20 février 2018

Temps de lecture : 9 min

Retail : la réforme du business model est une urgence

Le client ne consomme plus, il vit des expériences. Mais comment l’entreprise et plus particulièrement une enseigne de distribution peuvent-elles tenir cette promesse tacite : lui offrir le parcours d’achat de rêve ? Grâce à une supply chain collaborative et numérique qui connecte et qui synchronise tout en amont, tant en interne qu’à l’externe, selon « Les nouveaux impératifs du consommateur français ». Étude, menée par Opinion Way et analysée par Philippe Moati de l’ObSoCO, pour Generix Group qui parle aussi de transparence, d’éthique et d’information.

Le client ne consomme plus, il vit des expériences. Mais comment l’entreprise et plus particulièrement une enseigne de distribution peuvent-elles tenir cette promesse tacite : lui offrir le parcours d’achat de rêve ? Grâce à une supply chain collaborative et numérique qui connecte et qui synchronise tout en amont, tant en interne qu’à l’externe, selon « Les nouveaux impératifs du consommateur français ». Étude, menée par Opinion Way et analysée par Philippe Moati de l’ObSoCO, pour Generix Group qui parle aussi de transparence, d’éthique et d’information.

Tenir leur promesse et ne jamais lésiner sur de la bonne information : les enseignes de distribution n’ont pas d’autres choix si elles veulent s’en sortir face à leur transformation digitale, aux exigences de leurs clients et à des opérateurs comme Amazon ou Alibaba. Des mobinautes et internautes avertis qui ne consomment plus seulement mais qui vivent des expériences qui, en plus, sont forcément réussies, sinon… Telles sont les deux conclusions qui ressortent du sondage « Les Impératifs du consommateur français » mené par OpinionWay pour Generix Group (ci-dessous)*.

Mais attention tenir sa promesse ne veut pas seulement dire : délivrer un produit ou un service en bonne et due forme -ce qui est bien la moindre des choses. Non ce prérequis induit tout un tas de critères -en dehors de celui écrasant du prix, bien sûr et qui a été délibéremment mis de côté. Pour qu’une expérience d’achat soit réussie, il faut ainsi -critère loin devant- une disponibilité des produits (63%), maîtriser les délais (41% vs 48% pour les jeunes), les modalités (30%) et les montants (48%) de livraison. Une livraison qui -sauf si c’est un repas- « n’a pas besoin d’être faite dans l’heure, mais dans les 48 heures et plus qui suivent la commande pour 81% des cyber acheteurs », souligne Frédéric Micheau, Directeur des études d’opinion chez Opinionway. Des chiffres qui éclairent les réactions assez intransigeantes des Français lorsque leurs achats en ligne ne sont pas livrés comme attendus : 44% font une réclamation auprès du distributeur et 33% s’abstiennent de passer par ce dernier. Une mise à disposition totale qui s’accompagne d’autres exigences. Puisqu’il faut aussi permettre à l’acheteur de retourner facilement un article (38%), afficher sa composition ou ses caractéristiques (47%), sa date de péremption (27%), son origine (45%), proposer un SAV efficace (32%), un personnel compétent et disponible (37%), un paiement fluide (20%), une bonne ambiance générale du magasin (21%) ou une agréable ergonomie d’achat sur internet ou mobile (9%) et des avis en ligne (21%).

Deux préalables pour le Français : être informé et disposer de son produit

Informer, informer, informer… c’est l’autre devoir des enseignes de distribution pour 39% des Français, avec en tête le montant des frais de livraison (48%) -pouvoir d’achat maîtrisé oblige- et les caractéristiques d’un produit (47%). Etre le plus transparent possible, c’est une façon de le rassurer (23%) de le fidéliser (17%), d’être choisie (16%). D’ailleurs grâce à cette capacité à être précis et clair en amont, laisse aux enseignes une marge de manœuvre face à une éventuelle déception avec, par exemple, 55% qui acceptent un retard de livraison. Un enseignement à ne surtout pas négliger en cas de crise sanitaire, comme le démontre la récente affaire Lactalis qui s’est nourrie du manque d’informations de la part de l’entreprise sur l’incident et qui confirme, selon l’enquête, que 68% considèrent qu’en pareil cas, leur information doit être la priorité devant la prise de mesures concrètes pour que cela ne se reproduise pas (59%) et l’identification des origines de l’anomalie (51%). « Des chiffres intéressants confirmant que la transparence occupe une place cardinale dans l’expérience client », note Jean-Charles Deconninck, président du directoire de Generix Group qui lance sa plateforme Generix Supply Chain Hub.

