L’influence peut-elle être pixellisée ?
FLORENCE BERTHIER
©Instagram by Lil’Miquela
Les influenceurs de demain seront-ils des IA ? Outre-Atlantique on y est, c’est plus que de l’anticipation. Internautes et marques sont maraboutés. Mais face aux jeunes générations accros à leur liberté de recommander, ces profils fabriqués interrogent sur le réel et son contrôle, et sur leurs bénéfices pour les enseignes.
 
Elles s’appellent Lil Miquela, Shudu Gram, Blawko, Noonoouri, elles cumulent entre 130 000 et 1,4 million de followers sur ce qu’on appelle dorénavant un terrain de jeu, Instagram. Mais pas seulement, car sorties du bois depuis 2016, ces créatures numériques nébuleuses – entre coup marketing et expérience artistique digitaux – intriguent et font les choux gras de médias traditionnels. L’une d’elles a même fait, en mai 2018, la couverture du magazine papier High Snobiety.

Le pari des beauty gourous virtuelles

Et pour cause, figures à l’esthétique hyper réelle sans qu’on en connaisse vraiment l’origine et la raison d’être, leur succès est sans cesse grandissant auprès des millennials (Y, Z et suivants) lorgnés par les marques. La faute à leur storytelling bien construit.

Femme ou homme, de couleur ou pas et engagés, ils (elles) chantent, testent, observent, discutent, créent des gifs, partagent leurs avis. Et comme ça marche, ça allèche ! « L’influence a muté, ajoutant aux RP, bloggers, youtubers, vicers, instagrammers, un autre genre : les artefacts numériques au pouvoir conversationnel et au rayonnement parfois aussi grands que ceux d’un influenceur IRL. La marque en quête de part de voix en continu est prête à toute expérience originale et n’hésite pas à s’en rapprocher, notamment pour séduire les jeunes experts en adblocks », souligne Lydia Faraj, Lead Influence Strategist chez Elan Edelman. D’autant qu’on peut choisir son influenceur virtuel en fonction de son reach et que désormais les réseaux sociaux permettent de quantifier et qualifier illico l’impact d’une action RP. Créant même des segmentations. « Face à cette industrialisation qui mise par sécurité sur des beauty gourous à grosses audiences, la micro influence est le trending topic 2018, car elle vise des niches plus en affinité permettant un engagement précis », poursuit-elle.

Ces digital personnalities ont comme atout l’infaillibilité, puisqu’un algorithme n’est jamais fatigué ni ne vieillit.


Et ces digital personnalities en font partie. Avec comme atout l’infaillibilité, puisqu’un algorithme n’est jamais fatigué ni ne vieillit. De plus, modernes et tech, elles plaisent aux cibles « draguées ». Des démarches très appréciées – comme celles de Poppy, une vraie chanteuse qui s’échine à ressembler à un robot sur YouTube, ou à l’inverse de robots tels que Sophia, de nationalité saoudienne, qui s’est exprimée à l’ONU, ou encore de Bermuda, qui assume sa virtualité sur la Toile – qui montrent bien que la frontière s’étiole et qu’il y a un créneau. Cela malgré la déclaration visant Sophia de Yann LeCun, spécialiste de l’IA chez Facebook et un tantinet énervé, en janvier 2018 : « Laissez-moi être très clair : ce tweet a été écrit par une personne qui a lu mon message. Aucune IA quelle qu’elle soit n’est impliquée. C’est une volonté de tromper le public. » Cela après que cette « marionnette animatropique » se soit avouée très blessée par ses propos doutant de son IA et de ses capacités affectives.*

« L’intérêt des industries de la mode et de la beauté pour ces nouveaux “influenceurs” et contenus n’est pas étonnant. C’est la volonté de s’inscrire dans l’air du temps, d’être vues comme pionnières et de rester connectées avec leurs clients, qui développent des usages et des comportements de plus en plus pointus. Ce besoin de connexion avec son audience se retrouve chez les célébrités – telle Rihanna engageant Noonoouri pour promouvoir sa ligne de cosmétiques Fenty Beauty –, qui empruntent les codes de leur communauté pour conserver le lien. Ce n’est pas si innocent. Au-delà de l’image, il y a des enjeux d’engagement et d’attention significatifs. D’où l’importance d’identifier la bonne tendance de niche et son potentiel. Toutefois, si un tel profil virtuel permet aux marques de se faire (re)découvrir de façon hyper rapide voire radicale, l’audience n’est pas systématiquement réacheminée vers leur site. De plus, la marge de manœuvre est restreinte, même si on peut élargir à des secteurs comme la maternité ou le sport », précise Lydia Faraj.


©Intagram @shudu.gram

Les marques dans l’œil du follower

Les marques doivent faire attention au revers de la médaille aussi en termes d’image, d’engagement, et d’adhésion à leur histoire et leur stratégie… « Les années et les soucis glissent sur ce “faux profil” toujours pimpant et dispos, contrairement à son follower qui grandit, souffre, rit, réfléchit. Or, s’il n’est pas en phase, il ne sera plus un modèle », note Lydia Faraj. Et son fan, en quête de confiance, pertinence et authenticité pour s’identifier, n’y croira plus et se détachera.

« L’influence de demain peut-elle être contrôlée alors que naturelle depuis toujours, elle existe par elle-même ? »


Lil Miquela, dès son arrivée sur Instagram, a suscité beaucoup de questions – autour de sa réalité, de sa genèse et de son message – et un soutien massif lors de son « rapt », entendre le hacking de son compte, par une autre entité digitale (passant de 8 500 followers en 2016 à un million en 2017). Tandis que Shudu Gram, représentant une autre ethnie, a créé une forte controverse, car « créature noire d’un photographe blanc ». Mais l’experte d’Elan Edelman le confirme : « Si elles déclenchent conversations et ralliements, c’est plus le fruit de la curiosité ou du sensationnel qui les entourent qu’un développement organique avec une adhésion naturelle de leur communauté. L’engagement est peu solide et le soufflé du phéno­mène une fois retombé peut avoir l’effet inverse avec du unfollow et des fans qui partent. »

Enfin, contrôlée par une tierce personne pour sa mise en scène, la star de pixels interroge sur notre définition du réel, nos valeurs éthiques, morales et sociales à l’époque des fake news et de l’effet miroir via les réseaux et les selfies synonymes de superficialité, quête de popularité et même de chirurgie esthétique.

« L’influence de demain peut-elle être contrôlée alors que naturelle depuis toujours, elle existe par elle-même ? Le consommateur ou l’internaute peut-il y être sensible, surtout chez les jeunes générations qui revendiquent leur indépendance pour exercer leur pouvoir de recommander, l’élan vers la marque en sera-t-il stimulé ou cassé ? C’est tout l’enjeu et les limites de ce nouveau mode d’expression. Il faut se laisser du temps et l’observer avec minutie avant d’en faire un levier », prévient Lydia Faraj. Flirter avec la (dés)humanisation n’est pas une sinécure !

*On peut lire cet échange sur le site numera.com : « Pour Yann Le Cun, le robot Sophia est une marionnette sans émotion », Nelly Lesage.
florence berthier
Rédactrice
 
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