Les locavores défient la grande distribution
anika Michalowska
© AnchorPoint
Soucieux de leur santé, attentifs à une meilleure prise en compte des préoccupations sociétales, les consommateurs se tournent vers de nouvelles façons de consommer, où le local prend de plus en plus de place. Fidéliser des clients attirés par les circuits alternatifs est aujourd’hui le grand défi des grandes enseignes de la distribution alimentaire.
 
Le phénomène est désormais une réalité palpable. Les AMAP se multiplient aux sorties des stations de métro et des gares, et s’introduisent dans les halls des entreprises. « La Ruche qui dit oui » met en relation, avec succès, au cœur d’un quartier, autour d’un point de rencontre, habitants et producteurs locaux. « Au bout du champ » ouvre toujours plus de points de vente, et les sites proposant des denrées en direct des producteurs prolifèrent sur la Toile. Le week-end, les cueillettes à la ferme font le plein. L’étude « In the Food for Good » sur la transition alimentaire réalisée par Think-Out montre que près de quatre Français sur dix disent préférer privilégier à l’avenir les circuits courts et les achats directement auprès des producteurs. Pourquoi cet attrait pour le local ? Pour David Leclabart, P.D.G. de l’agence Australie, qui a commandité en 2019 une étude auprès de l’Ifop sur la thématique du local, cela est transparent : « Autrefois porteuses de valeurs fortes comme la qualité, le progrès ou la sécurité alimentaire, les marques des grands groupes industriels ont vu le lien qu’elles avaient tissé avec les consommateurs se rompre progressivement. À tel point que 30 % des Français disent ne plus leur faire confiance. »

Quatre Français sur dix disent préférer privilégier à l’avenir les circuits courts et les achats directement auprès des producteurs.


La proximité hissée en valeur

Alors, si ce n’est aux marques, à quoi les Français font-ils confiance quand il s’agit de leur alimentation ? Aux labels ? L’étude Ifop démontre qu’ils ont atteint leurs limites. Au bio ? Sur de nombreux critères (appétence, qualité…), il est devancé par les produits locaux. « Dans l’esprit des Français : qui dit local, dit produits peu transformés, et le mot est connoté à des insights et des valeurs en hausse dans la société française comme “valeurs nutritionnelles”, “qualité organoleptique”, “fraîcheur”, “authenticité”, “vrai” », souligne Nathan Stern, directeur des études d’Altavia ShopperMind. Selon l’édition 2019 de L’Observatoire E.Leclerc des nouvelles consommations réalisée par Ipsos, 82 % des Français affirment privilégier désormais l’achat de produits d’origine française et 77 % celui de produits proposés par des producteurs locaux. Une tendance très ancrée chez les seniors (86 % disent y faire attention), mais qui prend de l’importance chez les jeunes (71 % disent y être sensibles). Et il y a encore une autre motivation qui penche en faveur du « local » : à la notion d’origine (synonyme de qualité) vient s’ajouter celle de proximité (c’est bon pour la planète et la communauté). « En France, dans l’esprit de chacun, il y a un village, un territoire », fait remarquer Jean-Maxence Granier, directeur et fondateur de Think-Out. Jean-Marc Megnin, DG d’Altavia ShopperMind, renchérit : « Pour les Français, small is beautiful. Cette dimension sociétale se retrouve dans les motivations des clients qui expliquent leurs achats alimentaires locaux d’abord par leur désir de soutenir les agriculteurs et producteurs près de chez eux (63 % selon Kantar), devant la meilleure traçabilité (53 %), l’envie de soutenir les emplois près de chez eux (50 %) ou d’aider les petits fabricants et PME ne dépendant pas de grands groupes. » Une notion très présente chez les millennials, comme le montre une étude réalisée fin 2019 par l’école d’ingénieurs de PURPAN.

Selon l’Institut de recherche et d’innovation (IRI), les ventes de produits alimentaires sont en baisse dans tous les circuits de la grande distribution. Pour les enseignes, il est donc primordial de faire venir et revenir les clients. « Les enseignes sont en recherche de récurrence d’achat », explique Nathan Stern. Et quoi de mieux que de donner un coup de projecteur sur les produits locaux ? Un véritable « must » aujourd’hui pour les grandes enseignes de la distribution alimentaire quand on sait que 95 % des Français iraient plus facilement aujourd’hui faire leurs courses dans une grande surface qui proposerait beaucoup plus de produits locaux et à des prix abordables, selon L’Observatoire E.Leclerc des nouvelles consommations 2019. Toutes les enseignes sont confrontées aux mêmes enjeux, toutes affûtent leurs offres, leurs assortiments, leur communication, leur stratégie pour accompagner le défi du local. Certaines depuis plus longtemps que d’autres (notamment les indépendants comme E. Leclerc, Intermarché, Système U). D’autres, comme Carrefour, réaffirment un engagement de longue date ; Alexandre Bompard, le P.D.G., a fait inscrire l’obligation d’assurer la transition alimentaire dans les statuts et a lancé le programme Act for Food. Certains comme Auchan font leur mea-culpa et s’excusent du retard pris sur le sujet, reconnaissant qu’il est stratégique – d’où le nouveau projet d’entreprise « Auchan 2022 », qui vise à « mieux adapter l’offre aux nouvelles attentes du marché, notamment en termes de produits locaux, et aux nouveaux enjeux du métier ».

