FamilleS, je vous aime
CATHERINE HEURTEBISE
Dans la pub, la représentation de la famille (et des relations entre membres d’une même famille), ça donne quoi ? De l’émotion bien sûr ! La famille nucléaire a fait place à la famille recomposée, monoparentale ou unisexe… Si les codes ont changé, l’effet « Badoumba ! » est le même.
 


L’émotion a toujours été un bon filon en publicité. Devant quoi ou qui s’émeut-on le plus ? Dans le désordre : les animaux, le couple, les enfants, les petits-enfants… bref : la famille, qui reste la valeur la plus chère pour les Français. « C’est le premier et principal lieu de développement personnel et d’expérimentation de l’émotion. C’est donc naturellement un contexte clé dans le réservoir anthropologique dans lequel puise la publicité pour construire ses messages », explique Françoise Hernaez Fourrier, directrice du planning stratégique d’Ipsos.

Solitude, vieillesse, un conte qui finit bien, une bonne réalisation… émotion garantie.


La famille, donc, qu’elle soit au complet (façon Azzaro ou Cyrillus), recomposée (style Eram 2012), couple (femme/homme, homme/homme ou femme/femme), ou – et de plus en plus – duo parent/enfant-adolescent ou petits-enfants/grands-parents… Ainsi ce spot pour les supermarchés allemands Edeka qui fit le buzz et beaucoup pleurer dans les chaumières durant les fêtes de 2015 (plus de 34 millions de vues) : un grand-père en mal de ses enfants et petits-enfants se fait passer pour mort afin de faire venir tout son monde pour Noël… avec cette scène pour final : « Comment aurais-je pu vous réunir autrement ? » Solitude, vieillesse, un conte qui finit bien, une bonne réalisation… émotion garantie.

Du vrai : un concept

Une remarque en préambule : pour susciter aujourd’hui une « vraie » émotion, il est préférable de mettre en scène des « vrais gens », et le cas d’école en la matière est Comptoir des Cotonniers. Comment cette marque de mode s’est-elle imposée par la relation mère-fille qu’elle a créée en communication ? Elle a réussi à fidéliser, à faire en sorte que les jeunes filles devenant mères soient toujours fans de la marque. Après des décennies (voire des siècles) de relations basées sur l’autorité, les mamans se sont rapprochées de leurs enfants, surtout de leurs filles adolescentes, et le partage des vêtements est devenu une vraie tendance. Certains psychologues ont parlé de « recherche de jouvence », ou encore de « jeunisme » – de la part de ces mères qui voulaient ressembler à leurs filles – et de responsabilité morale sur ce brouillage des générations ; d’autres ont laissé entendre qu’il s’agissait d’une lutte pour la féminité au sein de la famille. Quoi qu’il en soit, stratégie marketing (vendre plus en fidélisant les générations) ou débat d’idées (libérer les relations mère/fille), la communication de Comptoir des Cotonniers a fonctionné.

Stratégie marketing ou débat d’idées, la communication de Comptoir des Cotonniers a fonctionné.


Car l’émotion émanant des campagnes était vraie. Cela a renforcé la mémorisation publicitaire et construit la marque. Lien social et surtout filial : les publicités de la marque ont au départ (en 1997) mis en scène des mères/filles inconnues à forte ressemblance, puis des personnalités (Sarah Lavoine et Charlotte Gainsbourg). Cependant, en 2012, après avoir évolué vers plus de différenciation dans le style des vêtements portés, ces tandems ont disparu au profit d’une campagne de transition insistant sur la capacité de choix des clientes : « Aujourd’hui, serez-vous Madame ou Mademoiselle ? »

Mais que sont devenues les jeunes filles qui posaient en compagnie de leurs mères pour Comptoir des Cotonniers ? Pour sa campagne automne/ hiver 2016/17, la marque a retrouvé deux jeunes égéries devenues femmes. Les « mères » ont disparu… et Comptoir des Cotonniers n’a pas souhaité commenter sa nouvelle stratégie. L’enseigne s’est éloignée du concept qui a fait son succès. Pourquoi ? Pour évoluer avec ses collections. Autre hypothèse : aujourd’hui, ère de règne de l’individualisation, les jeunes femmes ne désirent plus être les copies de leurs mères. L’émotion est parfois à double tranchant.



