18 janvier 2018

Temps de lecture : 3 min

Peut-on vivre sans concept ? 1/2

Dans la mouvance sémantique de la dichotomie théorie/pratique, le terme « concept » valorise socialement ce qu’il nomme, par différenciation avec ce qui lui est opposé ou ce qu’il ignore.

Dans la mouvance sémantique de la dichotomie théorie/pratique, le terme « concept » valorise socialement ce qu’il nomme, par différenciation avec ce qui lui est opposé ou ce qu’il ignore.

Ainsi, dans le langage académique, il est souvent opposé au terme notion. L’un et l’autre désignent certes une idée générale ou abstraite, mais le concept est considéré comme lié à un discours théorique, alors que la notion est, elle, considérée comme induite ou déduite d’une expérience, d’un vécu, d’un rapport d’activité empirique. Dans le langage professionnel, notamment dans celui du design, on constate un phénomène analogue : est appelé concept, la formation d’une idée nouvelle d’activité, et plus précisément son abstraction par rapport à sa mise en œuvre.

Quand il est opposé à un autre terme ou quand il isole ce qu’il nomme, le mot concept joue davantage une fonction de qualification qu’une fonction de désignation. A rebours de cet usage dominant, le propos de ce texte est de souligner au contraire que les sujets humains, dans leur expérience ordinaire et dans leurs échanges quotidiens, ne cessent d’utiliser (Hofstadter, Sander, 2013) une grande variété de concepts, dont le statut et la fonction varient en situation, et qui sont en constante itération dynamique entre eux.

Le terme concept

Nous pouvons définir un concept comme un énoncé ou un signe conventionnellement associé à des constructions mentales liant un ensemble d’objets de pensée (Barbier, 2017).Il est associé à des constructions mentales : les concepts permettent de lier des univers de signes et des univers mentaux. Ils sont un point de jonction entre espaces mentaux et espaces de communication. Pour reprendre l’expression de Vygotsky (1995), pensée et langage s’investissent mutuellement.

Au sens classique, étymologique (cum-capio : saisir ensemble), le concept est une représentation de ce qui est commun à plusieurs objets de pensée. Il est une stabilisation provisoire, conventionnelle, d’un lien entre un ensemble de signes et une construction mentale, qui elle-même met en relation d’autres constructions mentales. Dans cette logique, la « conceptualisation » est une activité mentale/communicationnelle liant un ensemble d’objets de pensée. Contrairement à une idée dominante, elle n’est pas forcément consciente.

Représentations finalisantes et représentations finalisées

Parler de constructions mentales en général ne dit rien ni de leur statut ni de leur fonction. Or nous pouvons constater dans l’activité mentale des sujets, la présence d’au moins deux types de représentations (Barbier, 1991) :

– Des représentations relatives à des désirables, des souhaitables, qui ne sont donc pas relatives à des existants, mais qui permettent l’attribution a priori ou a posteriori d’une qualité, d’une valeur à des existants. Nous pouvons les appeler représentations finalisantes. Les objectifs, les projets, les évaluations que les sujets construisent autour de leurs activités sont des représentations finalisantes. Elles constituent ce qui, aux yeux des sujets, vaut ou vaudrait la peine d’être fait dans une situation donnée. Elles se transforment au fur et à mesure de l’activité. Elles donnent « sens » à l’activité. On peut les considérer comme un mode de présence des affects dans le champ des représentations.

– Des représentations au contraire relatives à des existants, mais portant la marque de l’engagement des sujets dans leurs activités. Elles sont des représentations d’objets, de situations, d’événements, de sujets, mais cette fois dotées de « qualités » pour les sujets en activité au regard de cette activité. Nous pouvons les appeler représentations finalisées : ce sont des représentations que se font des sujets de leur environnement, ou de leur propre activité ou de l’activité d’autrui, orientées par les processus de transformation dans lesquels, ils sont déjà engagés. Elles se transforment également au fur et à mesure de l’exercice de l’activité. On peut les considérer comme le mode de présence des entités du monde physique, social, mental dans le champ des représentations des sujets en activité. Elles ne sont pas purement cognitives; elles sont produites au terme d’un processus dans lequel entrent aussi en jeu des représentations finalisantes, relevant donc d’un registre des affects ou de l’axiologie.

Cet article a d’abord été publié sur le site The Conversation

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