Le parti d’un monde meilleur
Propos recueillis par Rita Mazzoli
Le design sauvera-t-il le monde ? Influencia a posé la question à 15 grands patrons d’agence et créatifs. Unanimement, ils nous disent que le design est espérance, poésie et joie. Qu’il porte le changement et la vision d’un monde meilleur. —
ILLUSTRATIONS
de juliette léveillé

Jérôme Lanoy
Pdg de Logic Design

Ambitieuse question ! Si l’on s’arrête à son expression esthétique, le design ne fera qu’embellir le monde. C’est un joli dessein, mais le design c’est beaucoup plus que cela. Omniprésent dans nos vies, il contribue chaque jour à la rendre meilleure en maximisant nos relations avec les objets du quotidien. À la fois outil social et économique, son rôle ne fait que croître dans un monde où l’objet devient de plus en plus communiquant. Des grandes multinationales comme Coca, IBM ou PepsiCo l’ont bien compris en intégrant les designers (Chief Design Officers) dans leur direction. En défendant ce schéma de croissance et de progrès, le design est un bel outil pour changer notre monde… mais personne ne peut prédire ce qu’en feront les hommes !


Frédéric Messian
président de Lonsdale

À n’en pas douter, la réponse est oui. Le design nous évite deux drames qui menacent nos économies et notre société. Le premier est celui qui touche à l’emploi. En évitant la banalisation des produits et en créant une valeur émotionnelle pour les marques, le design et le branding permettent de recréer des emplois industriels en Europe. Le second fléau auquel nous échappons grâce à ces deux disciplines, c’est l’émergence de la « Big Brother Brand » ; cette seule et grande marque mondiale qui imposerait à tous sa vision du monde. Parce qu’ils participent à la création d’un territoire propre aux petites ou grandes marques locales ou nationales, le branding et le design ouvrent d’autres chemins.


Simon Bouanich
co-président de Pulp Design

À la différence de l’artiste, qui est dans la recherche fondamentale et imagine le monde, le designer le regarde tel qu’il est et c’est en l’observant qu’il essaie de trouver ce qui va le rendre meilleur. Derrière la technologie du cœur artificiel, il y a la main d’un homme qui l’a dessiné, c’est ça le design. Une discipline de joie et d’espérance dont les objectifs fondamentaux sont d’améliorer la vie, d’apporter un peu de magie, du bonheur aussi, petit soit-il. Dans un monde de plus en plus dur, il apporte un peu de poésie. Cela suffira-t-il à sauver le monde ? Je ne sais pas, mais tant qu’il parviendra à apporter de nouvelles solutions au quotidien, tant qu’il restera dans la vie, il y participera.


Kheireddine Sidhoum
directeur de la création Dragon Rouge

Difficile de rester humble devant une telle question. Quand on est passionné par son métier, que l’on sait les révolutions qui peuvent être initiées en créant un produit, on a évidemment envie de répondre par l’affirmative.

Le design a réellement le pouvoir d’influencer les comportements humains. Le design, c’est à la fois un processus et une pensée : étudier et décortiquer les comportements pour optimiser les produits et services, adopter une autre vision du monde, décadrer, pour mieux résoudre des problèmes. Le quotidien du designer est tout entier tourné vers le changement. Mais le designer doit-il porter seul cette responsabilité ? Et si chacun s’emparait du design pour faire changer le monde ?


Louis Comolet
directeur général de CLTG

Il le fait déjà ! Le design est présent partout depuis toujours !

Un monde si beau ne peut avoir été créé sans dessin, sans designer… de l’âme et de l’écorce humaine. Dans les métiers du marketing et de la communication, le design c’est le produit, et le produit c’est toujours du design. Bien plus qu’une histoire, c’est l’être du produit.

Bien plus qu’une question d’esthétique ou d’ergonomie, le design incarne la réalité et la matérialité du produit. Sans design, le produit n’existe plus. Je ne sais pas si le design peut avoir la prétention de changer le monde, mais bien l’accompagner est déjà une bien lourde responsabilité !


Gilles Deléris
cofondateur de W, directeur de la création

Les révolutions industrielles ont changé l’ancien monde. Elles ont rendu possible le développement exponentiel des marchandises. À la fois artistes et ingénieurs, nos pairs ont, avec le Bauhaus, établi les fondements d’une pratique inédite qui s’est partout imposée. Il s’agissait alors de donner une forme adéquate aux conditions de vie, répondre à des besoins élémentaires et accompagner l’idée de progrès. Cette planète a tourné pendant un siècle à plein régime. Avec l’hyperconsommation des biens et des données se posent aujourd’hui des interrogations existentielles au sein de nos sociétés repues.

