Le design retail hier, aujourd’hui, demain
PAR Jean-Claude Prinz*
« … des articles luxueux […] agencés de façon à faire apprécier à la fois le corps et la poignée. Tout un art de panoplie dans l’espace est ici développé… »** Aragon, en 1926, sensible à l’esthétique des parapluies mis en scène dans la vitrine, expérimente les prémices du design retail… —







































































La découverte des vestiges de la ville de Pompéi a permis de retrouver les premières traces d’une architecture commerciale
Le design retail est une approche globale du commerce. Il prend en compte les attentes, les besoins des consommateurs, les fonctions utilitaires, commerciales, et les aspects esthétiques d’un point de vente. C’est le résultat d’une démarche marketing... et créative. Ceci afin de communiquer les valeurs d’une enseigne.

Le design retail agit sur plusieurs éléments pour assurer une cohérence : 
— l’architecture : le bâtiment, les entrées, les vitrines, les couleurs, les abords ;
— le design graphique : le logo, l’enseigne, la signalétique, les applications graphiques (sacherie, documents administratifs, tenues de travail...) ;
— le design d’environnement ou architecture intérieure ou architecture commerciale : les implantations, les circulations, les aménagements, les ambiances, les matériaux, les couleurs, les éclairages, les mobiliers ;
— le design de produits : la conception des produits, des objets, des services ;
— le design packaging : l’emballage, l’étiquetage, la conservation et le display des produits ;
— le visual merchandising : la mise en place et la valorisation des produits dans le magasin ;
— le Web design : l’arborescence graphique sur les sites Web ;
— le design sensoriel : l’utilisation des cinq sens dans le point de vente.

Cette nécessité de visibilité et de communication est partagée par toutes les enseignes quel que soit leur secteur d’activité. Le design est LE seul moyen de concevoir des éléments reconnaissables, mémorisables et identifiables de tout point de vente.


LE DESIGN RETAIL HIER

Les premières traces

La découverte des vestiges de la ville de Pompéi, ensevelie sous les cendres du Vésuve en 79 après J.-C., a permis de retrouver les premières traces d’une architecture commerciale. Il s’agit des aménagements d’une teinturerie-blanchisserie, la Fullonica de Stephanus : la façade est peinte avec l’emplacement de l’enseigne frontale ; la décoration intérieure est constituée de panneaux peints sur les murs. En partie haute, des petits tableaux sont accrochés représentant des scènes de la vie quotidienne. L’implantation du mobilier est très proche de l’organisation d’un magasin actuel.

Le Moyen-Âge

La boutique est appelée « échoppe » ; sa façade est percée sur la rue, et dénuée de vitrages, la vente des produits se fait à l’extérieur, sur une étale. Celle-ci est posée sur une allège constituée d’un muret en pierres. La façade est réalisée de poutres en linteaux ou d’arcades en pierres. Des volets amovibles servent de stores de protection et de fermeture. La partie haute est obstruée par des claies fixes en imposte à barreaudage en bois ou en fer forgé. Quelques échoppes disposent d’un étage, qui sert d’atelier ou de logement. Les commerçants se regroupent par métier et par quartier. Au xiiie siècle, les comptoirs et les tables de vente font leur apparition à l’intérieur des boutiques, ce qui change les méthodes de vente et les aménagements des boutiques.

Les xviie et xviiie siècles

C’est l’époque des grandes découvertes. Les navigateurs reviennent les bateaux chargés de tissus, de soies et d’épices. Pour réceptionner ces nouvelles marchandises, les boutiques s’agrandissent, des halles et des galeries marchandes se créent au cœur des villes. Les boutiques se ferment avec des vitrines en feuillures montées dans des châssis à petits bois. Les façades se composent de pierres appareillées, d’éléments sculptés ou moulurés, d’arc retombant sur des pierres en saillies, avec une mise en œuvre de matériaux nobles. La porte d’entrée est centrée et les vitrines sont situées de part et d’autre. Les enseignes frontales sont peintes sur les bandeaux au-dessus des vitrines. Les enseignes drapeaux sont réalisées en métal découpé à l’effigie des métiers.


