19 décembre 2017

Temps de lecture : 4 min

Pourquoi Colette va t-elle manquer à Paris et aux marques ?

Colette semblait indéboulonnable. Pourtant ce magasin parisien, emblématique et si révolutionnaire en son temps, ferme. Quelle place a-t-il occupé et que révèle sa fermeture sur l’évolution du retail et des concept-stores premium ? Rebecca Robins, Global Director chez Interbrand nous donne des pistes. L’occasion de revenir sur le cycle de vie d’une marque.

Colette semblait indéboulonnable. Pourtant ce magasin parisien, emblématique et si révolutionnaire en son temps, ferme. Quelle place a-t-il occupé et que révèle sa fermeture sur l’évolution du retail et des concept-stores premium ? Rebecca Robins, Global Director chez Interbrand et co-auteure de Meta-Luxury nous donne des pistes. L’occasion de revenir sur le cycle de vie d’une marque.

Comme annoncé plus tôt dans l’année, Colette ferme définitivement ses portes en France, ce 20 décembre. Magasin iconique, visionnaire et parisien dans l’âme, il s’est taillé une place de choix réformant ce type de distribution par sa curation si particulière et sa capacité à faire du pur storytelling. Attirant les foules au fil de ses événements ou de ses co-branding époustouflants ou interpellants. Or face à l’émergence de sites lifestyle comme Highsnobiety qui ont mis leurs pas dans les siens ou des collaborations entre marques fashion et artistes, et des crossovers entre luxe et streetwear qui ont pillé son modèle au point de le banaliser, a-t-on encore besoin d’un tel espace en 2018 ? Et si oui, sous quelle forme et pourquoi ? Enfin, quels sont les enseignements exploitables pour à nouveau et vraiment faire la différence ? Réponses avec Rebecca Robins, Global Director, experte des sujets luxe chez Interbrand et co-auteure de l’ouvrage Meta-Luxury. Une thématique sur laquelle, elle est récemment intervenue lors de l’International Luxury Conference à Bruxelles organisée par le New York Times.

IN : Quelle valeur a aujourd’hui la marque Colette ? Qu’a t-elle apporté à l’univers du luxe et de la mode à son lancement ?

Rebecca Robins : la force principale de Colette tient essentiellement à son point de vue très particulier. Bien avant que le terme  » curation  » n’entre dans le langage courant, l’enseigne nous a apporté sa vision du monde. Les vrais visionnaires sont ceux qui ont le courage de regarder les choses différemment. C’est justement ce singulier mélange entre la culture et le commerce qui lui a donné cet état d’esprit pertinent et plein d’assurance. C’était un rare mélange de vision et de curation.

Colette a toujours su attirer les foules tel un puissant aimant. Ce magasin qui se situait, comme un symbole, à une intersection mélangeait le business des people et des histoires. Colette Rousseaux avait compris avant tout le monde l’univers dans lequel elle évoluait. Colette est une marque créée autour de la curiosité et de la découverte. La vraie valeur du concept store résidait dans les histoires que l’on en rapportait à chaque visite et les surprises auxquelles nous nous attendions en anticipation de notre prochaine visite. Du pur storytelling. Colette était un magasin qui dépassait les frontières et les générations. Toutes sortes de personnes s’y rendaient et se rencontraient lors d’évènements allant de signatures de livres en passant par des conférences ou des concerts. Avant tout, colette était une communauté.

IN : quel a été l’apport de cette enseigne au concept atypique pour son époque, dans son univers ? Quelles nouvelles formes de co-branding et de retail a-t-elle insufflées ?

R.R. : Colette avait compris la relation qu’il existe entre les marques et la culture. Cela a initié un véritable changement de paradigme dans la création d’un écosystème très open. Colette a su mélanger le haut de gamme avec le streetwear, mixer les produits issus de maisons réputées avec des produits de toutes petites marques. Chaque étage du magasin était rempli de produits pensés pour petites et grandes bourses. Colette était connue dans le monde entier pour ses séries de collaborations très éclectiques, comme, par exemple, Comme Des Garçons x Vans en 2005, Aston Martin en 2011 ou Adidas Originals en 2014.

IN : quel regret ou quelle satisfaction peut-elle avoir ?

R.R. : ce que cette marque a apporté au monde va nous manquer car elle était aimée par tous. Colette va nous manquer car, en l’espace d’à peine deux décennies, elle a su définir la culture jusqu’à en faire partie elle-même. Combien de marques avons-nous vu se dégrader et perdre leur identité sous nos yeux à force de vouloir grandir trop vite et diluer leur ADN dans le même temps ? Colette a pris la décision de ne pas subir ce sort.

A un niveau plus macro, sa fermeture amène une réflexion sur la vie et la mort d’une marque aujourd’hui. A une époque où le changement devient constant et où les marques ne cessent de voir leurs industries se faire disrupter, il s’agit de s’interroger sur le cycle de vie d’une marque dans le futur.

IN : que signifie sa fermeture sur l’évolution du retail et des concept-stores premium ?

R.R. : aujourd’hui, dans le retail, on parle de plus en plus de l’impératif de mélanger contenu et commerce, de l’art de collaborations, d’expériences et de storytelling. Tout ceci était l’essence même de Colette. On parle beaucoup d’influence et d’influenceurs, mais il faut noter qu’elle a toujours su garder un temps d’avance et définir des tendances et c’est cela qui correspond à la vraie définition de l’influence. L’héritage qu’elle va nous laisser sera dans la façon dont cette marque a su ouvrir le champ des possibles des expériences dans l’univers du retail.

Le plus bel hommage à cette marque est le fait que ce que Colette a su créer il y a 20 ans se retrouve aujourd’hui partout à travers le monde. Il y a l’exemple du concept-store Story à Manhattan qui se décrit comme  » un espace doté du point de vue d’un magazine, qui évolue comme une galerie et qui propose des articles à vendre comme un magasin « . Et l’état d’esprit d’ouverture cher à Colette s’y retrouve interprété sous la forme de partage de connaissance et de création de communautés autour de pitch nights pour entrepreneurs en herbe. Les marques partenaires y initient des collaborations légères et assumées. On peut aussi citer Club Monaco, qui a fait venir des marques locales comme partenaires dans son flagship de la 5ème Avenue à New York, dont une collection d’ouvrages sélectionnés avec soin par la fameuse librairie Strand.

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