David Lacombled :
« Nous sommes déjà tous des individus numériques »
Propos recueillis par
Frédéric THERIN
© Thomas Gogny
David Lacombled est le spécialiste de l’individu digital. Journaliste, présentateur du Journal de l’économie sur RFI en 1992, il a fondé en 1997 la société de conseil en communication politique Orange Bleu avant de devenir directeur éditorial de Wanadoo.fr [...]
 
David Lacombled est le spécialiste de l’individu digital. Journaliste, présentateur du Journal de l’économie sur RFI en 1992, il a fondé en 1997 la société de conseil en communication politique Orange Bleu avant de devenir directeur éditorial de Wanadoo.fr. Directeur des relations internationales de France Télécom en France en 2005, il est chargé de fusionner en 2007 le portail Web et mobile d’Orange. À la stratégie des contenus d’Orange à partir de 2010, ce père de quatre enfants, 51 ans, s’attache à la « transformation » que la révolution numérique opère sur nos vies.

Depuis septembre 2016, il préside La villa numeris, un think tank indépendant qui promeut un modèle ouvert et européen du digital affirmant la primauté de l’humain. Il dirige également La Station de Saint-Omer dans les Hauts-de-France, un « tiers-lieu » dédié à l’innovation, à la collaboration et à l’entrepreneuriat, inauguré le 15 novembre 2019. Ce centre, construit dans l’ancienne gare de la ville, comprend un fablab et un espace de coworking avec dix postes de travail.

Quand il n’est pas dans le Pas-de-Calais ou dans son think tank, David Lacombled donne des cours, notamment au CELSA Sorbonne Université, à Paris, dont il est aussi membre du conseil d’administration. En 2013, il publie « Digital Citizen » (Plon), « manifeste pour une citoyenneté numérique ».

Engagé politiquement, il a cofondé et présidé le Mouvement des jeunes républicains (MJR). Ancien chargé de mission en communication auprès du député-maire Gilles de Robien, il intégrait de 1993 à 1995 le cabinet de François Léotard au ministère de la Défense.



IÑfluencia Vous pensez que la révolution numérique a transformé chacun de nous, en moins de deux décennies, en « individu digital ». Quelles sont les caractéristiques de cet Homme nouveau ?

David Lacombled L’idée derrière ce terme est de montrer que le digital est partout présent dans notre quotidien. Par exemple, l’Homme est désormais incapable de patienter deux minutes dans une file d’attente chez son boulanger parce qu’il veut pouvoir obtenir tout ce qu’il souhaite en un clin d’œil. Il veut que le commerçant au coin de la rue lui propose le même type de qualité de service qu’Amazon, qui vous remplace sans protester le produit que vous n’avez pas reçu le lendemain de votre commande. Neuf Français sur dix exigeaient en mars 2018, dans un sondage de l’institut Opinion Way, une réponse du service clients de leurs marques favorites en moins de 24 heures. Et deux sur trois sont prêts à s’en détourner si le service n’est pas à la hauteur. Mais malgré leurs attentes élevées, les consommateurs ont le sentiment d’être très bien écoutés par les marques, qui ont compris que le numérique avait aplani toutes les frontières et qu’elles devaient créer une relation quasi charnelle avec leurs clients. A contrario, les particuliers ont l’impression d’être moins bien reconnus par leur employeur, et ils pensent être encore plus mal traités par les pouvoirs publics. Pourtant, on ne peut pas dire que rien n’a été fait.

Même si quelques marronniers resurgissent régulièrement à ce sujet dans la presse, je n’ai pas le sentiment qu’il existe un mouvement de déconnexion massif sur la planète.



Quelle est votre définition du mot « digital » ?

David Lacombled La particularité de ce terme est que personne n’est capable de lui donner une définition propre et définitive. C’est un mot qui évolue sans cesse. Il y a une quinzaine d’années, le digital se limitait au Web, et Internet était considéré comme un outil qui facilitait les échanges. L’apparition des applications et la « plateformisation » de la société ont depuis grandement modifié l’acception de ce terme. Sky is the limit.


Quand sommes-nous devenus des individus digitaux ?

David Lacombled Avec l’arrivée des réseaux optiques à haut débit et de la 4G depuis cinq ans. Aujourd’hui, vous n’avez aucune chance de louer votre appartement sur Airbnb si vous n’offrez pas un excellent wifi, et une maison perd de sa valeur si elle n’est pas connectée à un réseau à haut débit. L’individu digital ne quitte plus jamais ce qui est devenu sa « télécommande de vie » : son smartphone, dont la puissance de calcul est supérieure à celle de la fusée qui a envoyé le premier homme sur la lune. On peut aujourd’hui travailler, se former, tisser des liens familiaux et même communiquer dans des langues que l’on ne connaît pas, cela grâce à son téléphone portable. Il est dit que nous regardons cinq à sept écrans chaque jour, mais nous vivons en réalité avec un seul écran, qui nous suit du matin au soir et dont nous exigeons qu’il fasse ce que nous voulons quand nous le souhaitons.