« Tu seras un homme mon fils »

Dans la famille pub, je demande... le père et le fils. On se souvient des pubs Patek Philippe, Lacoste (« Crocodile de père en fils »), Tommy Hilfiger… qui jouaient sur la fibre émotionnelle de la tradition et de la transition. Aujourd’hui, la publicité s’adapte et tente de trouver un terrain de connivence entre le père actuel, désarmé, et son fils. C’est le film humoristique de Free Mobile, où papa se dispute avec fiston pour se réconcilier grâce au forfait Free… ou encore celui d’une compagnie d’assurance asiatique qui montre un père acceptant finalement que son rejeton fasse de la musique… après avoir failli mourir dans un accident. Les nouvelles formes familiales et la place de l’enfant fournissent une autre source d’inspiration : Ikea a dédramatisé le quotidien des enfants de parents divorcés avec son film baptisé « Les coquillettes » : un petit garçon malin tire parti de la séparation en manipulant ses parents pour qu’ils lui concoctent de bons petits plats.

Les messages publicitaires les plus efficaces parviennent à nous toucher avant de nous faire réfléchir.


Dans la famille pub, je demande aussi... la mère et le fils. Une nouvelle fois, en septembre 2016, Ikea a basé son idée créative sur une situation familiale dans laquelle bon nombre de personnes ont pu se reconnaître. Cuisine et partage, toujours, mais cette fois version mère/fils (jeune adulte) en train de quitter le cocon familial. « Nous explorons par notre métier la vie à la maison. Et nous accompagnons les grandes étapes de la vie des familles actuelles. Nous sommes partenaire des changements de situation », explique Carole Feleppa, responsable de la communication externe d’Ikea France. « Le brief était : les petits prix d’Ikea toute l’année. Le premier aménagement correspondait au prix le plus juste », commentent Patrice Lucet et Philippe Boucheron, créatifs séniors chez Buzzman. Et Philippe Boucheron d’expliquer la démarche : « Nous avons cherché l’idée émotionnelle et nous sommes arrivés à cette scène d’un jeune qui emménage sous le regard nostalgique de sa maman pour laquelle il est toujours son “bébé”. » Qu’est-ce qui provoque l’émotion ? « C’est le fait que cette situation soit réaliste, et le message, vrai », répond Patrice Lucet, en ajoutant : « La musique, avec une composition originale, apporte beaucoup dans l’émotionnel. » Quant aux résultats, les deux créatifs assurent que « les premiers tests, ce sont les retours directs avec un immense partage de like et des taggs sur la page Facebook ». La relation mère/fils est forte. « L’émotion ne tue pas le message, car le produit est toujours au cœur de notre communication, insiste Carole Feleppa. Et suivre les évolutions de la famille nous permet de proposer des produits adaptés pour le quotidien des consommateurs. » Un film qui pourrait, selon la responsable de la communication, être décliné en version père/fils…



Famillenium, le nouveau filon

Pour une enseigne de fast-food, « la famille c’est sacré » – pour reprendre un slogan choc d’Eram juste avant le vote du mariage pour tous. Et McDonald’s a traité la plupart des rapports familiaux (le fils qui a perdu une compétition sportive et reprend goût à la vie devant son père et un Big Mac), et dans sa campagne « Venez comme vous êtes », une version du fils gay avec son père en 2010. La famille est dans les gènes de McDo. Ce qui est intéressant dans l’approche du géant du fast-food et de son agence TBWA\Paris, c’est le fait de coller à la nouvelle famille. Le film du faux grand-père et du faux petit-fils entre dans cette nouvelle voie.

« Cette nouvelle campagne et son comique de situation font écho à la famille imparfaite qui est devenue un modèle », commente Emmanuel Sabbagh, planneur chez TBWA\Paris. « Ce duo improbable de voisins pose le sujet de la filiation et de la qualité des relations choisies par rapport aux liens du sang. » Ce phénomène de société (on se crée ses relations, voire sa famille) confère au film McDo un ressort émotionnel particulièrement fort. « On est en pleine empathie et l’agrément est très fort, résume-t-il. Pour McDo, cette cible de jeunes grands-parents actifs, qui prennent une place dans la cellule familiale, est nouvelle et très intéressante. Nous sommes dans un nouveau genre de famille que nous appelons “famillenium”. » Le spot crée une connivence particulière entre les deux cibles principales : le petit garçon et le faux grand-père, mais aussi la maman et la fausse grand-mère.

Alors, l’émotion, lorsqu’elle est vraie, cela marche. Les messages publicitaires les plus efficaces parviennent à nous toucher avant de nous faire réfléchir. « Ce n’est pas grave si un rapport affectif vient supplanter un rapport marchand. De toute façon, la proximité est ainsi construite et le produit devenu familier entre dans le champ du possible. Il peut ensuite être actualisé sur la dimension marchande par d’autres points de contact », conclut Françoise Hernaez Fourrier. La publicité agit sur notre inconscient. Nous manipule-t-elle ? Bien sûr. Mais si on aimait ça ?
catherine heurtebise
Rédactrice
 
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