Le Bon Marché, le précurseur du retail moderne dès le ixxe siècle



Le style Empire

La boutique n’est plus un simple atelier, mais un lieu de vente de produits façonnés « à l’avance ». La devanture devient un signal. Sa fonction est d’attirer le client par son aspect et sa décoration. Les coffrages sont en appliques menuisées avec des décors de style néoclassique. Les décors sont réalisés en peinture. De nouveaux matériaux de placage, comme le stuc ou le bois peint sont mis en œuvre. La symétrie est recherchée dans la composition extérieure et intérieure de la boutique. L’évolution industrielle permet l’utilisation de supports en fonte – qui réduisent l’épaisseur des piédroits – et donc l’élargissement des vitrines. Les boutiques Debauve & Gallais, rue Vivienne et rue des Saints-Pères, dessinées par les architectes Percier et Fontaine, ont été conservées dans ce style.

Le xixe siècle

Les façades sont composées de petites arcatures soutenues par des colonnettes très fines. Les coffrages sont réalisés avec des entablements soutenus par des piédroits à l’intérieur desquels se replient les volets. Les vitrines sont fixes avec des petits carreaux. L’imposte située au-dessus de la porte est ouvrante. Le style de la mouluration du rez-de-chaussée est identique à celui de l’étage supérieur pour créer une harmonie avec la façade. Les bandeaux des enseignes et les panneaux latéraux sont décorés de décors fixes, réalisés en peintures marouflées sous verre, telles compositions florales ou scènes champêtres. Ils peuvent être peints sur du stuc ou réalisés en carreaux de céramique. Les premiers décors en boiseries apparaissent, dans des styles d’époque, néogothique ou néoclassique.

Les grands magasins

L’apparition des grands magasins est une véritable révolution pour le commerce. C’est le développement de grandes surfaces de vente, sur plusieurs niveaux. L’architecture est confiée à de grands architectes comme Gustave Eiffel et Louis-Charles Boileau pour le Bon Marché inauguré en 1852, Henri Sauvage et Frantz Jourdain pour La Samaritaine en 1869, et l’aménagement intérieur à de grands décorateurs tel Louis Majorelle, ébéniste, pour les Galeries Lafayette créées en 1894. Le visual merchandising prend ses racines à cette époque : on crée de nouveaux mobiliers pour la mise en place et la présentation des produits. Émile Zola les décrit dans son livre Au Bonheur des Dames comme un « éboulement de marchandises », une « tentation », « des occasions qui arrêtaient le client au passage », un « déballage géant », des « articles exceptionnels qui allaient révolutionner le commerce des nouveautés ».


Raymond Loewy à l'avant-garde du retail des années cinquante



L’époque 1900 et l’Art Nouveau

Dès les années 1900, plusieurs styles décoratifs marquent l’architecture commerciale. Les coffrages en bois permettent de réaliser des bas-reliefs. Les verres gravés, la ferronnerie d’art sont utilisés. Les dessins et la réalisation de lignes courbes et de contre-courbes, d’entrelacs, de décors floraux colorent les façades et les aménagements intérieurs des magasins, ainsi que des décors naturistes, stylisés et géométriques. Les coffrages en bois s’arrondissent, le style « nouille » apparaît avec Hector Guimard, Victor Horta, Henry van de Velde et les artistes de l’école de Nancy. Les coffrages en marqueterie de marbre, au fer forgé, persiste jusque dans les années 1930.

Une autre tendance se développe parallèlement en Allemagne, avec la création en 1919 de l’école du Bauhaus. Ce courant rationaliste, fonctionnaliste, esthétique inspire de nouvelles façades de magasins plus sobres et dépouillées de tout décor ou artifice. Des nouveaux matériaux, comme le métal, les grandes glaces permettent de réaliser des compositions avec des lignes et des volumes géométriques, des formes simples et pures. Ce courant s’étend aussi bien dans l’art, l’architecture, le mobilier, les objets, que sur le graphisme et la typographie.


LE DESIGN RETAIL AUJOURD’HUI

Les précurseurs

Dès les années 1970, des agences pluridisciplinaires se développent aux États-Unis, comme l’agence Landor Associates, la firme Walker Group/CNI. En Grande-Bretagne, Sir Terence Conran lance plusieurs concepts, dont les magasins Habitat, et son agence Conran Design Group. Rodney Fitch se spécialise dans la conception de magasins, à l’instar de l’agence Din Associates. En France, la SNIP est dirigée par Henri Rigault, et le groupe ENFI Design est fondé par quatre associés, dont Jacques Inguenaud. Ils vont développer une activité de conception et de réalisation de concepts de magasins. Il en est ainsi également de l’agence Technès (dirigée par Daniel Maurandy), qui invente le concept de la Fnac et se voit confier ses magasins, et qui sollicitera Gérard Barrau, fondateur d’Architral, pour l’accompagner dans le projet.

