Hello, world!
GUILLAUME ANSELIN
Illustrations • Sylvain Guiheneuc
Être citoyen du monde et sa ville, c’est beau… et c’est compliqué aussi. On est un peu « lost in translation » : quelles sont l’échelle de notre monde et la finalité ? Le défi de la proximité questionne tous ceux qui ont une responsabilité vis-à-vis de la société civile, au premier rang desquels l’entreprise, appelée à être contributive et sommée de changer.
 
Il y a bien longtemps, dans une galaxie pas si lointaine… Sophie a 23 ans. Ce matin, elle branche sa télé en sirotant un thé bio de Chine. Les feux en Afrique du Sud – qui ravagent la moitié du pays – inondent les médias et escamotent l’actualité de France et celle de sa ville, Nantes, où Sophie réside depuis trois ans pour ses études en droit international. Mais ce matin, la télé fonctionne en bruit de fond, car Sophie est rivée à son compte Instagram. Son pote Pierre est en vacances en Californie, à la recherche d’un point break près de Venice Beach.
#EnjoyLife #TheWorldIsNotEnough.

C’est dur ce qui se passe en Afrique du sud. Sophie en connaît tous les détails depuis une semaine, mais ce qui se passe en ce moment dans son quartier et dans sa ville, elle ne sait pas trop… Tandis qu’elle sort pour rejoindre la fac dans le froid glacial de janvier, une affiche lui vante le soleil au Brésil. Merveille de la technologie moderne, le retargeting la cible sur son iPhone : 129 euros le vol A/R avec British Airways au départ de Beauvais. Pas si mal. En permanence connectée, Sophie suit un topic Twitter sur le sujet avec des Brésiliens avec qui elle a sympathisé en quelques mois. En revanche, le prénom de la voisine de palier, ça… mystère.

La veille, elle s’est fait livrer une enceinte connectée chez elle (enfin chez sa tante, qui bosse la moitié de l’année en Inde pour une société néerlandaise). Elle sait bien que l’enceinte est assemblée à Taïwan, vendue par un intermédiaire à Dublin, sur une célèbre plateforme de Seattle. Mais le problème est ailleurs : Sophie se demande s’il faut acheter des tomates cerises (rappel : on est en janvier) pour l’apéro de ce soir. Enfin, bientôt le week-end. Elle ira avec une copine au centre commercial qui vient d’être repensé comme un « lieu de vie pour ré-enchanter le commerce », en regrettant quand même certaines boutiques du centre-ville qui ferment. Cet épicier notamment qui avait l’air sympa, même s’il était bien trop cher pour elle.

Là-bas et ici, nous aimons les deux, nous voulons les deux, comme revendication d’un art de découvrir mondial et d’un art de vivre local.


Local is the new black

Nous ne sommes pas en 2030 au premier chapitre d’une énième dystopie en vogue. Nous sommes en 2020 et nous sommes tous un peu comme Sophie. Citoyen du monde et vivant à Nantes, Paris ou Lyon. C’est beau. C’est compliqué aussi. À l’heure des news 24/24, d’une technologie qui ne nous déconnecte jamais, d’une consommation effrénée (dont on se demande à quoi elle sert), le temps et l’espace se brouillent. Cela crée d’ailleurs un stress inédit : de connexion, de pouvoir d’achat, de compréhension aussi du monde dans lequel nous vivons. La jeune génération en a développé une anxiété sociale, le Fear Of Missing Out (FOMO), cette peur d’être déconnecté et de manquer un événement crucial (online ou dans la vraie vie), quand ils ne culpabilisent pas de prendre l’avion. Comme Sophie, nous sommes tiraillés : entre le désir du lointain et le désir du local, entre un Airbnb à Rio de Janeiro et le fromage acheté chez monsieur Émile au coin de la rue. Nous aimons les deux, nous voulons les deux, comme revendication d’un art de découvrir mondial et d’un art de vivre local.

Est-ce paradoxal ? Plutôt un retournement de situation. Certains y voient une nécessité de retrouver le réel : local is the new black. Acheter local, manger local, s’habiller local… et connaître monsieur Émile (l’épicier). D’autres pensent que c’est une réaction saine face à un monde cynique qui a oublié que la création de valeur ne pouvait plus se faire au détriment des ressources que notre planète prodigue. Dans le fond, il y a surtout un problème d’échelle et de sens ; passer d’une échelle mondiale à une échelle locale en permanence, c’est usant. Lost in translation : où vit-on et quelle finalité à tout cela ? Cette double question concerne tous les domaines de notre vie. Notre environnement direct (sommes-nous citoyens d’un quartier, d’une ville, d’un pays ?), les communautés dont nous devons faire partie, notre pouvoir d’achat, et les entreprises dans lesquelles nous travaillons.

