« La voiture est comme la vie, elle change, donc elle sadapte ». Directeur de la stratégie électro-mobilité chez BMW, Jean-Michel Cavret résume avec philosophie le virage pris par un secteur en crise et contraint de bûcher son adaptation. Son modèle traditionnel de croissance agonise sous perfusion. Comme ses concurrents, le constructeur allemand doit apporter des réponses appropriées aux enjeux historiques posés par les nouvelles mobilités. Alors que les citoyens moteurs du changement sont replacés au centre de la scène révolutionnaire, les acteurs des mobilités changent.
Philippe Payen, directeur de la stratégie et de la recherche chez Veolia Transport, réfléchit par exemple à un « forfait mobilité » annuel, inférieur au coût d'une auto et permettant d'user de tous les modes de déplacement urbain disponibles. Sans oublier les usagers eux-mêmes, acteurs d'un foisonnement d'initiatives qui peuvent se greffer à des plates-formes ouvertes - sur le modèle de l'App Store. La réussite de lexpérience Zenius menée à Nantes par Europcar symbolise lappétit du citoyen acteur, producteur et consommateur pour lapproche communautaire : le loueur confisque chaque année la voiture de quatre citadins en leur offrant en contrepartie l'accès gratuit à l'ensemble de l'offre de transports de la ville, dont le tram et lautopartage.
L'usage prime sur la possession
Dans un environnement sociétal plus exigeant, qui tend à privilégier lusage à la possession, lindustrie automobile sinterroge. Dans cette transition technologique et culturelle, elle dispose de deux certitudes sur son futur : il réside primo dans linteropérabilité entre véhicules et lintermodalité (utilisation de plusieurs modes de transports lors dun même déplacement). Une multitude de solutions pour répondre à une multitude de besoins. Secundo, les voitures de demain seront communicantes et servicielles. La Toyota Fun Vii est l'exemple même de ce que préfigure le véhicule au service de l'homme.
« On ne peut plus raisonner automobile pure, cest la mobilité quil faut réfléchir dans sa globalité. Nous avons besoin pour cela dune multitude dacteurs interconnectés, de systèmes ouverts, communautaires, où le consommateur peut faire un choix sur mesure pour chaque besoin quil exprime. Il faut inventer, proposer, innover et tester sans fin », explique Fabien Derville, directeur général de Mobivia. « Lautomobile peut apporter une réponse à un besoin de mobilité à un moment donné, mais un individu peut avoir plusieurs besoins en fonction des moments. Par exemple, qui aurait cru il y a 10 ans que des vélos en libre-service seraient un jour présents dans de nombreuses agglomérations ? », poursuit le responsable des nouvelles mobilités du groupe français.
Pour avoir été un choix de société, la voiture reste aujourdhui incontournable. Surtout en périphérie urbaine et en campagne. Mais le changement, cest maintenant... « La seule voie possible pour les constructeurs est l'innovation. De nombreux domaines sont concernés: électronique, matériaux, processus de construction et de fabrication », assure Yvonnick Gazeau, rédacteur en chef dauto-innovation.com. « Le potentiel dinnovation de l'automobile est énorme », rappelait George Amar, directeur de l'unité prospective et développement de l'innovation à la RATP, en novembre 2011 à la conférence organisée par Chronos sur la voiture servicielle. « La situation actuelle de l'industrie automobile ressemble à celle du téléphone il y a vingt ans: qui aurait imaginé qu'il deviendrait mobile et porteur de telles innovations, comme liPhone par exemple ? ».
Si la voiture de demain sera connectée, lincontournable innovation passe en premier lieu par lusage. Dans ce que Michelle Debonneuil, membre du Conseil d'Analyse Economique, nomme « une économie du quaternaire », les constructeurs ont déjà pris le pouls de lintermodalité. « De plus en plus de constructeurs se conçoivent comme des opérateurs de mobilité, ce qui est une bonne chose. Peugeot a bien débuté comme une société de sel, poivre et café. La transition est possible... », se réjouit Robin Chase, présidente de Buzzcar. « La voiture devra être différente, utilisée différemment mais aussi comme une réponse parmi dautres », estime Fabien Derville.
L'électro-mobilité
Dans lécosystème de mobilités en plein développement, lusager est acteur de ses propres mobilités. Il arbitre ses choix et pratiques et participe à la ville 2.0 qui se dessine. La mobilité devient un service, tournure sociale vers un modèle qui déprécie la possession. La voiture ne trouvera sa légitimité quen s'intégrant aux autres modes de transport, et en offrant la flexibilité indispensable face aux besoins variés des usagers et des moments du quotidien.
« Les gens se désintéressent de la possession mais pas de laccessibilité à la voiture. Les plus jeunes surtout la voient comme un tracas », analyse Sven Beiker. Le directeur exécutif du Centre de recherche automobile de luniversité de Stanford prend comme référence la « kuruma banare » qui désigne la démotorisation qui touche la population urbaine japonaise. « Pour les jeunes nippons, le statut social réside désormais dans le smartphone ou liPad. Idem chez nous, avec lappart en plus. Cest plus important que la voiture. Dans la société mobile, notre manière de consommer la mobilité est très importante ».
La fourniture de services de mobilité sera-t-il le nerf de la compétitivité de demain ? « En plus du design, et des valeurs des marques, sans aucun doute », répond Jean-Michel Cavret. « En tant que marque Premium, le Groupe BMW propose déjà, aujourdhui et maintenant, une palette de service de mobilité comme par exemple Connected Drive ».
La nécessité de cumuler toutes les possibilités pour offrir des solutions de mobilité sur tous les continents a conduit dès 2007 la marque munichoise à créer BMW i, destinée à abriter les véhicules et les services liés à « cette nouvelle voie quest lélectro-mobilité », précise J.M. Cavret. Deux modèles électriques, la i3 et la i8, sont dailleurs prévus en 2013 et 2014.
« La voiture devra exister autrement pour des questions environnementales, mais aussi économiques. Cest tout lenjeu des voitures électriques et hybrides », affirme Fabien Derville. à limage de lAméricain Telsa (cf encadré), lélectrique symbolise linnovation utile et incontournable dune industrie qui comme BMW, Renault-Nissan et Toyota, est engagée sur le chemin de la mort du moteur à combustion.
Des chercheurs du programme Smart Cities MIT ont par exemple développé Hiriko, un nouveau concept de voiture électrique urbaine efficace, qui na quun moteur et peut se plier sur elle-même une fois garée. Les roues peuvent se tourner à 360° pour faciliter le parking parallèle. Lancée en Europe en 2013 uniquement en autopartage, Hiriko coûtera quelque 15 000 euros.
Les véhicules électriques dits intelligents comme GreenWheels, RoboScooters ou CityCars, répondent eux aussi aux systèmes de mobilité à la demande.