Les agences de design pluridisciplinaires

Sous l’influence de l’agence américaine de Raymond Loewy, de nombreuses agences vont fleurir, en France, et à l’étranger. Elles intègrent la réflexion stratégique, les études marketing, la conception graphique, le packaging, l’architecture intérieure, le design de produits, le Web design, comme Lonsdale, Carré Noir, Dragon Rouge, AKDV, Saguez & Partners, W&Cie, CBA, Malherbe Design, Market Value, Versions, Stories, Minale Design Strategy, Interbrand, Brandimage, Cent Degrés, Naço, Au delà de l’Idée...

Toutes ces agences travaillent principalement pour concevoir et développer des concepts de réseaux de points de vente, mais aussi des sièges sociaux, des agences bancaires, des concepts d’hôtellerie et de restauration à travers le monde.

Les architectes et les designers

Le besoin de séduction et la mode, principalement pour les magasins de luxe, amènent les dirigeants de grandes enseignes ou de marques internationales, à faire appel à des architectes ou des architectes-designers de renom. Ces derniers proposent leur style et un geste architectural reconnaissable pour des magasins situés dans les grandes monopoles. Paris, New York, Los Angeles, Londres, Milan, Tokyo, Singapour... accueillent les créations de boutiques ou de concept stores de Frank O. Gehry, Jean Nouvel, Zaha Hadid, Jaime Hayon ou Rem Koolhaas. Peter Marino crée les magasins Louis Vuitton, Chanel, Guerlain et Dior, Christian Biecher conçoit les magasins Fauchon et Harvey Nichols, Patrick Jouin collabore avec Alain Ducasse pour l’ensemble de ses restaurants, ainsi qu’avec le bijoutier Van Cleef & Arpels, Bruno Moinard conçoit les boutiques Cartier et l’étage luxe des Galeries Lafayette, Christian Ghion réalise les boutiques de Chantal Thomass et de Jean-Charles de Castelbajac.


LE DESIGN RETAIL DEMAIN ?

L’expérience multicanal

Devant l’évolution du commerce actuel, face à l’émergence du e-commerce et de l’Internet, il est possible de croire que le design est voué à disparaître. Plusieurs études effectuées, dans plusieurs pays, révèlent que les clients préfèrent le magasin au site Internet. Mais il est important et indispensable d’offrir aux clients une expérience « multicanal » de magasins et d’Internet. Le design retail continue d’évoluer pour apporter du sens et véhiculer des valeurs qui définissent des univers. Le magasin est un lieu identitaire, social et culturel qui permet d’accomplir ses achats dans un espace de rencontre, de vie et de plaisir. Il fait partie de notre patrimoine et de notre culture. Il participe à l’attractivité de quartiers ou de régions. Il est le spectacle vivant de nos rues et de nos villes.

Des nouvelles tendances

Chaque enseigne, chaque point de vente, est incarné par un design, une architecture, un visual merchandising original, innovant, attractif, et marqué par des codes, des signes et des symboles pour les représenter. Ils font émerger les nouvelles tendances de demain. Le magasin est le premier média. Devantures, enseignes, vitrines et aménagements intérieurs font l’objet de gestes architecturaux appliqués à une stratégie commerciale. Ce sont de véritables arguments de vente.

Les besoins des consommateurs vont encore davantage pousser des nouveaux concepts de magasins afin de trouver des idées nouvelles pour sortir à la fois de la banalité et des difficultés économiques. Des perspectives réjouissantes...

*Design & Architecture de Commerce de Jean-Claude Prinz et Olivier Gerval, « Make it design », Eyrolles, 2013. Matières & Matériaux de Jean-Claude Prinz et Olivier Gerval, « Make it design », Eyrolles, 2012. Concept Store d’Olivier Gerval et Émilie Kremer, avec la participation de Jean-Claude Prinz, « Carnets de Mode », Eyrolles, 2009.
**Le Paysan de Paris, Aragon, Gallimard, 1926.
Jean-Claude Prinz
Architecte d’intérieur/designer. Prix d’Honneur des Enseignes d’Or. Il a collaboré dans des grands groupes internationaux de design, a fondé son agence Prinz Design. Partenaire de l’agence AKDV. Il enseigne dans des écoles d’architecture intérieure, de design, et dans les écoles de commerce.


























































































































































La devanture devient un signal. Sa fonction est d’attirer le client par son aspect et sa décoration
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