Un désir d’humanité

Au fait, la proximité… c’est quoi au juste ? Regardons (de près) l’étymologie du mot. Comme toujours, la langue française nous donne l’esprit et la lettre. Proximité vient du latin proximitas, « voisinage », « affinité », « ressemblance », lui-même dérivé de proximus, « le prochain », « la parenté ». La proximité qualifie ce qui vit près de nous, ce qui fait partie de notre quotidien, ce qui dit quelque chose de nous, d’une personne, d’un objet, d’une ville… ce qui entre dans notre sphère intime, dans notre sphère sociale directe, ce qui répond à nos préoccupations réelles. Par extension, c’est ce qui est comme nous ; ce qui nous parle personnellement ; ce qui raconte une histoire, ce qui raconte notre histoire ; ce qui nous rassemble, et nous sensibilise. Par opposition, le défaut de proximité c’est l’éloignement, le détachement, l’indifférence.

Trop simple, la proximité ! Et pourtant… Notre climat social, et le rejet d’une certaine consommation, dit quelque chose de l’incompréhension de ce monde globalisé, de ces systèmes devenus anonymes, puisque dépersonnalisés et parfois désincarnés, qui au mieux provoquent une désaffection et des ronds-points occupés.

La proximité questionne tous ceux qui ont une responsabilité vis-à-vis de la société civile : l’élu qui veut se mettre au service de la communauté (ne riez pas, il y en a !), le commerçant en recherche de rendement, le cabinet d’architecte qui planche sur la future gare du Nord à Paris. Et aussi le patron d’entreprise, ou le startupper en quête de fonds pour scaler l’ultime DNVB. Car l’entreprise est un acteur majeur de la transformation de la société et on (re)découvre combien celle-ci doit être contributive. Maintenant.

L’entreprise est un lieu de rencontre entre deux communautés. L’une faite d’employés, l’autre de clients. Plus elles sont fortes et reliées l’une à l’autre, plus vous serez dans la proximité.


L’entreprise, creuset de la proximité

Les chiffres parlent d’eux-mêmes* : 80 % des clients pourraient voir les marques disparaître dans une totale indifférence ; 60 % des Français attendent que les entreprises jouent un vrai rôle dans la création d’un avenir meilleur ; à peine 60 % des salariés d’une grande entreprise (> 1000 personnes) aiment leur boîte, contre 77 % de ceux qui travaillent dans une petite entreprise (< 20 salariés). Par ce qu’elle définit et ce qu’elle ne définit pas, la stratégie de la proximité alors est toute trouvée. En deux mots : resituer l’échelle et le sens. Et vu le temps passé au travail, on devrait tous s’y atteler. Alors, comment faire ? Un long développement serait nécessaire ici, mais rappelons quelques fondamentaux.

D’abord, il faut redire ici une vérité criante : un bon modèle économique ne suffit plus. Chaque entreprise a un système, un pattern composé de trois leviers : un modèle économique, un modèle social et un modèle opérationnel/technologique. Plus les trois fonctionnent en symbiose, plus l’entreprise se développe. Mieux, elle grandit durablement. Et ça, c’est bien plus intéressant. Ensuite, l’entreprise n’est pas (seulement) un outil de production. C’est un lieu quotidien de rencontre et de relation… entre deux communautés. L’une faite d’employés (que vous cherchez à recruter). L’autre faite de clients (que vous cherchez à fidéliser). Plus ces deux communautés sont fortes et reliées l’une à l’autre, plus vous serez dans la proximité, c’est-à-dire dans le cœur et la tête de ceux à qui vous vous destinez. Enfin, bien sûr, il faut soigner les canaux de la proximité. Vous les connaissez déjà : le bouche à oreille, un programme client innovant, des initiatives sociales internes qui impliquent aussi des communautés clients collaboratives, un service client capable de suivre dans le temps un client personnellement… Évident ? Pas vraiment, mais de nombreux patrons d’entreprise se sont mis à la tâche. Et vous ?

Hello, world! (en commençant par le coin de la rue).

* Sources : Étude Havas / Meaning­ful brands ; Observatoire des ma­r­ques dans la cité ; Baromètre J’aime ma boîte / Opinion Way.
GUILLAUME ANSELIN
est ex-patron d’agences et CMO de Naf Naf, il a fondé Flying Cars, un collectif de stratégie au service des marques qui améliorent la vie des gens. Passionné par l’entrepreneuriat, le design, l’innovation et la culture digitale, il est auteur de plusieurs ouvrages, intervenant et enseignant.
 
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