7 décembre 2016

Temps de lecture : 6 min

JeloueuneBoutique.com : le Airbnb des pop-up stores

L'avenir du point de vente en centre ville passe peut-être par le pop-up. Les Vitrines de France le pensent et ont lancé début novembre le premier site national de location de boutiques éphémères.

L’avenir du point de vente en centre ville passe peut-être par le pop-up. Les Vitrines de France le pensent et ont lancé début novembre le premier site national de location de boutiques éphémères.

Certaines désertifications sont plus inquiétantes que d’autres pour nos sociétés. Pendant que les campagnes françaises continuent malheureusement de se vider, les smart cities de demain n’en finissent plus d’étendre les frontières de leurs grandes banlieues. Devant l’exode rural, la mégalopole se réinvente pour faire face au défi écologique et économique engendré par sa poussée démographique. Pourtant, alors que les grandes villes élargissent leurs territoires, les centre-villes perdent en locaux commerciaux. Est-ce un mal alors que le sur-consumérisme du matérialisme est pointé du doigt pour ses dégâts climatiques ? Pas franchement d’un point de vue long termiste et moral. Mais pour l’interaction humaine que peut développer le point de vente en centre-ville, cette désertification peut s’avérer problématique. Les Vitrines de France ont donc crée JeloueuneBoutique.com, le premier site national de location de boutiques éphémères.

Trouver en quelques clics des locaux commerciaux à louer pour une semaine, un mois ou plus ? C’est ce que propose la plateforme de mise en relation lancée, début novembre, pour une durée indéterminée. Accessible gratuitement les premiers mois, ce site web créé par GBF Communication deviendra payant une fois le seuil d’annonces suffisamment atteint. Objectif : s’installer dans la durée. Comment fonctionne ce facilitateur de lien ? D’un coté, le bailleur publie son annonce (photo, vidéo, caractéristiques du bien, conditions…), de l’autre le futur locataire choisit une ville dans laquelle il cherche une boutique avec le choix soit de sélectionner une annonce puis d’entrer en contact avec l’annonceur, soit d’activer une alerte pour être averti de la disponibilité d’un local correspondant à ses besoins. « Ce site a en effet pour ambition d’aider les mairies, les commerçants et les consommateurs à dynamiser les villes françaises grâce à une formule actuellement en plein essor, les boutiques éphémères », explique Jean-Pierre Lehmann, président des Vitrines de France, présentes dans plus de 350 villes en France. Opérationnelle depuis presque un mois, JeloueuneBoutique.com débarque dans un contexte de désertification des centres-villes, où la vacance commerciale atteint aujourd’hui 8,5 % du parc de locaux commerciaux, selon Le Monde. Il s’agit donc de « réenchanter les centres-villes », dixit Jean-Pierre Lehmann, que nous avons interrogé pour comprendre les enjeux et les ambitions de la plateforme.

INfluencia : vous dites vouloir répondre aux attentes des consommateurs en centre-ville, mais n’est-il pas le premier responsable de la désertification des centres-villes ? Etes-vous bien certain qu’il attend de son centre-ville plus de magasins ?

Jean-Pierre Lehmann : le consommateur n’est pas le seul responsable de la désertification des centres-villes, il est en effet sollicité de toute part par une offre pléthorique que ce soit en centre-ville, dans les centres commerciaux, sur internet mais pour autant le pouvoir d’achat, lui, n’a pas augmenté. Il semble donc évident qu’aujourd’hui les parts du gâteau soient de plus en plus divisées. On sait aujourd’hui que les consommateurs dépensent moins qu’avant dans tout ce qui est équipement de la personne. Ils préfèrent, en effet, privilégier un certain équilibre avec les vacances, la maison ou encore les loisirs. Le fait est que l’équipement de la personne représente une grosse part de nos centres-villes mais que les vacances se réservent désormais essentiellement en ligne et que l’équipement de la maison a souvent tendance à se retrouver en périphérie de nos villes.

Les vrais responsables sont certainement ceux qui ont décidé d’étaler les villes et de repousser hors de nos centres-villes les emplois et la vie. Tous ces métiers qui ont été délocalisés sont autant de consommateurs perdus pour le centre-ville. Aussi, cette course aux mètres carrés depuis plusieurs décennies a déjà fait beaucoup de mal et elle continue d’en faire, il suffit de prendre l’exemple du projet pharaonique d’Europacity qui promet de faire de nombreuses victimes. Et pour être complet, selon nous, le consommateur ne cherche pas forcément plus de magasins, mais avant tout du renouveau et de l’animation. Il veut être surpris tout comme il est en quête de qualité, d’originalité, de convivialité, de denrées rares que l’on trouve exclusivement dans nos centres-villes.

