11 février 2016

Temps de lecture : 5 min

Votre mission, si vous l’acceptez

Au moment où les modes d’achat sont devenus totalement transversaux, la segmentation shopper ouvre un champ d’analyse, encore en construction, tout à fait essentiel pour comprendre et traquer les comportements au sein de parcours multicanaux.

Au moment où les modes d’achat sont devenus totalement transversaux, la segmentation shopper ouvre un champ d’analyse, encore en construction, tout à fait essentiel pour comprendre et traquer les comportements au sein de parcours multicanaux.

Aucune marque ou enseigne ne peut aujourd’hui se permettre de négliger ce point de contact qu’est le shopper. Si nous sommes tous consommateurs et shoppers à différents moments de notre vie, la segmentation sociodémographique qui permet de cerner le consommateur se révèle difficile à manœuvrer dès lors qu’on l’envisage dans un processus d’achat. « Mesurer du comportemental revient à se rapprocher d’indicateurs business autour de la valeur générée par le client. Une marque peut avoir une segmentation très large et des sous-segments plus tactiques pour actionner une stratégie go to market », fait valoir Nicolas Glady, professeur à l’Essec. Même constat du côté d’Éric Montazel, Managing Director Retail & Shopper chez TNS Sofres : « Toutes les enseignes finissent par avoir à peu près le même type de shoppers. Et, surtout, une même catégorie sociodémo va avoir des comportements différents selon les circonstances. »

Offrir le shopping sans effort

La disposition d’esprit du shopper et le but de la visite en magasin (la shopping mission) illustrent davantage le chiffre d’affaires du point de vente, quel que soit le type de commerce. Au début de son parcours, le shopper est plus ou moins décidé sur ce qu’il veut acheter. Si les galeries commerciales sont propices au butinage, à la découverte de produits et à l’achat impulsif, faire ses courses alimentaires reste souvent une corvée. Parcours et attentes divergent aussi selon le but, un produit ménager ou bien un cadeau… Les enseignes doivent permettre à celui qui sait ce qu’il cherche de le trouver, et proposer un rayon clair et inspirant à celui qui cherche… une idée.

« Les mythes ont la vie dure, mais casser les rayons et les codes est souvent un échec total. Le client qui trouve son produit en dix secondes est plus disponible pour un autre achat. Si le rayon est hermétique, il est découragé et tenté de renoncer », précise Éric Montazel. De fait, un quart de la liste des courses ne finit pas dans le panier ! « Beaucoup d’enseignes ont des progrès à faire avec les courses de dépannage, sur le modèle de ce qui a été fait avec les espaces déportés pour le snacking », note-t-il.

L’accessibilité est d’autant plus cruciale pour les enseignes physiques que le e-commerce a beaucoup fluidifié ses propres parcours. Selon le baromètre AFRC (Association française de la relation client) de l’effort client, 74 % des achats sur les sites marchands ne requièrent en 2015 aucun effort particulier pour l’internaute. Les marques qui maîtrisent leur réseau de distribution physique peuvent agir plus facilement sur ce critère. Tout en développant ses canaux digitaux et mobiles, Nespresso a abandonné la vente 100 % assistée en boutique et propose des solutions de libre-service à ses clients les plus pressés. Ikea signale désormais les raccourcis dans le parcours client, autrefois réservés aux seuls connaisseurs de ses magasins.

Faire parler les parcours online

« Si on attend d’agir sur le shopper en magasin, c’est trop tard, car il a déjà fait des recherches sur Internet », rappelle toutefois Samir Amellal, directeur du pôle data intelligence de Publicis ETO. L’archétype qui veut que 70 % de l’achat se fassent au point de vente est aujourd’hui largement obsolète ! Pour adresser une catégorie de shoppers indépendamment du canal fréquenté, Publicis ETO a construit des modèles intégrant des données issues de la navigation Internet, des enseignes de distribution et de l’open data. « Cette segmentation polymorphe se construit selon plusieurs axes : des caractéristiques relativement figées comme la CSP, le pouvoir d’achat ou les zones de chalandise fréquentées, des éléments contextuels comme la météo, qui influence la propension à se rendre en magasin, mais aussi des éléments relationnels. Dans un foyer, il y a souvent une personne chargée des courses d’appoint », détaille-t-il.

