« La naissance d’une ébullition créatrice qui nous mènera vers une grammaire nouvelle »
PROPOS RECUEILLIS PAR
gaël clouzard
La réalité virtuelle exalte les sens, répond aux fantasmes et ouvre un champ virtuel de possibilités indéfini ! Mathias Chelebourg réalisateur prodige de la réalité virtuelle mais aussi artiste et développeur livre sa vision sur un monde enchanté à venir…
Film The PradaXprada / Mazarine
 
IÑfluencia Quelles émotions premières recherchez-vous auprès des personnes quand vous réalisez un film VR ?

Mathias Chelebourg Pour que la Réalité Virtuelle (VR) atteigne une forme de maturité et s’inscrive sur la longueur, il faut absolument qu’elle transitionne rapidement du « tout sensation » vers le développement d’émotions plus complexes et profondément humaines. En VR nous pouvons jouer exactement sur les mêmes ressorts émotionnels qu’au cinéma ou au théâtre, l’ensemble du pantone est à notre disposition, ce que l'on obtient de plus en VR c'est un engagement du spectateur qu’aucun autre medium n'arrive à obtenir !

Alors que la télé ou le web se battent pour capter l’attention et bombarder en flux continu de stimulis extérieurs et qui a pris l’habitude de consommer des contenus en dilettante sur des écrans de plus en plus multiples, la VR par son procédé coupe naturellement le spectateur du monde extérieur et l'immerge de manière sensible dans un univers alternatif.

Comme dans un caisson d'isolation, tout est plus fort, le cerveau et les sens sont en éveil et pleinement concentrés sur l'expérience.

C’est d'ailleurs une grande responsabilité pour les créateurs de contenus, la suspension volontaire de l’incrédulité s’opère quasi naturellement et le recul émotionnel n’est plus le même que devant un écran classique. Avec la réalité virtuelle on est à fleur de peau, une expérience de ce type peut faire peur jusqu’au traumatisme, mais surtout émerveiller jusqu’à l’extase ! C’est plutôt la deuxième proposition qui m’intéresse.


En quoi le virtuel est plus démonstratif qu’un texte et plus immersif qu’une image ?

MC Ce n'est pas un hasard si un certain nombre de journalistes ont eu simultanément l'idée d'envoyer des caméras 360 en Syrie avant même la démocratisation des outils, persuadés que si les gens vivaient l’horreur des destructions en « immersion » ils seraient plus touchés qu'en lisant des statistiques dans les journaux.

Il est évident que l'effet de réel induit par ce média permet de convaincre plus facilement. Grâce à elle, je peux rallier avec encore plus de force la vraisemblance d'un univers fictionnel, et c'est un outil passionnant pour un artiste, car plus le spectateur consent à une forme de réalité et plus je peux jouer avec sa perception.

Cela dit, toute forme d’expression dispose d’un potentiel immersif. Il m’arrive d’être transporté plus en profondeur dans l’univers d’un tableau d’Edouard Hopper ou en lisant un roman d’Hemingway que dans un certain nombre d’expériences dites « immersives » liées à la réalité virtuelle. La technologie ne suffit pas. Le spectateur adhère à l’immersion s’il est emmené par une histoire, des personnages, un univers, une ambiance, pas par un casque de réalité virtuelle.


En quoi contribue-elle à redéfinir la manière de communiquer des personnes et des annonceurs ?

MC A l’heure actuelle, la VR est déjà formidablement diverse. Il est fondamental que les annonceurs et les clients soient conscients des outils à leur disposition, dans toute leur multitude. Car chaque forme de dispositif et de contenu apporte ses potentialités particulières et son bagage de contraintes spécifiques. C’est un travail de pédagogie auquel nous avons dû beaucoup nous adonner en flux continu ces dernières années car la technologie évolue bien plus vite que les plannings stratégiques des marques et des agences. Il est donc très important d’avoir toujours une longueur d’avance et une vision du coup suivant pour s’inscrire dans une forme de pérennité.

Les vidéos 360 pour exemple, passé leur effet de nouveauté n'accompliront probablement jamais plus qu'un film digital classique. Mais ils sont souvent la porte d'entrée des annonceurs et des agences dans la réalité virtuel car ils rassurent, on peut les visualiser sur un smartphone, les partager nativement sur des réseaux sociaux etc... Ils ne sont donc pas réservés à des casques de VR ou des plateformes logicielles spécifiques, et engagent en apparence moins de risque car ils peuvent être amortis sur le plus grand nombre de plateforme de diffusion.

Mais selon moi la vraie révolution se situe du coté des contenues parcourables, utilisant des outils de 3D temps réel pour le moment et très bientôt de vidéo volumétrique. A mi-chemin entre de véritables installations artistiques et d’innovants dispositifs mixed médias. En donnant une perception de physicalité dans l'espace à des univers virtuels, en renforçant les mécaniques d'interactions individuelles et collectives avec des spectateurs, on peut entrevoir une toute nouvelle manière de présenter et de faire vivre des produits ou des concepts.

Par exemple, à l'époque où Nicolas Ghesquière avait réussi le coup de génie de signer Lighting, l’héroïne virtuelle de Final Fantasy, comme égérie de la marque Louis Vuitton, la marque aurait pu envisager d'organiser un véritable défilé virtuel dans un lieu réel. Jaguar nous a donné un avant goût d’un showroom innovant en amenant des journalistes à interagir ensemble dans un espace virtuel pour la présentation de leur dernière concept car. La marque Prada qui m'a donné la liberté de construire une expérience entièrement interactive dispose aujourd'hui d'un outil puissant pour faire découvrir de manière intime à des spectateurs l'univers abstrait et paradoxal qui est à son ADN, et ainsi capter l'attention de clients potentiels dans de nombreux points de vente à travers le monde.


