La ville digitale : fini le tape à l’œil !
Par christine monfort
Terminées les jolies installations numériques sans réels services. Place à l’interactivité et à une vision servicielle qui va bouleverser le quotidien du citadin... —
ILLUSTRATIONS
d'élodie lascar
Le projet Urbanflow d’Helsinski


Si le numérique ne prend pas
en compte ce qui nous rassemble
et nous identifie, il ne sera
qu’une commodité








































La ville
de demain,
inrriguée par le
numérique








































Le temps de la technologie
n’est pas celui des habitants
ni celui de la décision politique








































Des dialogues se créent
autour des écrans situés
sur l’espace public








































Des pauses
ludiques




















Les citadins se prêtent
volontiers aux dispositifs
publicitaires interactifs




















Des modes
intuitifs
Beaucoup de villes ont fait du numérique une priorité, un élément de différenciation ou un axe de développement. Parfois même une raison d’être, comme Songdo en Corée du Sud, construite ex-nihilo pour devenir la ville hyper-connectée de demain. Avec l’appui de grands groupes spécialistes des réseaux ou des infrastructures collectives (IBM, Microsoft, Cisco Systems, Siemens, Thales...), ces smart cities s’appuient sur la technologie pour mieux gérer la vie en ville. Elles en font aussi un atout pour devenir plus attractives vis-à-vis des habitants, des investisseurs et des entreprises, qui à leur tour alimentent le système en générant des données de consommation et d’usage des services.


La data : le nouveau bâtisseur de cathédrales ?

Sans un traitement poussé de la data et sans le développement des objets connectés collectifs ou individuels, bon nombre de réalisations qui réinventent la ville n’auraient pas pu voir le jour. La maitrise et l’utilisation de la donnée sont devenues prépondérantes dans la construction d’un écosystème urbain. Que cela soit pour la culture, la voirie, la consommation énergétique, les services sociaux et même les annonceurs, la data permet d’acquérir une connaissance des infrastructures et du citoyen comme jamais auparavant.

Mais au-delà d’une plus grande fluidité des transports, de la mise en place des réseaux Wi-Fi ou de fibre optique, de plates-formes d’open data ou autres projets d’économie d’énergie, quelle place ces villes désormais bardées de capteurs réservent-elles à l’interactivité avec les citadins ?

« Le digital et l’urbanisme ne traitent au fond que d’une seule chose : ce qui nous rassemble et nous identifie. Si le numérique ne s’interroge pas sur la place de l’humain, il ne sera qu’une commodité ou, pire, du bruit », affirme Jean-Louis Fréchin, architecte designer, directeur de l’agence Nodesign. Pour lui, la ville intelligente doit donc être avant tout une ville qui met les gens en réseau et engendre de nouvelles conversations : « Il y a un véritable enjeu social à inventer des services très légers qui créent des relations nouvelles entre les bâtisseurs et la ville elle-même. La ville européenne a été bâtie sur l’espace public. Son défi le plus important consistera à inventer les plates-formes de partage d’information qui deviendront ses espaces publics numériques ».

Ma-residence.fr est un des nombreux réseaux sociaux qui, loin de multiplier les amis virtuels, créent du lien dans la vie réelle de la cité grâce aux relations de proximité. « Le numérique redonne un socle au lien social et élargit le cercle du strict voisinage. Nous nous appuyons sur ce lien pour mettre en relation des offres et des demandes de proximité, mais aussi pour donner en temps réel aux habitants une information locale proactive qu’ils ne vont généralement pas chercher. Des grands acteurs comme La Poste, Orange ou Suez sont d’ailleurs intéressés par cette possibilité d’informer les habitants et d’utiliser les liens de voisinage pour développer certaines de leurs activités », explique son président Charles Berdugo.

Si Internet, le mobile et les réseaux sociaux favorisent l’expression de besoins de plus en plus diversifiés de la part de citadins hyper-connectés, ils permettent aussi aux institutions, laboratoires et autres startups de détecter les usages émergeants. « Le numérique ne révolutionne pas la ville en tant que telle. Il ouvre le champ des possibles sur des phénomènes qui étaient jusqu’alors trop complexes, trop difficiles à analyser, ou qui correspondaient à des besoins trop limités pour être compatibles avec le mode d’organisation des grands groupes », note Philippe Gargov, président fondateur de [pop-up] urbain, conseil en prospective.

Dans certains secteurs, de nouveaux acteurs bousculent les organisations structurées depuis des décennies par les aménageurs traditionnels de l’espace urbain. Le transport a déjà été très désintermédié. En mettant en relation l’offre et la demande sur leur site, des startups comme Blablacar, Uber, Drivy ou Ouicar ont répondu avec différents niveaux de services aux demandes d’auto-partage ou de locations de voitures entre particuliers, au point de compter désormais parmi les principaux concurrents de la SNCF ou de susciter régulièrement l’ire des compagnies de taxis. De grands groupes comme JCDecaux et Bolloré ont pu développer leurs propres réseaux de vélos et de voitures en libre-service, Vélib’ et Autolib’. Même si la forme est différente, ils ont eux aussi répondu à cette demande de transports alternatifs émanant de consommateurs qui veulent privilégier l’usage à la propriété.


