Rattraper l’évolution du Darwinisme digital
BENJAMIN ADLER
Illustrations • Henri Lehamieu
La transformation digitale irrite ceux qui pensent que sa problématique est déjà obsolète. Pour les autres, elle fascine autant qu’elle fait peur. L’analyste nord-américain Brian Solis établit une feuille de route universelle pour aider les marques dans la course contre le darwinisme digital.
La transformation digitale vue par Fujitsu
 
La transformation digitale de notre société est-elle déjà une problématique surannée et obsolète ? Le débat agite le Landerneau. D’un côté, il y a ceux qui pensent que le changement de paradigme digital a terminé son intégration dans les nouveaux fondements identitaires de notre société et que la transformation est globale. Et de l’autre, ceux qui estiment qu’à force d’être toujours considérée comme une porte ouverte que personne n’ose enfoncer, la mutation numérique de l’environnement entrepreneurial reste une problématique aussi floue que cruciale : ne pas comprendre ses fondements et ses enjeux, c’est la garantie de passer pour l’idiot du village interconnecté.

Comment se faire un avis dans ce lacis de plaidoiries souvent trop ethnocentrées ? En jetant déjà un coup d’œil sur les très, trop nombreuses études qui s’attardent sur la nature et l’impact de la révolution numérique en entreprise. Certaines ne sont pas très sérieuses, d’autres heureusement permettent de tracer de nouveaux chemins sur la carte qui mène à la transformation digitale. C’est le cas de l’étude nord-américaine de Brian Solis, établie pour le cabinet Altimeter du groupe Prophet.
« POUR RESTER COMPÉTITIVE, UNE ENTREPRISE DOIT DONC DEVENIR PLUS AGILE QUE RÉACTIVE, ET PLUS CUSTOMER CENTRIC QUE PRÉSOMPTUEUSE. »


Intitulé « La course contre le darwinisme digital : les six étapes de la transformation digitale », le rapport propose aux entreprises un nouveau mode de compréhension, le guide pratique de comment devenir plus agile, plus innovant et plus compétitif sur le digital. Le constat de départ est une réalité indéniable : nous vivons dans une ère de « darwinisme digital », où la société et la technologie évoluent plus vite que leur habileté respective à s’adapter. Comme sur les îles Galapagos étudiées par le bon vieux Charles, le plus malin survit, l’autre meurt. Les technologies disruptives affectent les dynamiques de marché et la façon dont opèrent les entreprises en son sein.



Le parcours mobile du consommateur reste un mystère

« Pour rester compétitive, une entreprise doit donc devenir plus agile que réactive, et plus customer centric que présomptueuse. C’est là qu’intervient la transformation digitale, explique Brian Solis. Bien qu’elle représente un mouvement global qui utilise la technologie pour radicalement améliorer les performances des entreprises, la technologie seule ne constitue pas la solution. Pendant les recherches, j’ai appris que ce mouvement fonctionne même sans la moindre feuille de route universelle qui puisse guider les marques. De fait, elles ambitionnent le changement avec leurs pratiques habituelles, leur paradigme traditionnel, sans vision, ni but. »

Si l’IT (les technologies de l’information) et le marketing influencent toujours les investissements technologiques, même sans une bonne compréhension en amont des comportements et attentes des clients, l’expérience consommateur reste le premier moteur de la transformation digitale pour 55 % des dirigeants des grands comptes qui en ont la charge. Pour maximiser, notamment par la customisation, cette fameuse CX (customer experience) devenue le cheval de bataille des marketeurs, encore faut-il au préalable cartographier son sacro-saint parcours quotidien. Et cela, à peine 54 % des sondés affirment soit l’avoir fait, soit être en train de s’y atteler. Quand le parcours est mobile, la lacune est encore plus criante : ils ne sont que 20 % à l’étudier.

Alors que le débat sur la nature même de la transformation enflamme le marché de la pub et de la com’, il est essentiel de se poser deux questions sine qua non : quelles initiatives ? et qui les instigue ? Pour répondre à la première interrogation, Altimeter dresse les top 3 de 2016. À savoir : primo, l’accélération de l’innovation (81 % des sondés). Secundo, la modernisation des infrastructures IT pour un accroissement de l’agilité, de la flexibilité, du management et de la sécurité (80 %). Tertio, une amélioration de l’agilité opérationnelle pour s’adapter plus facilement au changement.

Quid de ceux qui mettent en branle cette transformation digitale ? Le changement est aujourd’hui dans les mains des directeurs marketing (CMO) (34 %), plus dans celles des directeurs informatiques (CIO), alors que seulement 29 % des sociétés possèdent une feuille de route claire sur plusieurs années.
L’EXPÉRIENCE CONSOMMATEUR RESTE LE PREMIER MOTEUR DE LA TRANSFORMATION DIGITALE.


Les CMO deviennent des pseudo Chief Marketing Technologists

« Depuis des années, les rapports de ce genre prédisent que les CMO dépenseront plus que les CIO en investissements technologiques. Il se trouve qu’il y a une raison pour cela : les CMO deviennent des pseudo Chief Marketing Technologists (directeurs technologues du marketing) », commente Brian Solis. Le passage des budgets de marketing automation de l’informatique au marketing confirme son analyse. La feuille de route qui fait encore défaut à presque 80 % des stratégistes des 500 grands comptes interrogés, le cabinet de San Francisco a réussi à l’écrire. Comme celle d’un accord de paix négocié dans la discrétion acétique d’une résidence estivale de chef d’État, la guidance de Brian Solis se compose de six étapes chronologiques.
LIÉE À DES INTENTIONS ET DES OBJECTIFS, LA TECHNOLOGIE A BESOIN D’UN BUT ; LES AGENTS TRANSFORMENT SON ADOPTION EN MISSIONS.