La segmentation shopper permet aussi d’adapter les prises de parole, notamment pour les produits à faible fréquence d’achat. Dans l’automobile, les renouvellements se font en moyenne tous les quatre à sept ans. « Il faut pouvoir passer d’une communication transactionnelle à une communication relationnelle autour des centres d’intérêt, fait valoir Samir Amellal. Au bout du cycle, la marque peut reparler au client de ses nouvelles gammes. »

S’inspirer en co-construisant

Toutes les marques et les enseignes ne sont pas au même niveau de maturité dans leur approche du shopper marketing. Beaucoup ont d’ailleurs refusé de nous répondre ! « Le champ d’analyse est en construction, reconnaît Véronique Noël, directrice Shopper & Customer Marketing de Beiersdorf France et Belgique. Ces réflexions créent des relations extrêmement riches avec la distribution. Même si les leviers que les marques et les enseignes souhaitent activer ne sont pas toujours les mêmes, nous sommes énormément dans la co-construction. » À chaque type de produit, ses besoins. Pour un soin du visage, Nivea s’attache par exemple à clarifier l’offre, le conseil galénique ou le packaging. Elle mise plutôt sur la reconnaissance du pack, le code coloriel, le bon emplacement et la non-rupture en rayon pour un déodorant, dont l’achat est plus routinier.

Si la transversalité de sa gamme amène Nivea à proposer au shopper une vision globale de l’hygiène-beauté, la marque se projette au-delà de son périmètre naturel, comme l’explique Véronique Noël : « Nos clients arbitrent entre différentes zones qui proposent des produits d’hygiène-beauté, les espaces parapharmacie de la grande distribution, les pharmacies… Nous devons sans cesse nous interroger sur la manière dont nos shoppers sont nourris et impactés par la dynamique des autres circuits. Cet œil extérieur et averti peut aussi aider la distribution à trouver des clés pour travailler le shopper qui n’est pas dans son circuit. »

Les services gagnent aussi à s’emparer de cette approche. C’est en sondant les comportements de ses clients, des abandonnistes et des non-clients, que Havas Voyages s’est interrogée sur ce que l’on attend aujourd’hui d’une agence de voyages. « Il y avait un enjeu fort à réinventer l’expérience client dans un prisme omnicanal, d’autant que nous vendons un produit virtuel avec un panier élevé et une date de réalisation souvent lointaine, souligne Emmanuelle Bach Donnard, directrice marketing et communication. Nos parcours doivent inciter le shopper à se projeter dans son voyage grâce à des éléments d’inspiration et une promesse d’accompagnement des travel planners, qui ont été formés à un référentiel client plus premium. » Une agence pilote à Paris a inauguré, avant l’été, cette stratégie, qui sera déployée jusqu’en 2019. Résultats : une hausse de 30 % du panier moyen par rapport à 2014 et aux autres agences parisiennes. Début 2016, des solutions de co-construction amèneront plus de fluidité dans les outils. Puis la nouvelle solution de CRM permettra d’identifier le client, et donc toutes les étapes de son parcours. « Nous n’en sommes pas encore à l’étape de la segmentation shopper au sens strict, mais les éléments mis en place vont permettre de commencer à y réfléchir », indique Emmanuelle Bach Donnard.

Pour comprendre ce qui influence l’acte d’achat dans les parcours on et offline, Beiersdorf a pour sa part lancé une série d’études quali pour affiner sa stratégie d’ici à mi-2016. « Il y a dans le search une sorte de repérage inconscient d’un achat futur, qui peut être un levier d’activation en amont de l’achat. Nous sommes encore au début de la réflexion, mais il est important d’intégrer tous les leviers qui, in fine, influenceront vraiment l’acte d’achat », affirme Véronique Noël.

Le département systèmes d’information et d’aide à la décision de HEC a étudié l’impact sur le comportement d’achat des traits de personnalité du consommateur : altruisme, éthique, anxiété, conformité, dominance, besoin de sensations fortes… Autant d’éléments qui permettront progressivement d’y voir plus clair dans la complexité des choix de consommation !

Illustrations : Elvire Caillon

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