De nouveaux acteurs

À l’avenir, la ville interactive comportera sans doute moins d’intermédiaires sur les besoins classiques (énergie, télécommunications, transport ou retail), tandis que de nouveaux acteurs se chargeront de construire des interfaces dédiées aux sujets émergents : « Les grands groupes doivent rester très attentifs à la manière dont leurs usagers ou leurs clients peuvent interagir avec eux. Comme ils ne parviendront pas à créer seuls l’ensemble de la valeur, ils devront réfléchir de plus en plus en termes d’interfaces de programmation (API) pour permettre à d’autres acteurs de venir se greffer sur leurs offres sur un mode Plug & Play », détaille Paul Bois, associé et directeur de projet à l’agence Fabernovel.

Pour mettre en place ces nouvelles interactions, les collectivités et institutions publiques doivent aussi apprendre à assumer un côté expérimental et une part de risque, à déléguer et à travailler par itération pour s’adapter au flux constant des évolutions, comme c’est par exemple le cas pour la construction du Grand Lyon. Pas toujours facile quand le temps de la technologie n’est pas celui des habitants et encore moins celui de la décision politique...


Un mobilier urbain aux fonctionnalités décuplées

Sur l’espace public, le numérique décuple les fonctionnalités du mobilier urbain, améliore la lecture du territoire, offre des moments de convivialité... « La ville de demain sera irriguée par le numérique avec de nombreuses applications la faciliter. L’appel à projets de Mobilier Urbain Intelligent lancé par la Mairie de Paris a confirmé l’intérêt du public pour le digital en ville », rappelle Albert Asséraf, directeur général stratégie, études et marketing France de JCDecaux. Six dispositifs avaient été déployés en 2012-2013 : des Abribus à interface tactile permettant d’accéder à un bouquet d’applications, des escales numériques, des totems digitaux, des bornes e-Village, une table de jeu digitale tactile pour les jardins et les parcs...

Depuis la fin de l’expérimentation, le groupe déploie en France et à l’étranger certaines de ces innovations. Trois Abribus interactifs équipés d’une borne e-Village avec des écrans tactiles ont été mis en service à Annecy en janvier. L’office du tourisme du Lac d’Annecy, qui réfléchissait à redéployer son réseau d’accueil en intégrant une partie numérique, s’est joint à la société de transports de la communauté d’agglomérations autour de ce projet. Les contenus s’appuient sur l’outil du réseau d’information touristique Sitra, commun aux acteurs de la région Rhône-Alpes, qui alimentait déjà son site Web. Chaque mobilier étant connecté à Internet, il propose en français et en anglais des informations voyageurs, touristiques et culturelles actualisées en permanence. Des flash codes permettent de repartir avec la fiche d’un musée ou de générer un itinéraire sur son téléphone.

« Les gens se dirigent assez spontanément vers l’écran, comme si pour eux ce n’était pas si nouveau. La plupart naviguent sans difficulté, les adolescents jouent avec l’écran... Parfois, un dialogue intergénérationnel se crée entre les voyageurs autour de ce service », fait remarquer Stéphane Cannessant, directeur général adjoint de l’office de tourisme. Les statistiques montrent une utilisation assez équilibrée entre la partie tourisme et transports, ce qui confirme la coexistence de deux types d’utilisateurs : les usagers du bus qui l’interrogent pour des informations liées à leur parcours, mais aussi des promeneurs qui s’arrêtent pour chercher une information. La saison d’été permettra de voir comment les touristes vont s’approprier à leur tour le dispositif.


Totems et écrans interactifs

Après avoir déployé leurs parcs d’écrans numériques dans différents lieux de vie des urbains, les afficheurs s’attachent désormais à les rendre interactifs. Tous ont testé des dispositifs interactifs ludiques ou serviciels intégrant différentes technologies (réalité augmentée, Kinect, U snap...). En mai, Clear Channel a déployé à l’échelle mondiale son dispositif Connect, testé depuis un an à Londres, qui intègre des puces NFC et des QR Codes au sein même de ses totems digitaux. En France, 10 000 balises sont déployées dans les centres commerciaux et en centre-ville. « Le mobile permet de rapprocher encore davantage la marque du consommateur. Grâce à ce deuxième écran de l’univers indoor, chaque affiche peut devenir un point de vente et répondre à des demandes d’hyper-spontanéité », souligne Emmanuel Pottier, directeur général délégué de Clear Channel France.