Si les enseignes sont en recherche de récurrence d’achat, quoi de mieux que de donner un coup de projecteur sur les produits locaux ?


Les gondoles aux couleurs locales

De la mise en avant du régional (avec les marques Reflets de France chez Carrefour, Nos régions ont du talent chez E.Leclerc ou Itinéraire des Saveurs chez Intermarché), la communication des enseignes s’est plus récemment recentrée sur les producteurs locaux. Fermiers, éleveurs, marins pêcheurs, apiculteurs, maraîchers sont de plus en plus présents dans les publicités médias et hors médias des enseignes. Lidl va communiquer en télé avec un spot mettant en avant les éleveurs partenaires. Chez Intermarché, la gamme Les Apiculteurs vous disent MERCI ! voisine depuis peu avec la gamme Les Éleveurs vous disent MERCI ! – cette dernière thématique étant reprise dans la campagne de publicité notamment pour le petit écran. Produits d’ici est également une démarche actuellement visible dans les magasins de l’enseigne, l’idée étant de circonscrire le local à 50 kilomètres.

La visibilité du « local » en magasin est de plus en plus forte (corners dédiés, totems, mises en avant, têtes de gondole, etc.). Intermarché met à la disposition des points de vente un kit de PLV (publicité sur le lieu de vente) dont l’objectif est de valoriser les producteurs dans leur univers avec de vraies photos des éleveurs contractualisés par le magasin. Derrière la communication, ce sont de nouvelles stratégies qui se mettent en place. Avec en toile de fond de nouvelles relations plus apaisées et plus respectueuses avec les producteurs : pour exemple, la création de filières. C’est le cas chez Intermarché. Auchan Retail s’y met également en commençant par la filière œuf. Les Magasins U signent des contrats cadres de partenariat entre agriculteurs et distributeurs. Lidl innove avec des contrats de volume (pour les fruits et légumes), des contrats avec tunnel de prix (pour les œufs) et va plus loin avec des contrats tripartites entre l’enseigne, l’éleveur et l’industriel/abatteur (viande de porc, de bœuf). Pour le faire savoir et renforcer son positionnement, Lidl est présent depuis six ans au Salon de l’Agriculture. Les partenariats avec les producteurs locaux et les adhérents des centres E.Leclerc ont été formalisés en 2010 sous la dénomination « Alliances locales » (12 000 à ce jour). Dans cet esprit, créé en 2016, le Palmarès des Alliances locales vise à récompenser et valoriser les binômes producteurs-adhérents E.Leclerc les plus vertueux et les plus emblématiques. Depuis fin 2019, Carrefour développe dès lors une Filière Qualité Viande Bovine Label Rouge, dont l’objectif est de fournir ses hypermarchés avec de la viande Filière Qualité Carrefour (FQC) Label Rouge produite au plus près du magasin dans les régions de production.

Fermiers, éleveurs, marins pêcheurs, apiculteurs, maraîchers sont de plus en plus présents dans les publicités médias et hors médias des enseignes.


Pour assurer des coûts de transport nuls, Auchan proposera dès 2020 dans ses magasins des produits provenant directement de ses « fermes urbaines » situées « à côté du magasin ». Pour aller plus loin dans l’offre fraîcheur, Intermarché vient de s’associer avec la start-up Infarm pour distribuer les herbes aromatiques fraîches cultivées sans pesticide, récoltées directement sur le point de vente. Monoprix accueille une ferme urbaine sur le toit-terrasse d’un de ses magasins et commercialisera le premier safran made in Paris. Quant à Carrefour, dans le cadre de son plan de relance, il se déploie sur la livraison par abonnement et en ligne de paniers de fruits et légumes « extra frais de saison » issus des circuits courts en rachetant la start-up lyonnaise Potager City.

Pour les grandes enseignes de la distribution, accroître la part du portefeuille de leurs clients « locavores » est stratégique. À condition que l’engagement soit crédible.




« Chez Lidl, il n’y aura jamais de discussion prix au détriment de la qualité »

Michel Biero
Directeur exécutif achat et marketing de Lidl France



Dans sa communication, Lidl France met en avant l’origine France de ses produits. Pour quelle raison ?

