21 octobre 2009

Temps de lecture : 3 min

L’attrait du sauvage

Vous souvenez-vous de votre livre préféré lorsque vous aviez 5 ans ? Moi oui, il s'agit de « Max et les Maximonstres ». A la simple évocation de ce titre des torrents de souvenirs devraient se déferler dans bon nombre de cerveaux et ce d'autant plus que cette œuvre fait l'objet d'une adaptation prochaine au cinéma. Un phénomène qui doit nous questionner sur la force des émotions générationnelles, et sur leur origine. Par THOMAS JAMET,

Vous souvenez-vous de votre livre préféré lorsque vous aviez 5 ans ? Moi oui, il s’agit de « Max et les Maximonstres ». A la simple évocation de ce titre des torrents de souvenirs devraient se déferler dans bon nombre de cerveaux et ce d’autant plus que cette œuvre fait l’objet d’une adaptation prochaine au cinéma. Un phénomène qui doit nous questionner sur la force des émotions générationnelles, et sur leur origine.

« Max et les Maximonstres » est un livre pour enfants écrit par Maurice Sendak, paru aux Etats-Unis en 1963 et publié en France en 1973. Ce conte raconte l’histoire d’un petit garçon nommé Max, puni par sa mère pour n’avoir pas été sage car il commettait des méfaits dans la maison, déguisé en loup. Il est envoyé dans sa chambre sans dîner, mais seul dans son lit, il se met à rêver, et un monde mystérieux et effrayant lui apparaît. Il décide de s’y aventurer, et part en voyage dans ce pays où vivent des monstres terribles.
Ces êtres sont abominables mais Max sait se faire apprivoiser et vit avec eux une série d’aventures extraordinaires avant de retrouver son lit et son dîner « encore chaud ». Le film (réalisé par le très doué Spike Jonze) sort en décembre et devrait faire l’effet d’une bombe à émotions, tout d’abord parce que ce livre a marqué une génération d’enfants et inspiré beaucoup de monde (des Simpson jusqu’à l’imagerie de bon nombre de groupes de rock), mais aussi parce que si les monstres ont envahi notre quotidien, ils sont entrés par notre enfance, et représentent une rupture avec l’âge adulte.

« Max et les Maximonstres » exprime l’idée même d’une transgression profonde. Max est certes puni car il a désobéi à sa mère mais il a surtout transgressé la loi humaine. L’enfant déguisé en loup a en effet opéré la plus profonde et la plus violente rupture avec le système de valeurs établi par les adultes : il a pénétré dans le pays du sauvage (« Max et les Maximonstres » s’appelle « Where The Wild Things Are » en anglais). Pour Kant, « il n’est d’humanité que dans la rupture avec la nature ». En pénétrant dans le monde de la nature, en devenant monarque du pays des monstres, et en en édictant ses lois, dont le premier commandement est de faire « une fête épouvantable », Max se révèle comme un héros transgressif, un héros sauvage.

Pour Georges Bataille « le passage de l’animal à l’homme se situe dans le reniement que fait l’homme à l’animalité ». Le passage à l’âge adulte représente très certainement également le reniement de cette part d’animalité, le refus de l’attrait du sauvage, et il est très marquant de voir que dans le conte de Sendak  le petit garçon s’aventure dans le monde du sauvage au moment où il quitte l’enfance pour arriver dans l’âge adulte. La rêverie transgressive que représente « Max et les Maximonstres » nous rappelle donc que l’enfance n’est pas de l’ordre de l’humain. Elle est de l’ordre du sacré, un moment où l’on est capable de tous les allers et retours : dans l’animal et l’humain, dans le rêve et la réalité. Pour Bataille toujours, afin de retrouver son caractère sacré, l’homme doit replonger dans l’animalité. Il peut alors se parer du prestige, de la liberté et de l’innocence de la bête.

Les grandes rêveries collectives comme « Max et les Maximonstres » font revivre le monde du sauvage, mais elles vont au-delà. Il est ainsi assez vertigineux de se rendre compte que la génération qui a grandi avec ce conte a été la première à apprivoiser, à expérimenter le monde du digital et la jungle de l’Internet, souvent crainte et jugée comme dangereuse par le monde « des grands ». Un monde où comme pour Max, le premier commandement est souvent de faire « une fête épouvantable », de se déguiser, de se fondre dans une nouvelle Nature, de retrouver les réflexes animaux de regroupement tribaux… En un mot, d’être libre. Réflexe conditionné de notre condition de mammifère, ou sens de l’histoire ?

  Thomas Jamet est directeur général adjoint de Reload, structure de planning stratégique, d’études et d’expertise de Vivaki (Publicis).
thomas.jamet@reload-vivaki.com

 

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