What are we doing after this orgy? Telle est la question qui est à présent adressée aux designers.


Marc Dölger
co-fondateur d'Outsign

Accommodé à toutes les sauces, vidé de sens, je ne sais plus ce qu’il « désignait » exactement. On parlait de « design » pour qualifier l’aspect d’un objet, d’un espace. Le design d’expérience exprimait une manière de vivre. Le design thinking lui prêtait des vertus quasi mystiques de création. Il s’était imposé comme vision totalitaire, telle une religion promue par des prophètes narcissiques célébrés dans le monde entier.

Le design a heureusement fini par disparaître. Chacun a pu prendre le pouvoir de la création pour devenir l’inventeur de sa propre vision, de sa propre solution. Cette société du paraître a disparu pour laisser place à une société de l’être… et le « design » est devenu le « Dasein »*.

*« Dasein », de l’allemand « être-là », référence au mouvement gestaltiste qui s’est érigé comme nouvelle façon d’être au XXIIe siècle.


Delphine Fauchère
directrice générale de Bonté Divine

J’en rêve et souvent j’en doute.

Quatre heures de réunion pour décider d’une couleur, 30 000 euros pour un seau à champagne, trois ans de travail pour changer le graphisme d’une bouteille d’eau. Bon. C’est sûr qu’on ne sauve pas des vies tous les jours, et qu’à ce compte-là, changer le monde paraît être un objectif un peu ambitieux.

Déjà, c’est rare qu’il tombe le brief écolo, ou même un peu éthique, avec une vague implication sociale. Et quand il tombe, c’est souvent, à y regarder de plus près, une bonne grosse opération de greenwashing.

Au fond, ce job-là, sauver le monde – parce qu’à quoi ça sert de changer le monde si on le sauve pas, hein ? – n’est pas plus celui du designer que de tout citoyen.

Maintenant, faut bien reconnaître qu’il y a vraiment beaucoup de bons citoyens dans la profession. Ça me réjouit et j’en félicite les écoles d’art et de design, avec tous ces profs farfelus et rêveurs qui façonnent, année après année, des designers-citoyens, conscients, bienveillants et assez idéalistes pour saisir – promis juré – toutes les occasions qui leur seront offertes d’améliorer ce satané monde.


Alain Doré
directeur de la création Brandimage

Téléphoner, sentir, voler, conduire, cuisiner, habiter… Tout est design !

Le design est le couturier d’une idée, il l’habille et la rend plus essentielle, plus désirable, plus émotionnelle. Souvent durable, visionnaire quand il a du talent, il devient référent inspirant. Respectueux de l’environnement, il devient intelligent, engagé au service de la planète.

Tous les jours, il modifie nos façons de consommer, de regarder, de toucher. Il dérange nos réflexes établis pour en créer d’autres, il influence nos vies, nos « mondes ». Le design-écriture universelle, trait d’union culturel, améliore les échanges à travers ce monde pour un mieux-vivre.

Il flirte et plus encore avec les technologies nouvelles pour se montrer plus essentiel, et contrairement aux autres, quand il est en forme, il touche le fond, le bon ! Philosophes, inventeurs, scientifiques, artistes, tous changent la vision du monde, et le design intervient en agitateur d’émotions pour le rendre chaque jour plus beau et pertinent. Oui, le DESIGN changera le monde.

« S’il te plaît… Dessine-moi un mouton ! »


Christophe Pradère
CEO de BETC Design

Le design n’a pas pour vocation de changer le monde, mais au contraire de faire en sorte que les changements naturels qui s’y opèrent prennent une dimension avant tout humaine.

Le design ce n’est pas l’invention, mais c’est l’innovation.

L’objet du design n’est pas de changer, mais de valoriser les changements en nichant une part d’humanité dans les plus systémiques des organisations des entreprises mondiales.

Le design c’est rendre prioritaire l’appropriation de la valeur intrinsèque d’un objet, d’un lieu, d’une marque, sa valeur intangible, par chacun de nous.

C’est le monde qui changera le design.