Première étape, on garde les mêmes et on continue : les marques opèrent en gardant la même perspective familière sur les clients, les processus, les métriques, les modèles économiques et la technologie, estimant que cela reste la solution à la pertinence digitale.

Deuxième étape, être présent et actif : des poches d’expérimentation développent avec disparité une alphabétisation et une créativité digitales en ambitionnant d’améliorer et d’amplifier les points de contact et processus spécifiques au sein de l’entreprise. Pour les agents du changement désireux de repousser les limites du statu quo, l’intégration technologique peut constituer un obstacle, surtout quand les employés ne réalisent pas que les technologies peuvent leur faciliter la tâche.

« Parfois, le rôle de gens comme moi est d’offrir aux employés des technologies qu’ils ne connaissent pas encore. Je prends des paris sur celle qui va pénétrer le monde du travail pour ensuite insister en pilotant la nouveauté auprès de différents départements. Je vois alors si ça prend. C’est un vrai défi de décider à tel niveau d’entreprise quelle solution offrir au meilleur moment, explique Jason Browning, responsable monde de la communication sociale & digitale et de la com’ interne chez Novartis. La technologie a besoin d’un but ; lorsqu’elle est liée à des intentions et des objectifs, les agents du changement transforment son adoption et son implémentation en des missions. »



La réussite de la relation collaborative interdépartementale

Troisième étape, formaliser : l’expérimentation devient intentionnelle, plus prometteuse et à des niveaux plus élevés de capabilité. Les initiatives sont plus avisées et les agents du changement recherchent alors un soutien des dirigeants pour de nouvelles ressources et technologies. Ce à quoi on assiste chez Dell, où quatre départements travaillent ensemble sur la transformation : digital et média, global marketing (qui se concentre sur l’innovation à long terme), technologies marketing et contenu (qui s’occupe des nouveaux types et canaux de contenu à utiliser pour construire le meilleur parcours consommateur à ses différentes étapes).

Dans le rapport d’Altimeter, Ana Villegas, directrice marketing du marché nord-américain chez Dell, explique cette relation collaborative interdépartementale : « Toutes les équipes se rencontrent régulièrement pour déterminer quelles sont les priorités en fonction des régions. Le département des technologies marketing joue un peu le rôle d’un vendeur en interne. Je prends leurs recommandations, je les teste, et si je vois des résultats, je détermine un plan d’adoption. » La communication mène à la collaboration, qui, elle, engendre une convergence cross-fonctionnelle.

Quatrième étape, penser stratégie : des groupes reconnaissent la puissance dans la collaboration. Leurs recherches, travaux et connaissances partagés contribuent aux nouvelles feuilles de route stratégiques planifiant la transformation digitale. Le CDO (responsable du numérique) du Metropolitan Museum of Art de New York, Sree Sreenivasan, estime par exemple que l’expérience consommateur se divise en trois étapes : avant, pendant et après la visite au musée. Dans chacune des trois, il s’agit de trouver des moyens de connexion physique et digitale encore plus forts. Le but ? Établir un cercle vertueux dans lequel l’online inspire la visite physique, qui elle-même stimule l’activité online.

Faire du digital la base commune à tous les services

Cinquième et avant dernière étape, converger : une équipe dédiée à la transformation digitale établit un guide stratégique et des opérations centré sur le consommateur. La nouvelle infrastructure de la société prend forme quand les rôles, les expertises, les modèles, les processus et les systèmes de support de ladite transformation se solidifient. « Le digital, ce n’est pas une question de hiérarchie, c’est avant tout un réseau qui permet de soutenir où qu’elles soient les équipes qui lancent des services et produits digitaux, en interne ou en externe. Le digital, c’est la base commune à tous les départements, le code génétique de n’importe quelle initiative. Il faut cela pour s’adapter continuellement aux dynamiques du marché et, à l’avance, des environnements », analyse Jamil Ghani, vice-président en charge de la stratégie d’entreprise et de l’innovation chez Target, un des quatre plus grands distributeurs nord-américains.

Et last but not least, la sixième étape, être innovant et capable de s’adapter : la transformation digitale devient un modèle de fonctionnement, les dirigeants et stratèges reconnaissent que le changement est constant. Un nouvel écosystème est établi pour identifier et agir sur les tendances du marché et de la technologie. La boucle est bouclée, en attendant la prochaine mutation à l’intérieur de la mutation. Le puits restera sans fond tant que la technologie fera évoluer les comportements de consommation. Elle a déjà rendu le consommateur plus mobile, plus social, plus connecté que jamais, changeant drastiquement la façon dont il interagit avec autrui comme avec les produits, services et marques.

« La transformation digitale est l’équivalent interne pour l’entreprise de l’évolution du consommateur en externe. Elle ouvre les portes de nouvelles opportunités d’innovations et d’expériences, mais opérer dans l’économie digitale reste encore un défi pour la majorité des entreprises », estime Brian Solis. Difficile de lui donner tort.
benjamin adler
Rédacteur


 
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