27 octobre 2010

Temps de lecture : 4 min

«La publicité plait moins. Est ce sa seule faute?»

Et si la porte de sortie était dans la qualité de l’innovation du produit à défendre? Michel Hébert réagit au baromètre Publicité et Société Australie-TNS Sofres. Par Michel Hébert, Vice-Président de TBWA France...

Et si la porte de sortie était dans la qualité de l’innovation du produit à défendre? Michel Hébert réagit au baromètre Publicité et Société Australie-TNS Sofres. Je trouve le baromètre du président d’Australie, Vincent Leclabart, “Publicité et société”, réalisé avec TNS Sofres, toujours intéressant. Les conclusions qu’il en tire sont des constats, acceptons-les… Par Michel Hébert, Vice-Président de TBWA France
Je voudrais toutefois compléter les commentaires lus ici et là.  En 1994, j avais écrit un livre dont le titre était “La publicité est-elle toujours l’arme absolue?”. Mon constat à l’époque, était que la société et les citoyens commençaient à percevoir que les émetteurs de messages, depuis les hommes politiques jusqu’ aux marques, y compris  notre profession de communicants, prenaient des libertés avec la vérité. C’est ce que Pascal Lainé appelait : “la société des apparences”. De ce fait, tous les acteurs du business et tous ceux qui émettaient des messages, avaient  une responsabilité sur ce sentiment de méfiance. Ralph Nadder avait pointé du doigt le premier ce phénomène.
Depuis les années 90, le citoyen a commencé à comprendre et apprendre, les mécanismes des messages destinées à son intention, à savoir que les promesses de tous ordres, sont  enrobées d’un peu trop de symbolique, de rêve, de mots “vains”(selon certains ), comme pour expliquer, en l’absence d’idées tangibles, pourquoi le produit en question est intéressant à acheter… La publicité était regardée comme un spectacle, parce que créative, mais finalement, le citoyen avait parfois du mal à croire ce qu’on lui racontait, puis constatait que le produit ne remplissait pas ses promesses, d’où la construction de la méfiance .
 Les conclusions justes du baromètre publié ces jours-ci, évoquant la publiphobie des citoyens ne m’étonnent pas, elles sont la suite d’un mouvement de société, né  il y a 20 ans qui s’est amplifié aujourd’hui avec l’accélération des crises diverses que nous traversons et particulièrement la dernière . La société de la méfiance arrive à pleine maturité en 2010. “Soyons définitivement sceptiques” pouvait-on lire en juin 2010 sur la couverture de la Harvard Business Review, qui expliquait que pour retrouver de la confiance envers les marques, les citoyens devaient manifester un scepticisme impitoyable, pour imposer au monde politique et à celui des affaires une transparence, une “sincérité vraie” et pas un “sincère washing”. Conséquence : les scores du baromètre de l’agence Australie,  sur l’item “prêter attention à la publicité” diminuent d’année en année. Qui est coupable? Les annonceurs? Les agences ?… Les uns ou les autres seraient devenus moins compétents?… Et est ce la faute de la seule publicité? Où est le bug? Dans l’innovation en elle-même,  et donc pas forcément et “uniquement” dans l’acte publicitaire. On entend souvent aujourd’hui, la phrase suivante: “les marques fortes sont celles qui font et  pas seulement celles qui disent”. Dit  autrement, le consommateur citoyen est prêt à entendre des promesses… mais avec des preuves, le tout avec un intérêt et de la fantaisie, dans la narration de communication. Cependant, on est en droit de se demander si  toutes les innovations  permettent  des discours forts. Lorsque des marques aussi différentes qu’Apple, Afflelou, ou Darty, communiquent, elles le font avec des innovations vraies, qui permettent un langage simple et sincère, dont on comprend  l’intérêt par ce qu’apporte vraiment le produit. Et lorsqu’on essaye ce dernier, “ça marche”. C’est souvent dans ces moments, que les marques, la communication et les citoyens se réconcilient, à travers de grandes campagnes qui donnent de vraies empreintes aux marques. Ce point concerne tous ceux qui doivent construire  la marque : les chargés d’innovations, les marketeurs, les communiquants. Nous sommes tous concernés. Il est intéressant de se pencher sur la campagne presse, pour le I Phone de Apple (dont le produit a le succès que l’on connaît),  qui est volontairement et stratégiquement simple. Cette campagne repose sur une innovation (créative), qui a des choses à dire, intéressantes et utiles. A tel point que la communication publicitaire prend le parti intelligent,  d’être délicatement descriptive des “plus” qu’offre le produit. Elle n’est pas pour autant ennuyeuse! Bien au contraire.
Le baromètre “publicité et société” évoque ensuite une communication trop axée sur le prix qui lasse le citoyen. On peut comprendre. Mais il ne faut pas systématiser. Lorsque Ryanair communique sur des prix, je ne pense pas qu’il nous lasse. Il vend son business model et sa vision du voyage aérien. Sa démarche est utile. Il fait  tout par expérimentation successive, pour faire baisser les prix de ses vols, et le fait savoir. Lorsque Afflelou lance Next Year, qui permet de payer ses lunettes à crédit, c’est un vrai service. Pour Darty, je doute qu’on se plaigne de son contrat de confiance. La vérité sur ce sujet consiste  à bien distinguer les messages publicitaires “qui rabotent les prix pour un produit banal” (dont on ne peut que se lasser), et ceux qui parlent de prix intelligemment, pour offrir un vrai service au consommateur/citoyen, et dont on ne se lasse pas. La porte de sortie est certainement, en partie, dans la qualité de l’innovation du produit à défendre. Tel est l’un des grands défis des ces années: faire de bons produits en priorité, penser aussi pour communiquer (communicants et communicables) et pour imaginer de grandes campagnes. Et c’est bien là que se situe la nouvelle responsabilité des communicants : “amplifier la qualité communicante de l’innovation produit” au moment de sa conception. En outre, penser “innovations communicantes et communicables” fait qu’annonceurs et agences peuvent aussi travailler ensemble sur ce sujet pour une empreinte forte de la marque. C’est bien l’intérêt des deux parties. Imaginer des innovations capables de supporter un discours de communication, positivement sincère. Si on ne peut être sincère, alors on va devoir mentir et le citoyen s’en apercevra. Ne plus penser que la publicité peut tout sauver avec un produit moyen, est une évidence connue par tous. Cette dernière phrase est vielle comme le monde, mais il semble bien utile aujourd’hui de s’en souvenir, pour faire en  sorte que les marques laissent des traces fortes dans les esprits des citoyens, grâce à leurs belles campagnes, assises sur une idée tangible, vérifiable, simplement explicable… et tout le monde sera content. Il ne reste qu’à travailler ensemble sur ces sujets plutôt que de se battre sur les responsabilités de l’un ou de l autre.

Michel Hébert Vice-Président de  TBWA France

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