Nous allons traverser une période de décroissance, à la fois voulue et subie, qui va se traduire par une création de valeur limitée.



Les récents scandales concernant l’utilisation de nos données personnelles par les géants du Web n’encouragent-ils pas certaines personnes à se détourner d’Internet ?

David Lacombled Il est important de créer un climat de confiance entre les plateformes et leurs utilisateurs. C’est particulièrement vrai dans les entreprises, où les salariés ont peur d’être surveillés par leur employeur auquel ils sont contraints de rendre incessamment des comptes. Les sociétés doivent rassurer leurs collaborateurs si elles ne souhaitent pas qu’ils se détournent du monde de l’entreprise. De plus en plus de personnes prennent conscience que leurs données personnelles sont utilisées parfois à leur insu, mais cela ne provoque pas un recul de la digitalisation de notre société. Il existe une grosse différence entre le déclaratif et la réalité. Les citoyens ne veulent pas qu’on utilise leurs données à tort et à travers comme ils ne sont pas favorables à ce que l’on prédise leur état de santé, mais rares seront ceux qui refuseront que la technologie les aide à vivre plus longtemps et à avoir une vie meilleure. Ne pas utiliser Internet risque, de surcroît, de vous déclasser dans la société actuelle. Si vous n’avez pas de profil sur LinkedIn, vous vous mettez en difficulté dans le monde du travail. Même si quelques marronniers resurgissent régulièrement à ce sujet dans la presse, je n’ai pas le sentiment qu’il existe un mouvement de déconnexion massif sur la planète.


La digitalisation de notre société est appelée à se poursuivre. Qu’est-ce que ce phéno­mène va modifier dans notre quotidien ?

David Lacombled Nous allons traverser une période de décroissance, à la fois voulue et subie, qui va se traduire par une création de valeur limitée. Les tâches les plus répétitives vont être confiées à des machines. À terme, il n’y aura plus de pilote dans les avions, ni de conducteur dans les trains. Les travailleurs doivent en conséquence se prendre en main et réfléchir à ne pas être concurrencés par la machine. De nouvelles économies vont également apparaître. Une économie de soi-même en améliorant ses conditions de vie et en passant moins de temps dans les transports. Une économie de son environnement pour les mêmes raisons. Et enfin, une économie collaborative voire circulaire visant à créer du lien, court de préférence, et du sens. La hausse des prix de l’énergie va nous encourager à voyager moins loin pour nos vacances et à limiter nos déplacements. Comme notre espérance de vie augmente d’un trimestre pour chaque année que nous vivons, certains vont chercher à résider dans des endroits plus agréables et ensoleillés.

Il faut promouvoir un modèle ouvert du digital qui affirme la primauté de l’humain.



Comment les Européens vont-ils tirer leur épingle du jeu dans ce monde dominé par des géants américains et asiatiques ?

David Lacombled Il est vrai que les deux continents numériques les plus efficients sont les États-Unis et l’Asie-Pacifique. L’Europe, elle, hésite toujours entre une logique consumériste ou industrielle, et un modèle alternatif et pérenne qu’elle peut créer. Elle peut faire entendre sa voix, comme cela a été récemment le cas avec la réforme de la protection des données (RGPD). Il faudrait que l’Europe joue sa carte, car si elle se contente de taper sur les États-Unis, elle laissera le champ libre à l’Asie, et inversement. Un modèle alternatif ne signifie pas forcément être contre ceux existant. L’Europe devrait s’inspirer de certains de ses États membres comme l’Estonie. Les citoyens de ce pays n’ont pas à porter sur eux une carte d’identité, mais une sorte de clé digitale leur permet un accès à toutes leurs données personnelles et commerciales. En bref, faire certains choix vaudrait mieux que chercher à tout faire. Israël est parvenue en cinq ans à devenir le leader de la cybersécurité. La France est en capacité de suivre ce modèle en capitalisant par exemple sur son savoir-faire en agroalimentaire ou sur son héritage culturel.


Quel est l’avenir de l’homme digital ?

David Lacombled Nous sommes déjà tous des individus numériques et cette interconnexion avec la techno­logie ne va cesser de se renforcer. Le digital sera rejeté si nous avons le sentiment que la machine dirige notre vie. Le logiciel de gestion des affectations des futurs étudiants « Parcoursup » a déclenché une énorme levée de boucliers parce que les parents ont eu l’impression qu’un algorithme allait décider de la filière que leurs enfants allaient devoir suivre. Il faut promouvoir un modèle ouvert du digital qui affirme la primauté de l’humain. C’est le but du think tank que je préside, La villa numeris, qui cherche à aider les décideurs à comprendre et à anticiper les transformations sociétales et économiques afin d’agir en conséquence.
frederic therin
Rédacteur
 
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