MB Pour le consommateur français, manger est synonyme de qualité. Chez Lidl, 72,5 % de nos produits sont français (100 % pour la viande et le lait), et nous garantissons prix et qualité sur tout le territoire. Le consommateur ne s’y trompe pas, ils sont de plus en plus nombreux à venir dans nos 1 500 magasins. Pour Lidl, l’équation est simple : 1 besoin = 1 produit. Moyennant quoi, le nombre de références par magasin ne dépasse pas 1 800. Nous pouvons donc passer des commandes en très gros volumes à nos 600 producteurs fournisseurs, nous assurant ainsi d’un prix intéressant avec une qualité optimale. Chez Lidl, il n’y aura jamais de discussion prix au détriment de la qualité.

Nous continuerons à nous donner les moyens de faire de Lidl une enseigne « tendance ».



Quelle est la relation de Lidl avec ses fournisseurs ?

MB Lidl a mis en place depuis quelques années des contrats tripartites entre éleveurs, industriels/abatteurs et l’enseigne, notamment dans les filières viande (bœuf, porc) et lait, qui garantissent aux éleveurs une meilleure rémunération et, entre les trois parties, un juste rééquilibre de la répartition des valeurs. Faire connaître notre politique relationnelle avec le monde agricole et les producteurs est la raison d’être de notre présence au Salon de l’Agriculture depuis six ans. En 2020, nous communiquerons fortement autour de cet engagement, qui reçoit une forte reconnaissance des travailleurs ruraux et touche une corde sensible chez nos consommateurs. Cette année, notre communication grand public mettra encore plus en valeur nos producteurs. - D’une image de hard discounter à son arrivée en France il y a vingt ans, Lidl est passé à une image d’enseigne de proximité dont on n’hésite pas à se dire client. Comment s’est effectuée cette transformation ? MB Dès 2012, nous avons mis en place une stratégie donnant la priorité à la recherche d’une qualité optimale au meilleur prix, à l’optimisation des coûts logistiques, à des relations équilibrées avec le monde agricole, à la montée en gamme de nos magasins, à l’amplification de nos investissements en communication. Nous continuerons à l’avenir à nous donner les moyens de faire venir et revenir le consommateur chez Lidl, et en faire définitivement une enseigne « tendance ».


« Être une coopérative apparaît aujourd’hui comme extrêmement moderne »

Dominique Schelcher
P.D.G. de Système U



Le local c’est votre cheval de bataille…

DS Système U est une coopérative depuis 122 ans et notre culture est d’approfondir nos relations avec les parties prenantes locales et de pro­poser leurs produits. Ce n’est pas pour rien que notre slogan est « Commerçants, autrement » depuis des années. En 2019, dans notre campagne TV, nous avons fait le choix de mettre l’accent sur nos relations privilégiées avec les producteurs locaux. Et c’est une réalité, car dans 63 % des paniers de courses de nos clients, on trouve au moins un produit de petite, moyenne, voire très petite entreprise des alentours, et ce chiffre a progressé de 9 points en deux ans. Nos consommateurs font confiance à 82 % dans les produits locaux, contre 37 % pour les grandes marques, une tendance qui s’est encore accentuée en 2019.

Dans 63% des paniers de nos clients, on trouve au moins un produit de PME ou TPE.



Comment communiquez-vous ?

DS En moyenne, les produits locaux représentent 20 % de l’offre dans nos magasins. Nous travaillons par bassin de consommation – il y en a 35 au total, dont un tout nouveau en 2020 : l’île de la Réunion –, ce qui nous permet de sélectionner les artisans selon une charte précise et de mettre régulièrement en avant leur production dans nos prospectus. À l’entrée de nos magasins un récapitulatif de l’assortiment local en rayon est affiché et nous prévoyons des corners en tête de gondole réservés à ces produits, qui ont toujours plus de succès. Pour les fruits et légumes, nous les mettons en valeur ; dans le bassin de consommation d’Alsace, par exemple, ils sont signalés par le logo du Syndicat des fruits et légumes d’Alsace.


En janvier 2020 est particulièrement ressorti le statut de « coopérative » de Système U dans un spot TV. Quelle en est la raison ?

DS Sur un marché de l’alimentaire difficile parfois négatif, Système U a connu une croissance de 3 % de son chiffre d’affaires en 2019. Être une coopérative – un modèle qui pouvait autrefois passer pour « ringard » – apparaît aujourd’hui, avec l’évolution des attentes environnementales et sociétales des consommateurs, comme extrêmement moderne par l’attention apportée à l’initiative individuelle, la proximité, au respect des PME et TPE. Des forces que nous continuerons à développer et mettre en avant.
anika Michalowska
Journaliste
 
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