14 avril 2015

Temps de lecture : 5 min

Demain on ne paiera plus en dollars, mais en « branded currencies »

Tout le monde connaît les bitcoins, cette monnaie virtuelle qui enflamme la toile. Mais le futur nous réserve bien d’autres surprises dans ce domaine. Si aujourd’hui, les crypto-currencies commencent à fleurir, demain verra naître les branded currencies ou monnaies de marque dans la langue de Molière.

Tout le monde connaît les bitcoins, cette monnaie virtuelle qui enflamme la toile. Mais le futur nous réserve bien d’autres surprises dans ce domaine. Si aujourd’hui, les crypto-currencies commencent à fleurir, demain verra naître les branded currencies ou monnaies de marque dans la langue de Molière.

De nombreuses marques ont d’ores et déjà lancé leur monnaie virtuelle à l’image des bitcoins déjà bien connus, ou plus récemment ether, cette monnaie virtuelle révolutionnaire qui devrait arriver cette année.Mais aussi Amazon et ses Amazon coins, Facebook et ses Facebook credits ou encore les Pepsi Pesos et même les Beyonce Bucks (pour les plus imaginatifs…), autant de monnaies de marque (car oui Beyonce c’est une marque) qui monétisent votre relation et votre fidélité avec vos marques préférées. Ainsi ces dernières créent du brand engagement via leurs monnaies virtuelles.

Si un monde où les Coca-Cola bills concurrencent les Nestlé credits semble encore imaginaire, on n’en est peut-être pas si loin, en tout cas dans le monde des Millenials, ces jeunes plus si jeunes, nés dans les années 80, comme le confirme  le Trust Barometer 2014 d’Edelman. En effet, selon cette étude, 45% des 25-34 ans aux Etats-Unis se disent prêts à utiliser une « branded currency » dans leur vie de tous les jours.

D’autres formes de monnaies de marque existent, et vous les utilisez peut-être déjà sans le savoir…

Au-delà des coins et des credits, il existe des formes de monnaies de marque bien plus anciennes et bien mieux ancrées dans le quotidien des consommateurs. Ainsi faut-il le rappeler, il y a aujourd’hui plus de miles de compagnie aérienne non utilisés que de billets de dollars en circulation. Les programmes de fidélité en général sont parfois de véritables micro-économies. Starbucks, par exemple, vend autant d’espressos avec ses points de fidélités qu’avec de la vraie monnaie.

Le stock mondial de points de fidélité serait d’ailleurs estimé à 165 milliards de dollars, soit le PIB du Vietnam. En réalité ces business models reposent en grande partie sur la mise en sommeil des points de fidélités. Les coupons qui dorment dans nos tiroirs et les miles qui expirent sont indispensables à la rentabilité de ces programmes. Certaines entreprises pourraient faire faillite s’ils étaient tous utilisés, et de plus en plus de commentateurs économiques parlent d’une bulle spéculative en formation…

Dans le futur, la monnaie ne sera pas seulement brandée, elle sera participative

Fidéliser par les points c’est bien, fidéliser en faisant participer c’est mieux. Ainsi Nike pousse le concept jusqu’à vous faire fabriquer votre propre moyen de paiement en faisant de votre sueur une monnaie de marque… Cela s’appelle « Nike bid your sweat » : des capteurs dans les baskets  calculent la quantité de sueur produite lorsque vous faites du sport. Cette sueur est ensuite convertie en crédits Nike Fuel qui servent à acheter sur le Nike store. Qui a dit que l’argent n’avait pas d’odeur ?

Mais une monnaie de marque, ce n’est pas que du marketing, ça peut aussi être une réponse concrète à certains problèmes politico-économiques que les grandes monnaies nationales comme le dollar américain ou transnationales comme l’euro ne peuvent résoudre du fait de leur taille mastodonte et de leur manque de flexibilité.

