14 octobre 2009

Temps de lecture : 2 min

Le jeu ou la revanche du réel

Si le village global a une place, une boulangerie et peut-être même une église, il y a de plus en plus de bacs à sable. Dans notre nouveau monde digital, le jeu est en effet partout...

Si le village global a une place, une boulangerie et peut-être même une église, il y a de plus en plus de bacs à sable. Dans notre nouveau monde digital, le jeu est en effet partout : d’eBay et sa mécanique d’enchères à l’App Store de l’iPhone jusqu’à la prochaine ouverture à la concurrence des jeux en ligne… Il s’est inséré dans tous les domaines du quotidien, et l’avènement de la prophétie de McLuhan annonce l’entrée dans une nouvelle forme de société.

Comme le rire, le jeu est le propre de l’homme. L’homme est non seulement le seul mammifère à continuer à jouer à l’âge adulte, mais notre espèce et notre civilisation se sont construites avec le jeu. Ce phénomène est parfaitement décrit par Johan Huizinga dans Homo Ludens (1938). Dans cet essai, Huizinga envisage l’étude du jeu comme une analyse anthropologique, et décrit en quoi – au-delà de la dimension de connaissance (homo-sapiens) – le jeu est constitutif de notre espèce dès les origines. Mais l’apport civilisationnel du ludique a évolué.

Jusqu’au début du XXème siècle, la société occidentale, moderne et industrielle construite autour de la valeur-travail ne considérait le jeu que comme un passe-temps, un non-moment en ce que la séparation était étanche entre les moments de travail (le monde réel) et les moments de loisir (l’irréel). Un changement de paradigme a commencé à s’opérer à la fin des années 60. C’est ce que le sociologue Joffre Dumazedier a analysé dans Vers unecivilisation du loisir ? en faisant le constat que les moments de loisirs allaient connaître une expansion sans précédent avec l’augmentation des conditions de vie, la réduction du temps de travail et le développement de l’économie des centres d’intérêts. Le monde s’est alors puissamment approprié ces moments au point de les instrumentaliser et de créer une industrie du divertissement destinée à occuper ces moments, encore considérés comme hors-réel.
Mais le processus d’hybridation jeu / réalité a connu une nouvelle étape avec l’arrivée du digital, qui a introduit trois rapprochements : les moments de jeux ne sont plus en dehors de la sphère du travail ou de la vie sociale mais les ont au contraire pleinement investis, les lieux de divertissement se sont hybridés avec nos lieux de travail (l’iPhone est une station de travail, de communication, mais également un objet essentiellement ludique), mais par-dessus tout le jeu est parfois devenu « plus réel que le réel ».

La tendance graphique dite du « Tilt Shift » est à cet égard extrêmement intéressante à étudier : il s’agit d’une représentation graphique de la réalité mais la travestissant et la mettant en scène comme une scène de jeu… La focale, le rythme et la perspective faisant en sorte que la réalité apparaisse irréelle. Un film du défilé du 14 juillet ressemblera donc à s’y méprendre à un jeu pour enfant *, et la vie dans un Parc d’attractions aussi incroyable que dans un rêve… Oui mais tout cela, ce sont des images réelles et c’est l’irréel et le jeu qui se mettent maintenant à singer la réalité.
L’avènement du digital a rapproché réel et irréel, en rendant tout possible (notamment via le développement de la réalité… « augmentée »). Mais loin d’être une rêverie, le jeu gagne du terrain … aux dépens de l’irréel. C’est la revanche du réel.

   Thomas Jamet est directeur général adjoint de Reload, structure de planning stratégique, d’études et d’expertise de Vivaki (Publicis).
thomas.jamet@reload-vivaki.com

A Model Day At Disney Parks

Défilé du 14 juillet façon Tilt Shift

 

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