IN : si JeloueuneBoutique.com se révèle un succès, quelle sera son influence sur les stratégies des commerces physiques dans les villes ?

J-P. L. : l’influence sera certaine puisqu’elle permettra de faciliter les mises en relation entre loueurs et locataires qui aujourd’hui se cherchent sans forcément se trouver. Elle permettra aussi d’apporter un nouveau dynamisme dans les cœurs de ville. En effet, une boutique qui ferme en entraîne souvent d’autres mais l’inverse est aussi vrai. Il suffit d’un concept novateur qui attire le client pour redonner une plus-value à une artère plus en moins abandonnée d’un centre-ville. Cela apportera probablement une prise de conscience sur ce besoin de nouveautés qu’ont les consommateurs et sur la nécessité aussi pour certains commerces physiques, de se renouveler et d’offrir une expérience toujours plus enrichissante aux clients.

IN : si je peux juste louer un espace vacant, rien ne m’empêche via JeloueuneBoutique.com de créer un concept-store éphémère, n’est-ce pas ?

J-P. L. : en effet et c’est même recommandé, l’événementiel attire toujours le chaland. Toutefois, ce n’est pas la seule vocation de JLUB. Nous voulons surtout faire comprendre aux loueurs qu’ils doivent aujourd’hui s’adapter aux changements de notre société : le commerce, l’offre, un produit sont parfois éphémères. Que peut alors faire un commerçant une fois enfermé dans un bail standard 3-6-9 ? Il est urgent aujourd’hui de s’adapter aussi bien aux envies des potentiels locataires de louer un local sur une durée plus courte qu’à la demande des consommateurs de trouver de la nouveauté.

Il faut savoir que les demandes ne manquent pas, que ce soit de la part d’un producteur de champagne qui a envie de vendre physiquement son dernier cru, d’un e-commerçant qui souhaite rencontrer ses clients et ainsi créer un lien ou encore des artisans et des créateurs qui rêvent d’exposer leur travail et/ou leur savoir-faire. Nous pouvons tout à fait envisager un concept-store éphémère autant que l’on peut envisager un bail standard. Les avantages majeurs de l’éphémère : c’est la dimension événementielle à durée déterminée et la possibilité qu’il apporte pour un commerçant de tester son concept, son produit sur une courte durée. Celle-ci peut aller d’une semaine à un mois ou bien plus pour ceux qui souhaitent pérenniser leur idée.

IN : en facilitant des pop-up store ponctuels, ce service ne démocratise-t-il pas le « phygital » ? Car, après tout, il semble logique qu’il soit plus facile de marier expérience digitale et physique dans un espace éphémère.

J-P. L. : il est surtout question d’avoir une offre qui existe nulle part ailleurs. C’est là la force de nos centres-villes et c’est ce à quoi aspire JLUB : faciliter la mise en relation pour permettre à tous les potentiels locataires (marques, grandes enseignes, créateurs, producteurs, commerçants, e-commerçant) de trouver le local qu’il leur faut dans la ville qu’ils souhaitent. On se rend bien compte que même des géants comme Amazon ne se contentent plus seulement du virtuel, ils ont, eux aussi, ce besoin d’aller rencontrer les clients. Il est aujourd’hui devenu primordial de redéfinir le shopping. La notion de promenade est parfois encore plus présente que la notion d’achat dans nos centres-villes. C’est pourquoi il ne faut pas oublier celles de plaisir et d’expérience pour pouvoir séduire les consommateurs, et lors de leur promenade, leur donner envie de passer le seuil de la porte des boutiques.

IN : quel est pour vous l’enjeu sociétal derrière JeloueuneBoutique.com, dont l’offre dépasse le seul intérêt économique de deux parties ?

J-P. L. : imaginez-vous une société où personne ne se rencontre ? C’est justement ce que nous voulons éviter et nous pensons que pour cela, il faut rétablir du lien en centre-ville. JLUB entre totalement dans cette démarche de rapprocher les consommateurs, de rétablir du dialogue, de la convivialité. Ce qui, en somme, est profondément le rôle du commerce et a toujours été, au sens large, celui de la ville. Nous avons un profond besoin de relationnel dans une ère où tout est de plus en plus connecté, où l’on passe la plupart de son temps à ignorer l’autre dans les transports en commun, où l’on vit notre vie sociale à travers nos smartphones et autres objets connectés. Les consommateurs cherchent à retrouver leurs sensations perdues, une sorte de retour aux vraies valeurs qui passe aussi par le « consommer local » et le « consommer mieux ».

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