Répondre à des enjeux micro-économiques spécifiques, c’est plus simple avec une micro-monnaie spécialement conçue pour un marché donné

Dans certains pays d’Afrique, notamment en Egypte, Vodafone a lancé Fakka, un système qui permet aux commerçants de rendre la monnaie en crédits téléphoniques. En effet, dans ces pays en crise, des problèmes de pénurie de monnaie sont fréquents et obligeaient les commerçants à troquer ou à rendre la monnaie aux clients en fruits ou en légumes. C’est donc un vrai progrès pour ces populations et c’est aussi un formidable portefeuille de prospects pour Vodafone.

De même un système de paiement par tweet baptisé S-money va permettre aux twittos français de se libérer des contraintes des banques pour payer, transférer de l’argent ou donner aux associations le tout gratuitement et publiquement. Car après tout, dans le futur, l’argent ne sera sans doute plus un tabou. Car après tout dans le futur on aura aussi plus facilement un smartphone qu’un porte-monnaie…

C’est ainsi que la Suède est devenue le premier pays ayant officiellement annoncé la fin des billets de banque. Pas encore de date mais 80% des locaux y sont favorables. Il faut dire que le paiement en espèce ne représente plus que 5% des recettes du commerce de détail dans le pays. Partout, la petite pancarte « Vi hanterar ej kotanter » (« nous n’acceptons pas les espèces ») fait partie du paysage : vin chaud au marché de Noël ou bières dans les bars, même les petits montants sont réglés de manière électronique. Identité du client, lieu, montant et nature de la transaction : un bouquet de nouvelles données s’offrent ainsi aux marques et aux banques !

Après l’or et le dollar, la marque comme nouvel étalon des échanges monétaires

Alors que le monde est en panne de confiance, en particulier les grandes institutions politico-économiques comme les bourses ou les banques centrales, les grandes marques font grandir leur capital confiance.

Et quand la réputation d’une marque fait office de mètre étalon, c’est parfois le drugstore du coin qui en fait le mieux l’expérience… A New York, les dealers de crack acceptent plus facilement d’être payés en lessive qu’en cash mais seulement si c’est un baril de la marque Tide . En effet la marque emblème de Procter & Gamble -équivalent local d’Ariel- est synonyme de qualité, d’efficacité et donc de confiance. En tout cas bien plus que de billets verts dont on peut craindre qu’ils soient faux. A tel point qu’il n’est pas rare de trouver des barils de Tide munis d’antivols sur les étals new-yorkais…

Si l’anecdote est plutôt décalée, elle attire malgré tout notre attention sur la valeur immatérielle des marques et leur pouvoir de prescription. Si demain on se remettait à troquer avec des grains de café comme le faisaient les civilisations pré-colombiennes, bien riche serait celui qui possèderait les grains de chez Nespresso (dont la dernière édition spéciale réserve se vend à 12 euros l’étui de 10 capsules) quand le commun des mortels aurait du grain en vrac de chez Grand-Mère ou Monoprix.

Grâce au développement du moblie et des réseaux sociaux à travers le monde occidental et les pays en développement, concevoir une monnaie de marque n’est plus si compliqué. Au-delà des coins et autres credits, le futur succès des grandes marques de consommation passe par l’imagination et la créativité en matière de monnaies brandées. Engager et fidéliser le consommateur, répondre à des problèmes micro-économiques tout en captant un marché, ou établir sa marque comme un étalon absolu de confiance… et peut-être encore d’autres enjeux non encore imaginés.

Distribution, branding, expérience digitale, expérience physique… aujourd’hui les frontières sont brouillées et redéfinissent nos métiers. Mais au cœur de tout dispositif reste un invariant : la marque. A nous spécialistes d’en imaginer le futur. Autant de chantiers passionnants pour les années à venir au croisement du branding, de la micro-économie et du design. Pour nous une chose est sûre, dans le futur l’argent ne fera peut-être pas encore le bonheur mais la monnaie fera des marques heureuses.

Eric Coulon, planneur stratégique

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