À la rentrée, MediaTransports installera dans le hall multimodal de La Défense un écran géant connecté en permanence, qui permettra de déployer, entre autres, des dispositifs drive to store. L’univers du transport est en effet un environnement propice à l’acte d’achat, comme l’avait montré Tesco, dès 2011, avec de grandes affiches interactives installées sur le quai du métro en Corée. En attendant la rame, les voyageurs pouvaient scanner les articles et se faire livrer à domicile. En France, plusieurs expériences d’affiches interactives ont été menées dans l’univers des gares, notamment avec Carrefour.

Le développement de la connectivité est, tout autant que la volonté des municipalités, de déployer des écrans digitaux sur leur commune, un élément clé pour mettre en place des mécaniques publicitaires interactives auxquels les citadins se prêtent volontiers, puisqu’ils créent des pauses ludiques dans leur quotidien. « En 2014, nous avons testé beaucoup de dispositifs sur les premières zones connectées du réseau de transport en commun. Nous réfléchissons aussi à notre positionnement de média géolocalisé car, lorsque le métro sera connecté, le lien avec nos écrans passera beaucoup par le smartphone », fait valoir Valérie Decamp, vice-présidente de MediaTransports.


Vers une mobilité augmentée

Les gares et les aéroports sont aussi tout désignés pour déployer des services interactifs. « Les voyageurs qui arrivent en gare sont le plus souvent stressés. Les plans et itinéraires intérieurs que nous leur proposons sur des bornes interactives ou les supports mobiles sont de plus en plus immersifs. Ils leur permettent de se repérer plus facilement grâce à des photos en situation réelle à 360° et de bénéficier de toute la variété de services et de commodités mise à leur disposition », indique Mathieu Belouar, responsable du département digital & web chez Gares & Connexions. Le déploiement progressif du Wi-Fi gratuit (40 gares équipées à la fin juillet et 100 d’ici la fin de l’année) va faciliter l’accès à ces services de gare virtuelle proposés sur les supports mobiles, qui permettent de donner son avis, d’accéder au service des objets trouvés, de télécharger des contenus multimédias sur les Playing Walls des salles d’attente...

À leur arrivée à Orly Ouest, les passagers peuvent interroger depuis l’été 2013 des bornes « Trouver mon transport » proposées par Aéroports de Paris (ADP), qui s’appuient sur une version un peu adaptée du service Vianavigo du Stif. En indiquant l’adresse qu’ils souhaitent rejoindre en Ile-de-France, la borne leur propose plusieurs solutions de transports selon le temps du parcours, le prochain départ, le coût de transport... Ces bornes seront prochainement étendues à Roissy. Pour faciliter l’expérience des voyageurs, notamment pour résoudre les problèmes linguistiques, ADP a déployé bon nombre de services sur les applications mobiles qui n’excluent d’ailleurs pas toutes la présence physique du personnel. À un terminal de Roissy qui accueille beaucoup de vols en provenance d’Asie, une interface permet à l’agent d’accueil et au passager de dialoguer en parlant chacun dans sa langue. La machine retranscrit par écrit ce qu’elle a entendu, puis le traduit. Sur des bornes d’orientation, ADP teste aussi de la télé-présence avec, sur l’écran, la présence visuelle d’un agent qui répond. « Tous ces services interactifs répondent à une tendance assez générale de la société. Nous observons une croissance régulière de l’usage. Chaque nouveau service en appelle un autre et vient renforcer l’ensemble de l’offre », note Bernard Cathelain, directeur général adjoint aménagement et développement d’ADP.


L’interface, un vrai défi

Dans cette période charnière où l’équipement en supports mobiles continue de progresser et où l’augmentation du débit des réseaux ouvre de nouvelles opportunités, les terminaux personnels devront pouvoir dialoguer avec les outils collectifs sur tous les sujets : transport, pollution, santé... Ce qui, selon Philippe Gargov, représente un véritable défi : « Trop souvent, les lacunes en design d’interaction se traduisent par un abandon des innovations, alors que si on consacrait plus d’énergie sur l’interface, on pourrait faire progresser les usages ».

Malgré la montée en puissance du numérique, les dispositifs traditionnels restent efficaces. Pour réfléchir à l’avenir de l’agglomération grenobloise, la communauté d’agglomération avait lancé fin 2012 une approche participative : la Fabrique Métropolitaine. Parmi tous les dispositifs mis en place, les habitants ont plébiscité les temps de rencontres et de débats. Les Ateliers MétroCitoyens et autres Rencontres Métropolitaines ont permis de faire émerger de nombreuses propositions d’évolution qui alimenteront les réflexions pour les orientations communautaires.

Pour que la ville interactive devienne pleinement un outil de lien social, le vrai challenge consiste donc à inventer les modes d’interactivités qui seront les plus simples et intuitifs à utiliser...
christine monfort
Rédactrice
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