D’autre part, il ressort que la proximité est vecteur d’une information de meilleure qualité que l’on va plus volontiers chercher dans des lieux physiques cumulant globalement 71% des suffrages. Pourtant le centre commercial (11%) et l’hypermarché (13%) sont relégués loin derrière le petit commerce de proximité (47%), alors qu’un site web marchand ou une appli mobile commerçante ne réunissent encore respectivement que 24% et 3%. « Deux chiffres avec les jeunes générations, rompues aux techniques digitales », précise Frédéric Micheau « qui pourraient rapidement se modifier et monter en puissance ». En attendant souligne Jean-Charles Deconninck, « si l’innovation n’est pas au service d’usages concrets, les Français n’en veulent pas. Il est dès lors inutile pour nos acteurs traditionnels d’empiéter sur les plates-bandes d’Amazon ».

L’impératif pour les distributeurs traditionnels : renouveler leur business model via une digitalisation utile

Ce qui ne signifie pas qu’il ne faut pas réagir, car clairement les consommateurs qui sont tout, sauf des lapins de 6 semaines, sont en demande d’améliorations comme un meilleur rapport qualité/prix (52%) et une meilleure information du consommateur (40%). Pourtant, ils n’attendent pas une digitalisation et une innovation inutiles. Ainsi 34% souhaitent retrouver des services identiques en ligne et en magasin, seuls 6% réclament davantage de technologies, 5% une meilleure expérience mobile et 2% une présence accrue sur les réseaux sociaux. De quoi battre en brèche quelques idées reçues. Néanmoins, pour ces enseignes françaises voire européennes, il s’agit de résoudre quelques équations de taille pour rattraper le train à grande vitesse lancé par des géants du numérique déjà identifiés comme les mieux placés pour tenir leurs promesses tel Amazon. Ce dernier bénéficie d’un capital fiabilité indéniable de la part de nos concitoyens sur : les délais de livraison (52%), la disponibilité des produits (41%), le rapport qualité/prix (37%), le retour des articles (29%)…

Entre l’économie de l’expérience où le parcours d’achat va au-delà du simple achat, et celle du digital, les distributeurs sont donc largement chahutés. Et pour répondre à tous ces enjeux de l’économie omnicanale et remettre la cruciale promesse client au cœur de leur action, ils doivent absolument trouver des parades comme développer une supply chain collaborative et digitale, « les faisant passer tant en interne qu’à l’externe d’un modèle séquentiel et rigide à une organisation collaborative, agile et en temps réel », témoigne dans l’étude, Vincent Barale, directeur Supply Chain et logistique de Louis Vuitton Malletier. Un pilotage de leur écosystème qui leur permettrait d’avoir une vision d’ensemble sur le nombre grandissant d’acteurs ou d’intervenants qu’ils doivent connecter et synchroniser, de piloter les flux de données, d’intégrer le BtoB. Mais aussi d’éviter les couacs dans les exécutions physiques ou numériques de chaque étape ou de s’encombrer de stocks inutiles. Un redéploiement qui deviendrait alors source d’engagements tenus, d’image de marque, d’identité de l’entreprise et donc de croissance. « Sans ce renouvellement de business model, les distributeurs rateront le coche des attentes de leurs clients », alerte Jean-Charles Deconninck « ils sont vraiment à la croisée des chemins et ça urge, car la partie est déjà engagée avec des acteurs comme Ali Baba et Amazon qui viennent dans leur pré carré en investissant dans les lieux physiques ». Des résultats édifiants dans cette enquête auxquels Philippe Moati de l’ObSoCo, a apporté un éclairage supplémentaire.

IN : les distributeurs français semblent bien à la traîne pour répondre au mieux aux attentes des consommateurs. La partie est-elle perdue face à des géants comme Amazon ou Alibaba ?

Philippe Moati : elle montre que ce qui est d’abord attendu c’est le respect du contrat de base de la relation : ainsi la rupture des stocks est considérée comme insupportable. De même quand une entreprise s’engage, elle doit tenir sa promesse. Ainsi alors que pour 81% des cyber acheteurs le délai de livraison qui correspond le mieux pour être livrés est 48 heures ou plus contre 4 heures pour seulement 2%, l’entreprise se doit d’être le plus précise possible sur le créneau et si en cas d’indisponibilité, immédiatement informer le client.

De plus, dans une société de plus en plus urbaine qui dispose de moins en moins de place pour stocker, la planification de l’achat disparait peu à peu et le modèle de mise à disposition est chamboulé : Amazon, par exemple, qui a bien compris cela et en quête de part de marché, investit beaucoup en logistique avec des forfaits pas forcément rentables. En effet, « La haute stratégie », c’est bien, mais face à une période en mutation comme la nôtre,  c’est important aussi de ne jamais négliger de remplir avec excellence le contrat d’exécution sur le terrain via des processus rigoureux, de l’empowerment des salariés, de la réactivité. D’autre part, comme ce contrat de base dépend d’une convention évolutive que nous avons en chacun de nous, l’écosystème est en révolution permanente et doit s’adapter, comme par exemple notre intolérance désormais à l’approximation.

