« Le design doit redonner de la liberté et non dicter sa loi »
Propos recueillis par Florence Berthier
Pour sortir des évidences actuelles et inventer des logiques de vie contemporaines novatrices, Matali Crasset ose, expérimente, privilégie les rencontres, le participatif et l’accompagnement en douceur. Regard de cette chercheuse en design inspirée. —
Voyage en Uchronie avec Matali Crasset par Jenner Brown pour DesignMilk
























































J’aime ce décalage artistique où l’objet se transforme en aventure humaine

































































































Il faut expérimenter, oser des prototypes, sinon on ne peut pas savoir ni sortir des évidences actuelles
IÑfluencia Le design se caractérise par sa diversité. Comment exercez-vous votre discipline ?

Matali Crasset Je ne suis pas très représentative du design français. Depuis la fin de l’école, j’explore des voies et des secteurs très différents et sans limites entre l’objet, l’architecture à échelle humaine, l’espace, la scénographie et, bien sûr, le numérique, grâce auquel mes domaines d’application sont illimités. Il faut expérimenter, oser des prototypes, sinon on ne peut pas savoir, ni sortir des évidences actuelles.




Une recherche perpétuelle, mais pour quels fondamentaux ?

MC Où que j’aille ou que je sonde des univers inconnus, mon travail est une quête de valeurs très personnelles, comme vivre ensemble, être actif, la transmission, la culture contemporaine, l’accompagnement. Mon unique entrée est : que donner aux gens ? Car une chaise ne sert pas qu’à s’asseoir, elle doit pouvoir se transformer pour poser sa tablette et incarner un passage vers un espace autre que domestique. Je ne suis pas dans la tendance, mais dans une réflexion de fond, et en douceur, car le design doit redonner de la liberté et non dicter sa loi.




Qu’est-ce qui vous inspire ?

MC L’art, avec ses prises de position et ses sensibilités, m’irrigue véritablement. Il m’ouvre des perspectives pour ramener les gens à l’essentiel. Je voyage beaucoup aussi, pour m’imprégner des modes de vie dont je retire une perception du monde très positive. Ma démarche est proche de l’anthropologie. Je regarde ce que les hommes ont en commun pour trouver des solutions nouvelles et les aider à sortir de codes encombrants comme, par exemple, un canapé. Cet objet statutaire, lourd, envahissant, est devenu « obscurantiste ». Installé face à une télévision, il est détourné de sa fonction initiale de convivialité, ce qui a des incidences en termes humain et écologique. Alors j’en ai imaginé un en « morceaux » empilables, ou escamotable en lit ou table basse. À son propriétaire de l’agencer selon ses envies ou besoins !




Notre monde actuel est-il : beau, moche ou hybride ?

MC Il faut réinventer nos intérieurs. Leur inertie ne nous aide pas à changer. Confiné dans un chez-soi impersonnel et subi, comment peut-on avoir confiance en soi et se développer à plus grande échelle, je veux dire à l’extérieur. Il faut arrêter avec les diktats, le vintage ou les codes bourgeois. Ce n’est qu’alors qu’on aura moins peur d’évoluer et qu’on pourra vivre avec son temps, ce qui est essentiel. Il faut essayer, sinon on risque de passer à côté de l’opportunité offerte par un scénario inédit : il suffit parfois de retirer une table basse dans un salon pour retrouver de la mobilité et redevenir actif et autonome.

C’est le but du plateau multitâche, escamotable et ambulant créé pour Ikea, ou du concours « Café Ambulant » de Malongo, qui a récompensé un projet tutorial et dans le service. Il ne s’agit pas de changer pour changer, mais juste d’être en phase avec son époque et les hommes. De privilégier la flexibilité et la modularité pour vivre normalement, comme par exemple savoir gérer l’arrivée d’un bébé sans déménager. C’est quand même fou que les habitations ne soient pas faites pour accueillir la vie, alors que c’est la plus belle chose au monde !


Qui est prêt à adopter un mode de pensée aussi peu conventionnel ?

MC Les gens qui me sollicitent sont curieux ou ont identifié l’anachronisme entre ce qu’on accepte et ce qu’on pourrait vivre, et ils sont prêts à explorer l’éventail des possibilités... qui est infini. Il n’est pas question d’argent, mais d’intention pour fabriquer le ciment de la vie collective. Ces petits gestes qui donnent une autre perception de l’existence et qui effacent le malaise de l’individu grâce à la vie ou au travail ensemble. C’est un jeu de société avec lequel il faut renouer. Et je retrouve ces valeurs chez bien des commanditaires, comme ces villages de la Meuse qui souhaitent dynamiser leur domaine en proposant aux promeneurs des abris sylvestres contemporains. Ou celui de Trébédan, dans les Côtes-d’Armor, qui rénove une école menacée de fermer avec un parti pris artistique, participatif et social. Ce n’est ni simple, ni rapide, ni utopique. Avec du bon sens et de la volonté, on peut déplacer des montagnes ! Ikea aussi est intéressant, où chaque membre ose des projets autour de mots clés comme accessible, démocratique, utile. J’aime ce décalage artistique, où l’objet se transforme en aventure humaine.




Le design fait-il bon ménage avec le numérique ?

MC Pas de nostalgie. Au contraire, il faut faire avec lui, car il libère la parole et enclenche de nouvelles clés de lecture. Il ramène l’informalité, la fluidité, l’autonomie, la responsabilisation qui faisaient défaut aux gens. Outre ces valeurs, il facilite la maîtrise des innovations (plans, matériaux, outils...) ou des données (contextes sociogéographiques, articulations d’équipes, protocoles...) pour bien exercer notre discipline dans sa diversité. Il est essentiel pour créer cette logique globale, véritable colonne vertébrale sur laquelle tous les acteurs d’un projet vont se greffer et se fédérer. Et ainsi ne pas abdiquer face aux grands groupes.

En outre, le numérique ouvre de nouvelles voies d’enseignement en dehors des « bonnes écoles ». Il décloisonne les frontières et la transmission du savoir en nous poussant à y participer et en permettant à des personnes d’accéder officiellement, mais individuellement, à une formation de qualité.


Quelle place occupera le design dans la décennie à venir ?

MC Le design sera foisonnant. Avec à court terme la gestion du glissement entre l’espace domestique et l’espace de travail. Tout va s’articuler autour de la flexibilité et de la notion d’échelle pour préserver la relation humaine. L’autre enjeu est l’environnement, à appréhender dans un contexte à la fois général et quotidien pour générer une autosensibilisation et que les pratiques respectueuses, mais encore individuelles, deviennent peu à peu collectives. Pour cela, nous devons être moins passifs et faire partager notre culture en créant des lieux d’échanges où seraient expliqués les projets dans leur globalité... afin de ne plus susciter critique ou rejet.
florence berthier
Rédactrice


































































































Ma démarche est proche de l’anthropologie. Je regarde ce que les hommes ont en commun
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