Nicolas Chomette
président de D’Artagnan

Chelou la question… Prétentieuse pour certains : « Mais pour qui se prennent-ils ? » Naïve pour d’autres : « Mais où vivent-ils, le design a déjà changé le monde ! »

Et puis il y a ce mot « design ». Discipline ou philosophie ? de quoi parlons-nous ? de mobilier ? d’architecture ? de marques ? de produits ? d’écrans ? Tous ces « designs », à leur manière, ont changé le monde. En le rendant plus confortable, plus fluide, plus séduisant, plus intuitif, plus connecté. En un mot, plus humain.

À moins que ce ne soit l’inverse ? que ce ne soit le monde – les progrès technologiques, l’évolution des mœurs et de la société, la mondialisation – qui modifie notre rapport aux autres, aux choses… et donc, leur design ?

Le monde changera-t-il le design ? Chelou la question…


Olivier Saguez
président de Saguez & Partners

Dans notre monde où trop de design accompagne souvent les mauvais plats, où sa jolie forme cache un mauvais fond, on nous sert une overdose de design tendance, d’objets futiles et d’emballages signés de designers branchés. Stop !

Revenons au design discret, au slow design ! Le design est moins intelligent que la nature, moins beau, moins essentiel aussi. Alors, que peut-il sauver ? Le design sert à adoucir notre vie en ville, notre vie pratique, nos usages du quotidien. Bref, le design ne sauvera pas le monde, c’est le monde qui se sauvera en évitant de s’emballer dans trop de design. Et, pour conclure, la très juste citation de Dieter Rams : « Good design is as little design as possible. »


Emmanuel Thouan
CEO de DICI

La réponse est simple, le design améliore le monde, c’est sa raison d’être. De manière simple et pragmatique, cet outil améliore les performances d’une entreprise quels que soient sa typologie et son secteur d’activité. La créativité du designer permet aux entreprises de viser des marchés internationaux, de se référencer auprès de nouveaux distributeurs, de se rendre visibles, d’augmenter leurs marges, de rationaliser les coûts de production et, plus généralement, d’améliorer la chaîne d’approvisionnement. Les exemples de différenciation et de prise de leadership grâce au design parmi les PMI/ETI sont de plus en plus nombreux. Le design aide également les entreprises dans leur démarche d’innovation ou de financement. Le design est une discipline transverse structurante permettant de modéliser un système, une offre de service, un modèle économique, et de le partager de manière fédératrice. Loin d’être un simple dessinateur, le designer a une fonction stratégique, car il travaille sur les desseins d’une organisation pour en améliorer l’existant en tenant compte de l’ensemble de son écosystème. Ainsi, qu’il travaille sur la différenciation d’une marque et de ses gammes ou sur la diversification de l’activité d’une entreprise, le designer accompagne ses clients dans un objectif de croissance, et ça fonctionne !


Béatrice Mariotti
Vice-Présidente de Carré Noir

Avec l’Homme est né le design. Le signe, le langage et la beauté formelle, l’objet sublimé (rituel ou fonctionnel), le désir de progrès. Depuis la révolution industrielle, il est aussi devenu synonyme d’excès et d’hyper consommation. Aujourd’hui, confronté à une mutation profonde marquée par la culture de la déflation, son défi est d’accompagner l’Homme dans la redéfinition du monde. Le design doit affirmer sa nature première, utile et symbolique, mais privilégier l’anticipation, la projection, le temps long. Prendre de la hauteur pour regagner en profondeur : une ambition design qui doit être portée par l’ensemble des acteurs (pouvoirs publics, institutions, entreprises, professionnels). Le design est un atout qui appartient à l’Homme. Il n’appartient qu’à l’Homme de sauver le monde.


Louis Collinet
président de CBA

Le design a toujours joué le rôle d’un facilitateur d’innovation. En ce sens, le design ne sauve pas le monde, mais il contribue certainement à en accélérer le mouvement.

Alan Turing a inventé ce qui peut être considéré comme le premier ordinateur. Sa machine, complexe, était inaccessible au plus grand nombre. Quelques décennies plus tard, c’est le vénéré Steve Jobs qui a démocratisé l’ordinateur en le rendant indispensable et désirable.

Environnement, transports, mobiliers urbains, objets connectés, logiciels éducatifs, nouveaux produits… Le design est au cœur de notre vie quotidienne. Au service des clients, notre mission de designer, c’est donc de faire aimer le progrès.


rita mazzoli
Rédactrice

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