IN : quelques attendus sont communs aux consommateurs français, mais l’enquête révèle aussi une polymorphie. Comment répondre à ces profils si divers et changeants ?

P.M. : je suis interpellé par la diversité des réponses qui témoignent d’une pluralité des consommateurs et de leurs critères avec toutefois les plus âgés plus attentifs sur les origines des produits et sur la qualité information, et les plus jeunes davantage dans l’instantanéité. Mais parfois aucun critère n’atteint 50%, révélant une clientèle fragmentée. On quitte définitivement un modèle de consommateurs de masse. Résultat, les acteurs du commerce n’ont pas d’autre choix que de se démassifiertout en conservant la maîtrise des coûts. Aujourd’hui, intégrer des variables simples comme l’âge, ça ne suffit plus du tout, il faut y ajouter des éléments comme la sensibilité politique, la situation économique, les pratiques religieuses, si on est moderne, post moderne ou réac… C’est-à-dire établir le rapport au monde de la personne qui conditionne sa façon de consommer. Ce sont des choses complexes et mobiles face auxquelles il faut déployer une forme d’intelligence qui passe par les sciences sociales croisées avec des données qui ne se résument plus au seul ticket de caisse.

IN : la connaissance de la data qualifiée est donc essentielle. Comment bien s’en servir ?

P.M. : le concept de masse et de l’achat de masse est périmé comme le montre le déclin de l’hypermarché et la prolifération du commerce de précision afin d’offrir une pertinence de l’offre auprès d’un plus petit nombre de consommateurs. Constituant la masse par une addition de niches comme le démontre le groupe Casino qui possède Monoprix, Monop, Naturalia alors qu’il n’y a que 200 000 vegans en France. La solution passe bien par une multiplication de concepts plutôt que par un élargissement de surface pour drainer plus de personnes. Cet ajustement de l’offre à la demande qui ne passe plus seulement par le produit mais aussi par l’imaginaire Amazon l’a bien compris. Comme le prouve l’acquisition d’un site physique, conçu non plus comme une zone de chalandise mais comme un lieu de vie qui offre un service où le client se sentira compris (à l’image d’Alibaba qui investit le retail physique en achetant 15 % de Beijing Easyhome Furnishing, numéro 2 de l’ameublement en Chine, ndlr). Or cette proposition moderne du e-commerce du produit disponible in situ avec son information va être terrible pour les acteurs traditionnels loin d’être prêts en termes de business model numérique.

IN : l’information est plus que jamais le nerf de la guerre : est-ce seulement un besoin de transparence, un peu tarte à la crême désormais ?

P.M. cette percée d’une vraie attente sur une information de qualité signifie qu’on bascule définitivement dans un modèle de consommation qu’on appelle une économie de qualité et de l’usage. A travers l’enquête le Français fait un rappel élémentaire : derrière le produit qui n’est plus une fin en soi, il doit forcément y avoir une information et donc un service, tous deux désignés comme des effets utiles en diffusant par exemple du plaisir ou en résolvant un problème ou une attente du consommateur. Résultat : un changement de posture s’impose au vendeur plus seulement pourvoyeur de produits mais apporteur de solutions grâce à ses compétences. Une démarche que l’artisan d’avant la Révolution Industrielle savait mais qui a été oubliée. Et que les distributeurs français doivent vite réenclencher en mettant de côté l’hypermarché qui dans une logique industrielle pousse seulement un produit. Or, Amazon qui s’intéresse à l’alimentaire depuis 10 ans ne l’a pas fait en développant un cybermarché, mais grâce à une formule d’abonnement -Amazon replanishment- répondant à la fréquence des achats et au service de ravitaillement automatisé de la maison. Une approche servicielle particulièrement appréciée car elle débarrasse le client d’une tâche peu euphorisante. Et là, on voit bien que non seulement la data joue un rôle essentiel mais aussi l’intelligence artificielle. Ce qui a pour effet de chambouler le back office des enseignes traditionnelles qui vont souffrir si elles ne comblent pas leurs lacunes et très vite. C’est un vrai défi culturel qui passe par le collaboratif, l’ouverture d’esprit et le numérique qui se conçoit bien.

Pour retrouver l’intégralité de l’étude, cliquez sur la photo ci-dessous !

** auprès de 1044 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus, et via un questionnaire auto-administré en ligne sur système CAWI du 7 au 9 février 2018.

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