application, ou encore en passant par l’éditeur…).
Le même écran est convoité par plusieurs acteurs :
- le constructeur (Samsung, Apple bientôt…)
- l’opérateur télécom (Free, Orange…)
- l’éditeur, c’est-à-dire les chaînes TV
- d’autres acteurs s’ajoutent à la liste, proposant notamment des services (Skype…)
La chaîne NRJ12, par exemple, est accessible soit par l’icône du hub du constructeur ; soit par le menu proposé par l’opérateur; soit en appuyant directement sur le bouton correspondant à la chaîne.
Chaque acteur marque son identité en offrant sa propre interface encodée et son chemin vers les contenus.
Le constructeur propose un hub d’entrée qui lui est propre : ainsi Samsung a une interface avec des fonctionnalités propres (Smart Hub, Search, Your video, Samsung Apps, Vitrine, etc.)
Chaque opérateur intègre des codes visuels propres à sa marque : La Freebox Révolution organise son offre comme sur un rayonnage physique.
Comparaison entre l’interface Samsung et Freebox Revolution :
Samsung Smart TV |
Freebox Revolution |
Fond d'espace noir « sidéral » abstrait sur lequel les applis apparaissent rangées en grille-damier, alignées horizontalement et verticalement, comme des icônes |
Espace orienté correspondant intuitivement au corps humain face à un plan à distance; espace polarisé avec haut-bas, droite-gauche, en avant-en arrière, pesanteur, etc. |
Absence de coordonnées qui peut désorienter |
Espace orienté face au corps |
Cet espace abstrait correspond bien à la planéité-surface de l'écran tactile du smartphone... c'est le doigt qui, comme sur une « page » lit en touchant les icônes. |
C'est l'espace concret dans lequel le corps humain évolue. Les objets en volume sont disposés comme « devant la main » sur un rayonnage physique |
Espace abstrait et tactile |
Espace intuitif et préhensible |
Système de pages avec scroll horizontal uniquement |
Défilement horizontal pour les catégories et vertical à l’intérieur de celles-ci |
Les chaines éditrices, avec la HBBTV, proposent un moyen d’accéder via le web à des contenus qu’elles éditent parallèlement aux programmes, voire même à des services payants.
A cet effet, elles ont chacune créé une interface personnalisée.
Le même territoire qu’est l’écran fait donc l’objet d’appropriations et d’encodages concurrents par ses différents acteurs : chacun impose ses manipulations propres, reflets de son identité.
Mais cette superposition d’encodages converge au final vers le même objet tv.
Quand on sélectionne un programme, par quelque biais que ce soit, on n’est pas plus Samsung que Free, on regarde la télévision : l’écran est un réceptacle universel sur lequel se superposent des encodages différents pour arriver, au fond, au même contenu.
Conséquence : puisque le même contenu peut être accessible par plusieurs chemins, à contenus égaux la concurrence se fait sur la capacité à capter le spectateur à chaque nœud en lui proposant une meilleure ergonomie de navigation, le cheminement le plus aisé, ponctué des activités les plus attractives, une fois la porte d’entrée franchie.
Qui dit meilleure ergonomie dit fluidité optimale et sur ce plan les opérateurs peuvent garantir de la bande passante pour les services de la box.
Les constructeurs sont dépendants de la bande passante OTT (over the top) souvent plus aléatoire.
Il y a plusieurs cheminements concurrents, chacun étant encodé spécifiquement à l’acteur qui le propose, pour accéder à un même contenu.
Pour gagner la bataille concurrentielle, qui se joue à la fois entre des acteurs de métiers différents mais aussi au sein de chaque métier, chaque acteur se doit de proposer la meilleure ergonomie au spectateur. |
Daniel Bô, Pdg de QualiQuanti
*Etude téléchargeable gratuitement ici.
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