19 octobre 2016

Temps de lecture : 4 min

Le Google du droit sera-t-il français ?

Depuis six mois, alors que le marché de la legal tech se développe dans l'Hexagone, une start-up française utilise l'intelligence artificielle, donc des bots et des algorithmes, pour développer un moteur de recherche. INfluencia a rencontré le co-fondateur du peut-être futur Google du droit.

Depuis six mois, alors que le marché de la legal tech se développe dans l’Hexagone, une start-up française utilise l’intelligence artificielle, donc des bots et des algorithmes, pour développer un moteur de recherche. INfluencia a rencontré le co-fondateur du peut-être futur Google du droit.

Contrairement aux idées reçues les Américains ne sont pas en avance sur les Français en terme d’intelligence artificielle. Ce n’est pas nous qui le disons mais Nicolas Bustamante, 21 ans, ancien élève déserteur de l’Ecole Normale Supérieure revenu de la Silicon Valley avec une idée : développer un moteur de recherche juridique qui utilise l’intelligence artificielle pour simplifier le travail des avocats. Six mois après sa création, sa start-up, Doctrine, a séduit 5 000 avocats dans l’Hexagone et levé 2 millions d’euros. Lauréat de Viva Technology Paris, le moteur de recherche est déjà utilisé par près d’un tiers du Legal 500 et devrait bientôt s’attaquer à une profession potentiellement preneuse de sa data base simplificatrice, les juristes d’entreprises.

Aux Etats-Unis, d’où est originaire la moitié de l’équipe actuelle de Doctrine, en l’occurrence San Francisco (évidemment), le marché de la legal tech représente déjà presque 15 milliards d’euros. En France, son bouillonnement ne se dément pas. Pendant que d’autres start-up se lançaient pour tenter d’automatiser et de faciliter les démarches juridiques des entreprises ou des particuliers, l’un des pionniers mondiaux, Rocket Lawyer, a débarqué chez nous en créant un joint-venture avec les Editions Lefebvre Sarrut (ELS), premier éditeur juridique et fiscal en France (et quatrième mondial).

En utilisant l’intelligence artificielle pour simplifier la recherche, la veille et l’analyse de décisions de justice à destination aujourd’hui des avocats, Doctrine exploite le big data de la justice afin de trouver facilement la jurisprudence. Le but ? Analyser les décisions pour, par exemple, déterminer la moyenne des indemnités prud’homales accordées au tribunal. Mais pas que. C’est pour cela qu’INfluencia a voulu approfondir et se pencher sur un marché qui lui aussi innove pour transformer des usages et comportements professionnels. Nous sommes donc allés poser nos questions à Nicolas Bustamante, co-fondateur de Doctrine.

INfluencia : comment est venue l’idée de Doctrine et sur la base de quels besoins l’avez-vous réfléchie au départ ?

Nicolas Bustamante : lorsque nous étions à San Francisco avec mes associés, l’un des fondateurs d’une start-up, qui souhaite uberiser les avocats, nous a confié que s’il était possible de « disrupter » la profession, c’était uniquement parce que les avocats utilisent des outils absolument pas adaptés au 21ème siècle ! Le constat est simple, l’uberisation des avocats se produira uniquement si leurs outils ne se modernisent pas. Doctrine.fr met l’intelligence artificielle au service de l’avocat et non à son détriment ! Nous avons conçu le moteur de recherche de décisions de justice le plus simple, le plus rapide et le plus exhaustif du marché. Nous possédons des millions de décisions de justice françaises et européennes. Tous les jours nos robots parcourent le web à leur recherche.

IN : pourquoi le nom Doctrine qui, pour le dictionnaire, définit un ensemble de principes et d’opinions ?

N.B. : c’est une excellente question. La doctrine est l’ensemble des opinions juridiques qui visent à éclairer le droit. Auparavant, il n’y avait qu’une seule doctrine juridique composée des écrits des professeurs de droit. Nous avons créé la doctrine chiffrée qui est celle des algorithmes pour expliciter le droit plus simplement et plus rapidement. Notre intelligence artificielle sur le droit est très poussée et permettra, à terme, de prédire le résultat d’une décision de justice en analysant à la volée des millions de décisions.

IN : en combien de temps a été conçue la technologie, par combien de personnes et avec quels fonds initiaux ?

N.B. : nous avons une dizaine d’ingénieurs dans l’équipe, majoritairement des « data scientists » recrutés dans les entreprises du secteur de la technologie à San Francisco. Le développement de notre technologie ne s’arrête jamais. Nous allons doubler notre équipe technique d’ici à 3 mois. Nous formons tous nos data scientists à la matière juridique en leur donnant des cours de droit obligatoires. Mes deux co-fondateurs, Antoine Dusséaux et Raphaël Champeimont, sont des experts de l’intelligence artificielle et du traitement des données textuelles. Antoine s’est spécialisé en data science à l’Ecole Polytechnique et parle sept langues. Raphaël a fait une belle thèse sur la combinatoire des mutations génétiques. Ses travaux en informatique appliquée à la biologie sont aux fondements de notre technologie. Enfin, nous avons développé la technologie sur nos fonds propres grâce à des ordinateurs très puissants, une équipe brillante et beaucoup de café. L’incubateur « TheFamily » nous a soutenu en terme de logistique. Nous codions toute la journée sans nous occuper du logement ou des repas.

IN : quel est le modèle économique et va-t-il évoluer en fonction de la croissance du nombre d’utilisateurs ?

N.B. : le marché de l’information juridique est complètement opaque. Il n’y a aucune transparence des prix. Appelez deux fois un éditeur juridique traditionnel et vous aurez des prix différents. Les avocats sont actuellement limités à un nombre de connexions simultanées, ils n’ont même pas accès à l’exhaustivité de l’information juridique. Doctrine propose un prix transparent de 129 euros par mois, l’abonnement est résiliable à tout moment et donne l’accès au plus grand fonds de décisions de justice et à des milliers de commentaires de décisions. Nous faisons gagner en moyenne 3 heures par semaine aux avocats.

IN : pour soutenir cette affirmation, quelle est la grosse valeur ajoutée de votre techno ?

N.B. : la plus-value de notre technologie est qu’elle est transparente pour l’utilisateur. Nous faisons des milliers de calculs complexes à la seconde et c’est totalement invisible pour lui. Doctrine affiche en 0,1 seconde la décision de justice la plus pertinente. Nos algorithmes apprennent systématiquement de toutes les recherches afin d’affiner les résultats et de proposer des textes pertinents à consulter. Sur Doctrine la recherche juridique est plus simple, plus pertinente et plus rapide qu’une recherche sur Google. Enfin, nous proposons une analyse chiffrée de la jurisprudence ce qui est encore plus innovant ! C’est la fameuse doctrine chiffrée dont je parlais précédemment et qui s’apparentera bientôt à de la justice prédictive.

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