22 octobre 2025

Temps de lecture : 3 min

Les agents virtuels commencent à remplacer les humains dans les études de marché

Les agents virtuels dopés à l’IA apparaissent désormais dans les études de marché. Panels simulés, analyses express et émotions artificielles : une révolution que le secteur apprend encore à apprivoiser.

En quelques mois, les agents virtuels dopés à l’intelligence artificielle se sont invités dans le monde feutré des études qualitatives. Ces assistants numériques ne se contentent plus de répondre à des questions : ils mènent désormais des entretiens, animent des focus groups et analysent des verbatims.

À la clé, des promesses de vitesse, d’économies et de précision inédites. Mais aussi une question qui agite le secteur : peut-on vraiment confier à des robots la compréhension des émotions humaines ?

Ce sont des agents IA qui répondent aux questions

AirPanel, plateforme pionnière du « panel 100 % IA », illustre cette nouvelle tendance. Son principe est simple : un utilisateur choisit des profils (âge, genre, centres d’intérêt, pays…), soumet un concept (une publicité, un prototype, un texte) et reçoit en quelques minutes les réactions détaillées d’une dizaine « d’individus » simulés. L’algorithme compile ensuite les résultats, repère les tendances et formule des recommandations. 

En clair, ce qu’un institut d’études traditionnel réalise en plusieurs jours, voire semaines, peut désormais être obtenu en une heure, sans recruter de participants ni planifier d’entretiens. « Nous ne remplaçons pas les humains, nous leur faisons gagner du temps », assurent les créateurs de ces outils, souvent présentés comme des “copilotes d’étude”.

L’hybridation homme-machine, la voie la plus prometteuse

Les chercheurs en marketing et en sciences cognitives s’accordent sur un point : l’avenir ne sera pas tout IA, ni tout humain, mais hybride.

Une étude publiée début 2025 par Arora, Chakraborty et Nishimura (AI–Human Hybrids for Marketing Research, Université de Toronto) démontre que les enquêtes les plus efficaces combinent les deux : l’IA pour la vitesse, l’humain pour la nuance. L’idée n’est plus de remplacer les analystes, mais de leur fournir une première base de travail, un “brouillon intelligent”. 

L’IA commence par explorer des centaines de pistes afin de détecter des motifs récurrents et de structurel des données. Les experts humains prennent ensuite la main etvalident, corrigent, interprètent et replacent les résultats dans leur contexte culturel ou émotionnel. 

« C’est un peu comme si on passait de la lampe torche au radar : on voit plus vite, mais il faut toujours un pilote pour lire l’écran », résumait un expert.

La vitesse a son revers. Les agents virtuels ne ressentent pas, ne doutent pas, n’improvisent pas.Ils reproduisent des comportements appris à partir de corpus textuels : conversations en ligne, forums, articles, études publiques.

Résultat : des réponses parfois convaincantes, mais souvent standardisées, voire stéréotypées. Les chercheurs pointent aussi un risque de biais invisible. Si le modèle a été entraîné sur des données majoritairement occidentales, il peut ignorer certaines sensibilités culturelles. 

Et, contrairement à un modérateur humain, il ne sait pas interpréter un silence, une hésitation ou un rire nerveux. « L’IA capte le mot, pas l’émotion », rappelle la sociologue américaine Lisa Marshall, auteure de The Ethics of Using AI in Qualitative Research (2024).

L’usage en santé ou en politique reste délicat

Derrière les performances techniques, une autre question émerge : faut-il informer les clients ou participants que les réponses proviennent d’agents virtuels ? Certains acteurs du secteur estiment que oui, au nom de la transparence. 

D’autres défendent une approche plus pragmatique, considérant que ces agents ne font qu’“imiter” des comportements types. Mais l’usage de ces outils dans des domaines sensibles, comme la santé ou la politique, reste délicat.

Simuler la parole de publics vulnérables ou minoritaires pose toutefois un vrai problème de légitimité. À l’heure où la confiance devient un capital stratégique, la tentation du tout-virtuel pourrait se retourner contre les marques si elle n’est pas clairement encadrée.

Le futur des études : une nouvelle répartition des rôles

Malgré ces limites, le mouvement semble irréversible. Les grandes entreprises testent déjà des workflows hybrides : une première phase 100 % IA pour explorer un territoire, suivie d’une validation humaine sur un échantillon réel. Les analystes deviennent alors “curateurs” d’insights, garants de la qualité et de la pertinence. L’intelligence artificielle, loin d’effacer les métiers, redéfinit leurs contours. 

Les instituts devront désormais apprendre à auditer les modèles, à mesurer la fiabilité des panels virtuels, et à expliquer clairement les méthodologies employées. 

« Le vrai enjeu, c’est la rigueur, résume souligne Hélène Krishen, professeure à l’Université du Nevada et coautrice de Hybrid Intelligence: Human–AI Collaboration in Marketing Analytics (2023, Journal of Business Research). On peut tout automatiser, sauf la responsabilité. »

La clé : combiner puissance de calcul et intelligence émotionnelle

Les agents virtuels ne remplacent pas les humains, ils changent leur rôle. Ils libèrent du temps, multiplient les hypothèses, accélèrent les cycles d’innovation. 

Mais ils ne peuvent pas, du moins pas encore, remplacer la sensibilité, l’intuition et la subjectivité qui font la richesse des études qualitatives. 

Comme souvent avec les révolutions technologiques, la clé sera de trouver le subtil équilibre entre puissance de calcul et l’intelligence émotionnelle. Les sondages du futur ne seront ni entièrement humains, ni purement artificiels mais un dialogue permanent entre les deux.

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