La réalité virtuelle a-t-elle vocation à copier la réalité ?

MC Il ne fait aucun doute pour qui se penche sérieusement sur les perspectives d’évolution de la technologie qu'à court ou moyen terme la réalité virtuelle atteindra un niveau de perfectionnement suffisant pour convaincre parfaitement le cerveau d'être plongé dans une réalité alternative sans aucune trace d'artifice.

Mais s'en contenter ce serait croire que les gens peuvent s’émerveiller éternellement devant les collines du fond d'écran Windows ! Une Télévision en 4k ou 8k ne compense pas une mauvaise histoire, une projection à 48fps ne masque pas la faiblesse d'une mise en scène.

David Lynch disait avoir eu énormément de mal à continuer son métier avec l'arrivée du numérique dont la très haute définition ne lui permettait plus de laisser assez de place pour le mystère.

A nous de travailler d’arrache pied pour apporter de la poésie, de l’enchantement, du storytelling avec cette nouvelle forme d’expression. Notre plus gros défi sera évidemment d’améliorer la qualité narrative et formelle des contenus, et d’optimiser les procédés de fabrication à un rythme assez soutenu pour suivre la demande vorace de spectateurs dont les exigences vont évoluer crescendo !


Mais la réalité virtuelle répond aux mêmes règles que la tragédie : unité de temps, lieu et action. Cela influence-t-il l’écriture et la réalisation de vos films ?

MC C'est une idée reçue qui a généré un certain consensus au sein des faiseurs de VR, elle est principalement due au réflexe naturel de la narration à la première personne qui a inondé une vague pionnière de films en VR. Mais également à la relative lourdeur des procédés de fabrication qui ont poussé les créateurs à une certaine ascèse en terme de plans et de mouvements de caméra.

Je me souviens encore lorsque je défendais le découpage d’un film 360 pour la marque Dior, un plan large au drone était succédé d'un plan fixe au sol. On me rétorquait alors "Ne va-t’on pas avoir l'impression de tomber ?"

Il faut absolument tordre le coup aux règles et laisser les gens expérimenter, il est trop tôt pour établir une grammaire immuable. Inutile d’être systématique ou radical, une narration incarnée peut se mêler avec élégance à une caméra omnisciente au sein d’un même montage. Il ne faut surtout pas tout mettre à la poubelle, un champ contre champ ne s’envisage évidemment plus de la même manière, mais les réflexes de rythme et de mise en scène de cinéma s’appliquent toujours. Ce que je constate également, c'est que les spectateurs peuvent encaisser bien plus qu'on ne veut l'admettre. Penser que l'on risque de les brusquer ou leur donner la nausée en montant des plans avec un rythme soutenu par exemple, c'est oublier que la veille ils ressortaient de Fast & Furious 7 !


Puisque la réalité virtuelle n’est pas la réalité, est-ce une illusion ? Une hallucination ?

MC Avec le défilement de vingt-quatre photos par secondes, le cinéma nous a apporté l'illusion du mouvement dans le temps. Aujourd'hui avec une paire de lunettes stéréoscopiques et un capteur de mouvement on peut convaincre de l'illusion d'un volume dans l'espace. La VR n'est en vérité qu'une étape logique de plus dans l'évolution naturelle et structurellement disruptive d'un même fantasme, comme l'a été l'arrivée du son, ou de la couleur, celui de créer l'illusion du réel.


La RV créée un espace artificiel permettant l’intégration d’un stimulus dans un contexte. Quels sont les codes de mises en scène pour intégrer ce stimulus ?

MC La réalité virtuelle va réaliser un exploit que nous appelons tous de nos voeux, la passerelle naturelle entre le cinéma et le jeu vidéo. Jusqu’à maintenant l’hybridation ne s’est pas toujours faite dans le bon sens : très souvent le cinéma a emprunté la pauvreté scénaristique de certaines franchises alors que le jeu vidéo court après le frisson de la mise en scène de cinématiques à couper le souffle, au détriment de gameplays et d’interactivités intelligentes.

Les codes se construiront naturellement grâce à une migration incroyable des personnalités créatives. Aujourd’hui en tant que réalisateur de films en RV je dois m’entourer de scénaristes issus de l’univers du jeu video pour réfléchir à des problématiques liées aux narrations à choix multiples, de développeurs pour construire des interactions harmonieuses entre le spectateur et mes univers, d’artistes et de graphistes 3D rompus aux problématiques du temps réel. De ce métissage de profils que rien ne poussait à travailler ensemble, avant cette technologie, naît une ébullition créatrice qui va tous nous amener, expérimentation après expérimentation, à repousser toujours plus loin les codes d’une grammaire nouvelle.


Et vous ? Quelles émotions vous ont déjà traversé le corps après un passage dans le monde virtuelle ?

MC Je me souviendrai toujours lorsque j'ai reçu le tout premier casque d'Oculus, il m’a permis après une courte phase de prise en main de me projeter physiquement à l’intérieur d'une de mes créations à l’aide d’un moteur de jeu.

J'ai le souvenir d'une sidération proche du rêve éveillé, la sensation d'une liberté totale, c'est une émulation artistique qui restera à jamais ancrée dans ma démarche créative.

On est en train de vivre une période exceptionnelle, la découverte d'un nouveau continent artistique, et jamais autant d'outils n'ont été entre nos mains pour se lancer à sa conquête !

gael clouzard
Rédacteur en chef
 
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